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Décisions

CA Pau, ch. soc., 28 février 1991, n° 2034-90

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gondelaud

Défendeur :

Nutri-Metics International France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Larque

Conseillers :

MM. Suquet, Laville

Avocats :

Mes Tafall, Besson.

Cons. prud'h. Bayonne, du 22 juin 1990

22 juin 1990

Madame Gondelaud a été engagée le 2 mai 1984 par la société Nutri Metics en qualité de VRP à temps partiel.

Le 10 février 1986, elle a été engagée à temps complet et a été nommée Directrice de District.

Des désaccords étant survenus entre les parties, Madame Gondelaud a, par lettre du 25 juillet 1988, réclamé diverses sommes à son employeur, ainsi que l'envoi d'une lettre de licenciement.

Saisi par Madame Gondelaud et par la société Nutri Metics de différentes demandes de rappels de salaire et congés payés, indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, remboursement de frais, rectification du certificat de travail remboursement de solde d'encaissement, remboursement de leasing, le Conseil des prud'hommes de Bayonne, par jugement en date du 22 juin 1990, a :

- dit que Madame Gondelaud est responsable de la rupture du contrat de travail,

- confirmé la décision du Bureau de Conciliation du 10 février 1989 qui a ordonné à la SARL Nutri-Metics International France de :

* verser la somme de 8 000 F au titre des frais de leasing,

* délivrer le certificat de travail et l'attestation pour l'Assedic,

- dit que le certificat de travail sera établi comme suit en ce qui concerne les dates et les deux emplois occupés :

* du 2 mai 1984 au 9 février 1986 : VRP à temps partiel,

* du 10 février 1986 au 28 juillet 1988 : Directrice de District à temps complet,

- dit cependant qu'il n'y a pas lieu à astreinte pour la remise de cette pièce,

- débouté Madame Gondelaud du surplus de ses demandes,

- débouté la SARL Nutri-Metics International France de sa demande reconventionnelle,

- condamné les parties par moitié aux dépens.

Dans des conditions de forme qui ne sont pas contestées, Madame Gondelaud a interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la Cour de :

- réformer le jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Bayonne,

- dire et juger que la SARL Nutri Metics International France a violé tant les prescriptions réglementant le SMIC mensuel salarié que celles réglementant le SMIC trimestriel VRP,

- condamner la SARL Nutri Metics International France, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer les sommes de :

* 54 251,59 F à titre de rappel de salaire pour les années 1986, 1987, 1988,

* 5 425,15 F à titre de congés payés sur rappel de sal aire,

* 6 500 F à titre de remboursement de frais pour l'année 1988,

* 14 587 F au titre de trois mois de préavis,

* 1 459 F à titre de congés payés sur préavis,

* 8 265,96 F au titre de l'indemnité spéciale de rupture,

* 48 623,30 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

- condamner la SARL Nutri Metics International France, prise en la personne de son représentant légal, à rectifier le certificat de travail remis par suppression de la mention "à temps partiel" et ce conformément aux prescriptions de l'article L. 122- 16 alinéa 1 ;

- la débouter de ses demandes reconventionnelles ;

- condamner la SARL Nutri Metics International France en tous les dépens.

La société Nutri Metics a formé appel incident et a demandé à la Cour de :

- débouter Madame Gondelaud de ses demandes,

- recevoir son appel incident,

- condamner Madame Gondelaud à lui verser :

* à titre de solde d'encaissements : 18 674,32 F,

* à titre de remboursement de leasing : 8 000 F ;

- condamner Madame Gondelaud à lui payer une indemnité de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

MOTIFS :

- SUR LE CONTRAT DE TRAVAIL.

Attendu que Madame Gondelaud a été engagée par la société Nutri Metics en qualité de VRP à temps partiel à dater du 2 mai 1984 ; que son activité consistait à vendre des produits de beauté et des cosmétiques aux particuliers ; qu'elle était rémunérée par des commissions ;

Attendu que Madame Gondelaud a été nommée Directrice de District le 10 février 1986 ; qu'il était précisé dans la lettre de nomination qui lui a été adressée, qu'elle devait notamment consacrer tout son temps et toute son activité à la représentation de la société, qu'elle ne devait représenter aucune autre entreprise, qu'elle serait rémunérée par des commissions et que sa qualité de directrice de district ne lui serait maintenue qu'autant qu'elle remplirait toutes les conditions figurant au PRP (plan de rémunération et de progression) actualisé ;

Attendu que Madame Gondelaud, qui a connu des problèmes de santé à partir du mois de septembre 1987, ayant entraîné son hospitalisation et une intervention chirurgicale, n'a plus obtenu à compter de cette période les résultats espérés par son employeur ; que par lettre du 25 juillet 1988 et par plusieurs correspondances postérieures, invoquant le statut et la convention collective des VRP, elle a réclamé à la société Nutri-Metics le paiement des salaires qu'elle estimait lui être dus ;

Attendu que la société Nutri-Metics, qui ne conteste pas que Madame Gondelaud exerçait des fonctions de VRP, soutient pour s'opposer à ses demandes :

- que la nomination de Madame Gondelaud en qualité de directrice de district était provisoire, la lettre de nomination rappelant que cette qualité ne lui serait maintenue qu'autant qu'elle remplirait toutes les conditions fixées au PRP ; que Madame Gondelaud a accepté ces conditions et que l'article 1134 du Code civil doit s'appliquer en l'espèce ;

- que l'activité de Madame Gondelaud a brusquement chuté à partir de juillet 1987 et qu'elle a totalement cessé de remplir les conditions de maintien de la qualité de directrice de district ;

- que par ailleurs Madame Gondelaud n'a jamais établi les rapports d'activité auxquels elle était tenue ;

Attendu cependant qu'il est de jurisprudence constante que la qualification que les parties donnent à leurs rapports et les clauses incompatibles avec le statut de VRP qu'elles insèrent dans le contrat ne peuvent tenir en échec l'application du statut, dès lors qu'il se vérifie dans les faits que le VRP satisfait bien aux conditions énoncées par l'article L. 751-1 du Code du travail; que la qualification contraire donnée contractuellement par les parties à leurs rapports devient inopérante(Cass. Soc. 23 octobre 1984) ;

Attendu que l'article 2 de la Convention collective nationale des VRP prescrit que "les dispositions de la présente convention collective s'appliquent aux représentants de commerce travaillant dans les conditions définies par les articles L. 751-1 à L. 751-3 du Code du travail qui rendent effectivement compte de leur activité à leurs employeurs dès lors que ceux-ci leur en ont fait la demande" ;

Attendu en l'espèce, et conformément aux dispositions de l'article L. 751-1 du Code du Travail :

- que Madame Gondelaud travaillait pour le compte de la société Nutri-Metics;

- qu'elle devait, depuis le 10 février 1986, consacrer tout son temps et toute son activité à la représentation de la sociétéet qu'elle ne devait représenter aucune autre entreprise, même non concurrente; qu'elle devait assister aux réunions organisées par la société et faire parvenir un rapport hebdomadaire d'activité;

- qu'elle était liée à son employeur par des engagements déterminant la nature des marchandises offertes à la vente, la catégorie de clients qu'elle était chargée de visiter et le taux de sa rémunération;

Attendu que la société Nutri Metics n'établit pas que Madame Gondelaud n'ait pas rempli son obligation de rendre compte de ses activités ; qu'elle ne justifie d'aucune demande écrite qui soit restée sans réponse ;

Attendu en conséquence que ces éléments établissent que depuis le 10 février 1986 Madame Gondelaud exerçait des fonctions de VRP à temps complet au service exclusif de la société Nutri Metics;

Attendu que le statut légal des VRP a un caractère d'ordre public; que la société Nutri Metics, dans le but d'éviter d'avoir à régler un salaire minimum, ne pouvait donc prévoir dans sa lettre du 10 février 1986 que Madame Gondelaud travaillerait ultérieurement à temps partiel si ses résultats s'avéraient insuffisants; qu'il lui appartenait au contraire de rompre, dans le cadre d'une procédure légale, le contrat de travail la liant à sa salariée, si elle estimait insuffisants les résultats de celle-ci;

- SUR LES RAPPELS DE SALAIRE

Attendu que l'article 5 de la Convention Collective Nationale des VRP énonce que lorsqu'un représentant de commerce est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps à une ressource minimale forfaitaire qui, déduction faite des frais professionnels, ne pourra être inférieure à 520 fois le taux horaire du SMIC ;

Attendu que Madame Gondelaud peut prétendre bénéficier de ce salaire minimum du 10 février 1986 au 30 juin 1988, date à laquelle elle reconnaît que ses relations de travail avec la société Metics ont pris fin ;

Attendu qu'il résulte des bulletins de salaire versés aux débats que Madame Gondelaud a perçu :

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Attendu qu'elle a donc perçu pendant la période où elle a exercé ses fonctions à temps complet, une somme totale de 90 382,55 F ;

Qu'elle aurait dû percevoir, compte tenu de la convention collective :

- 10 février 1986 au 31 mars 1986 : 7 525 F

- 2° trimestre 1986 : 13 636 F

- 3° trimestre 1986 : 13 998 F

- 4° trimestre 1986 : 13 998 F

- 1° trimestre 1987 : 14 111 F

- 2° trimestre 1987 : 14 476 F

- 3° trimestre 1987 : 14 476 F

- 4° trimestre 1987 : 14 476 F

- 1° trimestre 1988 : 14 476 F

- 2° trimestre 1988 : 14 587 F

TOTAL : 135 759 F

Qu'il lui reste donc dû la somme de 45 376,45 F ; qu'elle peut également prétendre à la somme de 4 537,64 F à titre de congés payés sur salaires ;

Qu'il convient donc de condamner la société Nutri Metics au paiement de ces sommes, soit 49 914,09 F au total.

- SUR LE LICENCIEMENT INVOQUÉ :

Attendu que Madame Gondelaud soutient que la faute commise par son employeur, en l'espèce le fait de ne pas lui avoir versé le salaire auquel elle pouvait prétendre, doit s'analyser comme l'inexécution par l'une des parties de ses obligations contractuelles et constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Mais attendu que Madame Gondelaud n'a jamais mis la société Nutri-Metics en demeure de lui régler un salaire minimum conformément aux dispositions de la Convention collective des VRP ; que dans sa première lettre du 25 juillet 1988, elle demande l'envoi d'une lettre de licenciement et manifeste ainsi sa volonté de ne plus travailler pour le compte de la société Nutri-Metics ; qu'elle doit donc être déclarée responsable de la rupture du contrat de travail et être déboutée de ses demandes fondées sur un licenciement ;

- SUR LA DEMANDE DE REMBOURSEMENT DE FRAIS :

Attendu que Madame Gondelaud demande que lui soit versée une somme de 6 500 F à titre de remboursement de frais pour l'année 1988 ;

Mais attendu que cette somme a déjà été prise en compte dans le calcul de sa créance ; que sa demande ne peut donc être satisfaite une seconde fois ;

- SUR LA RECTIFICATION DU CERTIFICAT DE TRAVAIL :

Attendu que les dispositions du présent arrêt font que Madame Gondelaud a travaillé pour la société Nutri-Metics en qualité de VRP à temps partiel du 2 mai 1984 au 9 février 1986 et de Directrice du District du 10 février 1986 au 30 juin 1988 ;

Que le certificat de travail doit donc être rectifié en ce sens ;

- SUR LA DEMANDE DE LA SOCIÉTÉ NUTRI-METICS DE REMBOURSEMENT DE SOLDE D'ENCAISSEMENTS :

Attendu que la société Nutri-Metics réclame la somme de 18 674,32 F correspondant à des encaissements que Madame Gondelaud aurait perçus de la part de clients et qu'elle n 'aurait pas reversé à la société ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats (échange de correspondance et relevés de compte, que Madame Gondelaud n'a jamais contesté, reconnaissant même dans sa lettre du 25 juillet le principe de sa dette) que Madame Gondelaud reste devoir une somme de 18 674,32 F à la société Nutri-Metics ; qu'il convient donc de la condamner au paiement de cette somme ;

- CONCERNANT LA DEMANDE DE REMBOURSEMENT DE LEASING :

Attendu que Madame Gondelaud, en qualité de directrice de district, bénéficiait de la mise à la disposition d'un véhicule ;

Que la société Nutri-Metics soutient que la fourniture de cette voiture n'était plus due dès lors que Madame Gondelaud n'a plus respecté ses obligations fixées par le PRP ; qu'elle réclame en conséquence le remboursement par Madame Gondelaud de la somme de 8 000 F qu'elle a reçue en exécution provisoire de l'ordonnance de non conciliation, au titre du leasing de la voiture de fonction ;

Mais attendu que la Cour a jugé que Madame Gondelaud occupait le poste de Directrice de District jusqu'à la rupture du contrat de travail et qu'elle a ainsi bénéficié de tous les avantages de ce poste jusqu'à ladite rupture même si elle est responsable de celle-ci ;

Qu'il convient donc de débouter la société Nutri-Metics de sa demande ;

- SUR L'APUREMENT DES COMPTES ENTRE LES PARTIES

Attendu qu'il résulte des éléments ci-dessus développés que Madame Gondelaud reste créancière de la somme de 49 914,09 F et la société Nutri-Metics de celle de 18 674,32 F ; qu'il convient donc d'apurer les comptes entre les parties et de condamner la société Nutri-Metics à payer à Madame Gondelaud la somme de 31 239,77 F ;

- SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET LES DÉPENS :

Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de Madame Gondelaud les sommes par elle exposées et non comprises dans les dépens ; qu'il convient donc de condamner la société Nutri-Metics à lui verser la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu'il échet enfin de condamner la société Nutri-Metics aux dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort ; Déclare régulier en la forme les appels interjetés ; Au fond : Réforme la décision entreprise ; Condamne, après apurement de comptes entre les parties, la société Nutri-Metics à verser à Madame Gondelaud : - la somme de 31 239,77 F ; - celle de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne la société Nutri-Metics à rectifier le certificat de travail, remis à Madame Gondelaud, en y indiquant comme emploi : - VRP à temps partiel du 2 mai 1984 au 9 février 1986 ; - VRP à temps complet du 10 février 1986 au 30 juin 1988 ; Dit les parties non fondées en leurs autres demandes plus amples ou contraires ; Condamne la société Nutri-Metics en tous les dépens de première instance et d'appel ;