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Décisions

CA Douai, 2e ch. civ., 2 juillet 1992, n° 1142-91

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Bachelet (Consorts)

Défendeur :

Amidis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vandewyhaeghe

Conseillers :

MM. Jean, Aynard

Avoués :

Me Gautier, SCP Carlier-Régnier.

T. com. Lille, du 26 nov. 1990

26 novembre 1990

Attendu que, par jugement en date du 26 novembre 1990, le tribunal de commerce de Lille a condamné solidairement Eric Bachelet, Marie-Christine Bachelet Fivey et Georgette Bachelet-Meunier à payer à la société Amidis la somme de 42.912,93 F due pour solde débiteur après inventaire, avec intérêts judiciaires à compter de la mise en demeure du 17 avril 1984 et avec anatocisme desdits intérêts à compter du 8 mars 1990, date de la demande ; que ce tribunal les condamnait également au paiement de la somme de 4.200 F à titre de dommages-intérêts et à celle de 1.500 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.

Attendu que le 13 février 1991, Eric Bachelet, la dame Marie-Christine Fivey et la dame Georgette Bachelet ont interjeté appel de cette décision en demandant sa réformation et le débouté de la société Amidis en toutes ses demandes.

Qu'aux termes de conclusions déposées le 13 juin 1991, ils demandent à la Cour :

-à titre principal :

- de débouter la société Amidis de ses demandes et de constater la nullité de l'engagement de caution de la dame Bachelet Meunier en application de l'article 1110 du code civil,

- à titre subsidiaire :

- de constater que ce cautionnement est irrégulier en application des dispositions des articles 1326 et 2015 du code civil.

Qu'ils font valoir :

1- à l'encontre de la demande principale de la société Amidis :

- que les époux Bachelet-Fivey ont pris, le 4 février 1983 la co-gérance mandataire d'un magasin de vente au détail situé à Armentières qui aurait présenté au 28 juillet 1983 un déficit de 47.989,10 F qui leur est réclamée de manière injustifiée, car, selon une jurisprudence constante, les gérants non salariés de succursales de maison d'alimentation, admis à ce titre à bénéficier des avantages accordés aux salariés par les lois de prévoyance et de protection sociale, ont le droit de conserver définitivement, chaque mois, qu'elle qu'ait été l'importance du déficit mensuel imputable à leur gestion, sauf faute lourde de leur part, une rémunération au moins égale au salaire minimum interprofessionnel garanti.

2- à l'encontre de l'acte de cautionnement dont la société Amidis se prévaut à l'encontre de la dame Bachelet-Meunier :

- que cet acte est entaché d'irrégularités le rendant nul, car il ne comporte pas l'état-civil de la dame Bachelet-Meunier, aucune mention des sommes pour lesquelles elle s'est engagée, ni aucune référence au contrat dont il serait l'annexe ; que les règles de preuve des articles n'ont pas été respectées ; que la dame Bachelet-Meunier, simple femme de ménage au moment de la signature des contrats n'a pu avoir conscience de l'étendue de ses engagements ; que dès lors cet acte de cautionnement doit être déclaré nul pour erreur en application de l'article 1110 du code civil.

3- sur la mise en œuvre de l'anatocisme :

- qu'il ne se justifie pas eu égard à leur bonne foi.

Attendu que le 6 novembre 1991, la société Amidis a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation des parties appelantes au paiement d'une indemnité de 2.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Qu'elle précise quant aux faits et à la procédure :

- que par contrat en date du 4 février 1983, les époux Bachelet-Fivey Eric ont pris la co-gérante mandataire d'un magasin de vente au détail situé à Armentières lui appartenant,

- que par acte du même jour, la dame Georgette Bachelet-Fiévet s'est portée caution solidaire vis-à-vis de la société de toutes les obligations que les co-gérants pourront contracter dès l'exécution du contrat,

- qu'à la suite de cette exploitation, l'arrêté de compte de cession a fait apparaître, après rectification, un solde débiteur de 42.912,93 F à la date du 20 décembre 1983,

- qu'elle a obtenu la condamnation des débiteurs au paiement de cette somme.

Qu'elle fait valoir :

1- en ce qui concerne la somme dont elle réclame le paiement :

- qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'un déficit de gestion, mais d'un déficit d'inventaire résultant d'un arrêté de compte d'inventaire de cession établi contradictoirement le 20 décembre 1983 ; que les gérants non salariés des succursales de maison d'alimentation doivent, sauf convention contraire et même en l'absence de faute lourde, assumer la totalité de ce déficit d'inventaire ainsi que le prévoit l'article 8 du contrat.

2- en ce qui concerne l'engagement de caution de la dame Bachelet-Meunier :

- que celle-ci connaissait exactement la nature et l'étendue de son obligation car il y était indiqué :

" Mme Bachelet-Meunier intervient au présent accord pour se porter garant et caution solidaire sans bénéfice de discussion ni de division des co-gérants vis-à-vis de la société de toutes les obligations que les co-gérants pourront contracter dans l'exécution du présent contrat et qui pourraient en découler en particulier en cas d'arrêté de compte faisant ressortir un solde en faveur de la société..." suivi de la mention Lu et approuvé bon pour caution...

- que la dame Bachelet-Meunier était présente à la signature du contrat de référence passé le même jour et que cette présence n'avait d'autre motif que de garantir ses enfants envers la société Amidis.

3- sur la capitalisation, que celle-ci est de droit en application des dispositions de l'article 1154 du code civil :

Attendu que l'action engagée le 4 mars 1985 par la société Amidis à l'encontre d'Eric Bachelet et de Marie-Christine Fivey, son épouse, ainsi que de la dame Georgette Bachelet, cette dernière prise en sa qualité de caution, tendait à obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme totale de 42.912,93 F représentant le montant d'un déficit d'inventaire à la suite de la cession d'un magasin dont ils avaient assuré la gestion ;

Attendu que Eric Bachelet a reconnu la réalité de ce déficit d'inventaire dans un écrit en date du 15 novembre 1983 et s'est engagé à le rembourser ;

Que dès lors les époux Bachelet qui avaient, aux termes d'un contrat passé le 4 février 1983, la responsabilité de la gérance de ce magasin ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement entrepris, le tribunal de commerce de Lille a fait droit à la demande de la société Amidis en les condamnant au paiement de cette somme ; que le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé en ce qui les concerne.

Attendu cependant que, poursuivant la dame Georgette Bachelet en paiement de la même somme, la société Amidis se fonde sur un acte de caution souscrit le 4 février 1983 par cette personne ; que cet acte porte la seule mention " Lu et approuvé. Bon pour caution conjointe et solidaire sans bénéfice de discussion ou de division " ; qu'il ne comporte aucune autre indication ; que dès lors n'étant pas suffisamment précis quant à l'étendue de l'engagement qui aurait été souscrit par la dame Bachelet, il ne saurait être tenu comme répondant aux prescriptions d'engagement exprès prévu à l'article 2015 du code civil et tenu pour valable ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris en ce qui concerne la dame Georgette Bachelet et de la mettre hors de cause.

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Amidis des frais qu'elle a exposés et qui ne seraient pas compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs, Reçoit les époux Bachelet-Fivey et la dame Georgette Bachelet en leurs appels, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes de la société Arnidis à l'encontre des époux Bachelet-Fivey, L'infirme pour le surplus et Déboute la société Amidis de ses demandes dirigées contre la dame Georgette Bachelet, Condamne les époux Bachelet-Fivey aux dépens de première instance et d'appel.