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Décisions

CA Poitiers, ch. civ. sect. 2, 2 mars 1999, n° 9702858

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Charron (époux)

Défendeur :

Casino France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Andrault

Conseillers :

MM. Daniau, Taillebot

Avoués :

SCP Landry-Tapon, SCP Musereau-Drouineau Rosaz

Avocats :

Mes Diet, de Caunes, Dubreuil.

T. com. Saintes, ord. réf., du 1er juill…

1 juillet 1997

I FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par contrat du 22 août 1995, la société Casino France a confié aux époux Charron la co-gérance d'une " supérette " située 76 rue Lagrange à Bordeaux.

Ayant procédé le 23 juin 1996 à un inventaire, elle se serait aperçue de manques sur l'état des marchandises en stock, et elle a pour ce motif résilié le contrat la liant aux époux Charron par courrier du 26 juillet 1996.

Poursuivant le recouvrement du solde débiteur du compte de gestion, la société Casino a assigné les époux Charron en référé devant le Président du Tribunal de Commerce de St. Etienne ; les défendeurs ont soulevé l'incompétence de cette juridiction au profit principalement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, et subsidiairement du Tribunal de Commerce de Saintes. Le président du Tribunal de Commerce de St. Etienne a rejeté l'exception d'incompétence au profit de la juridiction prud'homale, mais il a accueilli l'exception au profit du Juge des référés de Saintes.

Par ordonnance du 1er juillet 1997, le Juge des référés du Tribunal de Commerce de Saintes a rejeté une nouvelle exception d'incompétence et a condamné solidairement les époux Charron à payer à la société Casino la somme de 115.119,23 F avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 1997, outre 3.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Par acte du 25 août 1997, les époux Charron ont interjeté régulièrement appel de cette décision.

Les époux Charron demandent à la Cour la réformation totale de la décision contestée, de dire le Tribunal de Commerce incompétent au profit du Conseil des Prud'hommes de Bordeaux, subsidiairement de débouter la société Casino et de la condamner à leur payer 7.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Ils soutiennent :

1°) que, par application de l'article L. 782-5 du Code du Travail, le litige ressort de la compétence du Conseil des Prud'hommes de Bordeaux, compétent ratione loci en raison du lieu d'exécution du contrat de travail ;

2°) qu'il existe une contestation sérieuse, la preuve du déficit du " compte général de dépôt " n'étant pas rapportée en l'absence de signature sur ce document, à la différence de l'inventaire des marchandises et des emballages, et qu'ils n'ont en tout cas pu, à leur retour de vacances, accéder au magasin et vérifier l'existence de ce prétendu déficit.

La Société Casino demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et de condamner les époux Charron à lui payer 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Elle a considéré qu'il appartenait à la Cour de statuer par une seule et même décision sur l'appel tant du jugement au fond que de l'ordonnance de référé, et elle s'en est remise à ses écritures au fond.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 janvier 1999.

II MOTIFS DE LA DECISION

2 - 1 : La procédure et la compétence

Il n'a été procédé à aucune jonction entre les instances enrôlées sous les numéros 97/02858 (appel de l'ordonnance de référé) et 98-01916 (instance au fond) ; il ne sera d'ailleurs pas statué par une seule et même décision, la Cour de ce siège ayant, dans le dossier concernant le fond, renvoyé l'affaire devant la Cour de Bordeaux.

La société Casino ne peut se référer à des écritures prises dans une instance distincte sans annexer ces écritures ou les notifier dans la présente instance. Elle a toutefois conclu au fond et sollicite la confirmation de l'ordonnance.

Comme l'a exactement relevé le premier juge, les époux Charron n'ont pas élevé de contredit à l'ordonnance du Juge des référés de St. Etienne, qui a rejeté leur exception d'incompétence au profit du Conseil des Prud'hommes de Bordeaux, et cette décision est sur ce point devenue définitive.

Par application de l'article 96 du NCPC, la décision d'incompétence attribuant la connaissance du litige au juge des référés du Tribunal de Commerce de Saintes s'impose à cette juridiction et aux parties, et les époux Charron sont mal fondés à opposer encore la compétence du Conseil des Prud'hommes de Bordeaux.

En outre, il convient d'observer que l'article L. 782-5 du Code du Travail n'attribue compétence aux juridictions prud'homales que pour connaître des litiges relatifs aux conditions de travail des gérants non salariés, ainsi qu'à la rupture de leur contrat.

Or le présent litige ne relève d'aucune de ces deux catégories, mais se rapporte au paiement d'une somme d'argent en règlement d'un solde de compte de gestion.

Il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce que le juge a retenu sa compétence tant en raison de l'objet du litige que géographiquement.

2 - 2 : La demande de provision

Il résulte de l'inventaire dressé contradictoirement avec les époux Charron et signés par eux que des marchandises manquent (exemple des références 3036811537012, 3215825120346, 3011261057907, etc.).

Après compensation avec un excédent sur le compte emballages, le déficit est ramené à la somme de 103.506,74 F.

Il n'existe pas de contestation sérieuse sur cette somme ; la société Casino ne justifie pas du surplus de ses demandes.

Il convient de réformer l'ordonnance entreprise quant au montant de la provision allouée à la société Casino, mais de condamner les époux Charron à payer une provision de 103.506,74 F avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 1997, date de la mise en demeure.

Les époux Charron supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à une indemnité au titre de l'article 700 du NCPC.

Il serait inéquitable de laisser à la société Casino la charge de ses frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué une somme de 2.500 F s'ajoutant à celle déjà obtenue en première instance.

III DECISION

Par ces motifs et ceux non contraires du premier juge : la Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire ; Réforme l'ordonnance du Juge des référés commerciaux de Saintes du 1er juillet 1997, mais seulement en ce qui concerne le montant de la provision allouée à la société Casino ; Statuant à nouveau de ce chef, condamne solidairement les époux Charron à payer à la société Casino la somme de 103.506,74 F (15.779,50 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 1997 ; Confirme pour le surplus l'ordonnance entreprise ; Ajoutant à la décision entreprise, condamne les époux Charron à payer à la société Casino la somme de 2.500 F (381,12 euros) au titre de l'article 700 du NCPC ; Déboute les époux Charron de leur propre demande ; les condamne aux dépens et autorise la SCP Musereau-Drouineau à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en recevoir préalablement provision.