CA Bordeaux, ch. soc., 28 juin 1990, n° 2789-89
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Piquaud
Défendeur :
SACM (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lataste
Conseillers :
MM. Besset, Chauvin
Avocats :
Mes Diet, Dormoy.
FAIT ET PROCÉDURE :
LA COUR est saisie de l'appel formé le 24 mars 1989 par M. Piquaud à l'encontre du jugement prononcé le 10 mars 1989 par le Conseil des Prud'hommes de Libourne qui, dans un litige prud'homal opposant l'appelant à la société SA Constructions Métalliques a débouté M. Piquaud de ses demandes.
Les faits de la cause et ceux de la procédure ont été exactement relevés dans la décision déférée.
A l'appui de sa voie de recours Monsieur Piquaud, dans ses conclusions déposées à l'audience, reprenant son argumentation soutenue en Première Instance, demande à la Cour de réformer la décision du Conseil des Prud'hommes, de lui allouer l'ensemble des sommes réclamées en Première Instance et d'ordonner une expertise afin de déterminer le solde des commissions qui lui sont dues.
Pour sa part la société SA Constructions Métalliques, dans ses conclusions déposées le 21 mai 1990, réitérant ses moyens déjà développés devant les premiers Juges prie la Cour de confirmer la décision déférée et de condamner Monsieur Piquaud au paiement de 2 500 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DÉCISION DE LA COUR :
- SUR LES DONNÉES DU LITIGE -
Attendu qu'il résulte de l'ensemble des pièces et documents régulièrement versés aux débats par les parties que :
- Monsieur Piquaud a été embauché le 1er novembre 1965 en qualité de VRP, par la société Etablissements Giraud,
- Le contrat de travail de Monsieur Piquaud s'est poursuivi avec la société SA Constructions Métalliques le 5 juin 1987, qui a pris la location-gérance de l'entreprise,
- Par lettres des 7 juillet 1987 et 20 avril 1988 Monsieur Piquaud a fait état à son employeur des retards importants de livraison entraînant des non-paiements de commission,
- Par lettre du 24 juin 1988 Monsieur Piquaud a mis en demeure son employeur d'exécuter les commandes en attente en menaçant de prendre acte de la rupture du contrat de travail,
- Par lettre du 8 juillet 1988 Monsieur Piquaud a pris acte de la rupture du contrat de travail, rappelant à l'employeur qu'il était tenu à une clause de non-concurrence,
- Monsieur Piquaud a saisi le 19 août 1988 le Conseil des Prud'hommes de Libourne qui a rendu la décision frappée d'appel,
- La société SA Constructions Métalliques a réglé par la suite à Monsieur Piquaud l'indemnité de congés payés ainsi que le montant de commissions dues.
- SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL -
Attendu que Monsieur Piquaud verse aux débats devant la Cour une vingtaine de lettres et d'attestations de clients de la société SA Constructions Métalliques se plaignant de la non exécution et des retards importants des commandes passées ;
Qu'il est ainsi fait état de la construction de hangars métalliques en 1987 et 1988 avec plusieurs mois de retard, voire plus d'un an ;
Attendu que Monsieur Piquaud a dès le 7 juillet 1987 avisé la société SA Constructions Métalliques des difficultés liées à la non-réalisation des commandes qu'il avait passées, entraînant pour lui des paiements de commission avec retard ; que la situation s'est néanmoins poursuivie jusqu'au 8 juillet 1988 sans la moindre réponse de l'employeur et qu'à cette date Monsieur Piquaud a pris acte de la rupture du contrat ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la rémunération de Monsieur Piquaud en 1987 et en 1988 a diminué de près d'1/5 (environ 2.500 F par mois) ; que la société SA Constructions Métalliques est mal venue d'invoquer la situation économique de l'entreprise reprise en location-gérance, alors qu'elle n'a jamais répondu aux lettres de Monsieur Piquaud et qu'elle ne lui a adressé aucun reproche sur sa façon de travailler, contrairement à ce qu'elle semble soutenir dans ses écritures devant la Cour ; qu'il n'est en effet nullement établi que Monsieur Piquaud ait refusé au mois de novembre 1987 de suivre la nouvelle politique commerciale de l'entreprise ;
Attendu que la société SA Constructions Métalliques apar contre cessé de livrer régulièrement des commandes prises par Monsieur Piquaud, le mettant dans l'impossibilité de continuer utilement sa prospection et entraînant une diminution globale de ses commissions; que la rupture du contrat de travail doit être imputée à l'employeur qui n'a pas exécuté ses obligations contractuelles; que la décision des premiers juges doit être réformée sur ce point;
Attendu que Monsieur Piquaud est fondé à obtenir une indemnité compensatrice de préavis égale à 3 mois de salaire, après abattement de 3 % pour frais professionnels, soit 30.119,32 F ; qu'ayant renoncé au bénéfice de l'indemnité de clientèle, il peut prétendre également à l'indemnité spéciale de rupture après 22 ans d'ancienneté soit 72.910,59 F et aussi à l'indemnité conventionnelle de rupture calculée sur la partie fixe de sa rémunération soit 12.740,00 F ;
- SUR LES AUTRES DEMANDES -
Attendu que Monsieur Piquaud réclame un solde de commissions ; que les correspondances versées aux débats font état d'encaissements en 1989 et en 1990 avec des contestations ; qu'il y a lieu d'ordonner l'expertise demandée, l'employeur reconnaissant le principe de la créance ;
Attendu que Monsieur Piquaud sollicite la contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence qui était prévue à son contrat de travail ; qu'il convient de relever qu'il n'est pas contesté que Monsieur Piquaud travaille pour le compte d'une société concurrente de la société SA Constructions Métalliques; que son secteur géographique d'activité comprend les Landes, les Pyrénées-Atlantiques et une partie du Lot-et-Garonne; que dès lors il doit être débouté de sa demande dans la mesure où la clause de non-concurrence du contrat initial excluait toute activité concurrente dans le secteur d'activité de Monsieur Piquaud (Gironde) mais également dans les départements limitrophes;
Attendu qu'eu égard aux éléments du dossier la Cour estime inéquitable de laisser à Monsieur Piquaud la charge totale des frais irrépétibles engagés ; qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 2.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare partiellement fondé l'appel formé par Monsieur Piquaud à l'encontre du jugement rendu le 10 mars 1989 par le Conseil de Prud'hommes de Libourne, Réforme pour partie la décision déférée, Statuant à nouveau, Dit et juge que la rupture du contrat de travail est imputable à la société SA Constructions Métalliques et qu'elle est abusive, Condamne la société SA Constructions Métalliques à payer à Monsieur Piquaud les sommes de : 30.119,32 F (trente mille cent dix neuf francs trente deux centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 72.910,51 F (soixante douze mille neuf cent dix francs cinquante et un centimes) au titre de l'indemnité spéciale de rupture, 12.740 F (douze mille sept cent quarante francs) au titre de l'indemnité conventionnelle de rupture, 2.000 F (deux mille francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Déboute Monsieur Piquaud de sa demande de contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence, Avant dire droit sur le solde de commissions et d'indemnité de congés payés, Ordonne une expertise et commet pour y procéder Monsieur Latapy demeurant 24, rue du Mirail à Bordeaux, lequel aura pour mission après avoir entendu les parties en leurs explications et pris connaissance des pièces : - de déterminer le solde des commissions encore dues à Monsieur Piquaud en application du contrat de travail ainsi que le solde de l'indemnité de congés payés, Dit que l'expertise se fera aux frais avancés de Monsieur Piquaud qui devra consigner au Secrétariat-Greffe de la Cour la somme de 6.000 F à valoir sur la rémunération de l'expert dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, Dit que l'expert déposera son rapport dans le délai maximum de 3 mois à compter de l'acceptation de sa mission, Dit que l'expert avisera Monsieur le Président de la Chambre Sociale des difficultés qu'il pourra rencontrer, susceptibles de mettre obstacle au cours normal de ses investigations et que ce magistrat procèdera à son remplacement au cas d'empêchement ou de refus dudit expert d'accomplir sa mission. Réserve les dépens.