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Décisions

CA Lyon, ch. soc., 29 mai 1996, n° 9404901

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Henry Blue Spencer's (SA)

Défendeur :

Payet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvire

Conseillers :

M. Simon, Mme Meallonnier

Avocats :

Mes Aguera, Brochard, Ducroux.

Cons. prud'h. Lyon, sect. encadr., du 23…

23 juin 1994

FAITS, PROCEDURE, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Monsieur Payet Roland a été embauché par la SARL des Etablissements Henry transformée ultérieurement en SA distributeur de vêtements, en qualité de VRP multicartes, à compter du 1er décembre 1990 aux fins de prospecter une clientèle de détaillants en vue du placement d'articles "sportwear et jeannerie" dans un secteur comptant dix-huit départements. Monsieur Payet Roland a démissionné, le 6 juillet 1992, à effet le 6 septembre 1992, "devant le problème géographique" et a " cédé " son secteur à un successeur en accord avec son employeur.

Par jugement rendu le 23 juin 1994 le Conseil de Prud'hommes de Lyon sur saisine du salarié a condamné la SA Henry-Blue Spencer's à payer à Monsieur Payet Roland un reliquat de commissions (2.448,29 F), outre congés payés y afférents, une somme de 17.868 F au titre "des commissions sur ordre non exécutés" et une somme de 34.458,72 F au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, outre une somme au titre de l'article 700 du NCPC.

La SA Henry-Blue Spencer's a régulièrement relevé appel de ce jugement. Elle expose que Monsieur Payet Roland a reçu l'intégralité des commissions auxquelles il pouvait prétendre et qu'aucun reliquat n'est dû à ce titre. Elle explique que seule la livraison des clients bénéficiant de la "couverture" SFAC était assurée et que Monsieur Payet Roland ne peut donc prétendre à des commissions sur des ordres pris auprès de clients ne remplissant pas cette condition, connue de lui (cf. note de service du 5 septembre 1991). L'appelante indique que Monsieur Payet ne peut prétendre à des commissions de retour sur échantillonnage, ni à la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence dès lors que le versement de cette contrepartie est dépourvue de cause juridique (l'impossibilité avouée par le salarié de prospecter son secteur le prive de contrepartie destinée à compenser le dommage résultant de la restriction apportée à l'activité du salarié).

Monsieur Payet Roland expose que de nombreux retards de livraison pour des ordres recueillis auprès de la clientèle démarchée sont survenus par le fait de son employeur (ainsi en juillet et août 1991 les commandes n'ont été honorées qu'à concurrence de 46 % et 45 %) et que des erreurs de calcul sur le montant des commissions dues étaient fréquentes. Il fixe à 8.625,02 F le montant des commissions éludées par son employeur. Il fixe à 17.868 F le montant des commissions sur ordres valablement reçus et non livrés par son ancien employeur, sans justification réelle.

Il estime qu'il a droit à des commissions de retour sur échantillonnage, pour les "réassorts" intervenus ensuite des commandes initiales prises pour les deux collections Eté et Hiver. Il considère enfin que la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence lui est due, sa démission n'ayant pas pour cause l'étendue de son secteur géographique mais l'irrégularité des versements des avances sur commissions lui permettant de prospecter son vaste secteur (20 départements en fin de contrat de travail).

MOTIFS DE LA DECISION :

A) Sur le solde des commissions :

Attendu que le contrat de travail prévoyait un taux de commissionnement de 5 % sur les ordres directs et indirects, sauf accord spécial à intervenir au moment de l'acceptation de l'ordre reçu à d'autres conditions que celles du tarif ;

Attendu que Monsieur Payet Roland a perçu pour toute la période travaillée en net imposable la somme de 104.772,98 F, congés payés compris ;

Attendu que le chiffre d'affaires hors taxe et déduction faite des frais de port et d'emballage sur lequel sont calculées les commissions est de 2.188.787,77 F soit un montant de commissions calculées au taux de 5 % de 109.439,38 F (aucun autre taux n'étant invoqué pour des affaires qui auraient été traitées à des conditions différentes du tarif) ;

Attendu qu'il existe en faveur du salarié un solde de 4.666,40 F au titre des commissions sur affaires réalisées ;

B) Sur les commissions calculées sur les ordres transmis par Monsieur Payet Roland et non livrés à la clientèle par l'employeur ;

Attendu que Monsieur Payet Roland est en droit de prétendre à ces commissions calculées sur des ordres qu'il a reçus et transmis à son employeur et que ce dernier n'a pas livrés;

Attendu qu'il n'apparaît pas que la SA Henry-Blue Spencer's a avisé son représentant que la Société Française d'Assurance Crédit (SFAC) excluait de sa garantie certains clients et que le représentant ne devait plus traiter avec eux;

Attendu que cette exclusion concerne plusieurs clients d'après les courriers de la SFAC résiliant pour chacun d'eux sa garantie ;

Attendu qu'il n'est pas avéré que postérieurement à ces courriers visant le magasin Performance à Moissac le 26 mai 1992, le magasin Chewing gum à Arcachon le 24 octobre 1992 (après l'expiration du contrat de travail de Monsieur Payet Roland), le magasin Duo à Saint-Flour le 19 octobre 1991, la SARL Légende à Bergerac le 8 octobre 1991, le magasin Comme dans un fauteuil à Marsac sur l'Isle le 30 octobre 1991, le magasin les 3 vallées à Villeneuve-sur-Lot le 13 mars 1992, le magasin Shap Man à Aurillac le 27 octobre 1992 (après l'expiration du contrat de travail), le magasin New Shop à Oloron Saint-Maurice le 26 mars 1992 et le magasin Tilt à Orleix le 22 avril 1993 (!) (après l'expiration du contrat de travail de Monsieur Payet), le salarié a été expressément informé de la résiliation intervenue et a continué à démarcher lesdits clients ;

Attendu que la livraison incomplète de certains clients n'est pas justifiée par l'allégation infondée de difficultés financières qu'ils rencontreraient;

Attendu que le jugement qui a admis le principe et le montant du commissionnement éludé à tort mérite confirmation ;

Attendu que le contrat de travail ne subordonnait pas le paiement de la commission à l'agrément du client par la SFAC ;

C) Sur les commissions de retour sur échantillonnage

Attendu que la pratique du "réassort" en cours de saison pour des articles de collections livrés en début de saison est avérée;

Attendu que le réassortiment d'articles dont la vente a épuisé le stock du détaillant est la suite directe des ordres passés par les détaillants auprès du représentant en début de saison;

Attendu que la commission de retour sur échantillonnage est dueà concurrence de la somme de 8.000 F pour le réassortiment concernant la collection Hiver 1992, les commandes initiales ayant été prises par Monsieur Payet Roland de février à avril 1992 avant son départ de l'entreprise et les "réassorts" ayant eu lieu pour partie postérieurement à son départ (vente de juillet à décembre 1992) ;

Attendu que le montant de cette commission sera fixé compte tenu d'une moyenne mensuelle de commissions de 4.000 F environ ;

D) Sur la contrepartie de la clause de non-concurrence

Attendu qu'une telle contrepartie prévue à l'article 17 de la convention collective nationale des VRP du 3 octobre 1975, est due dès lors que le VRP respecte l'interdiction de non-concurrence, sans avoir à justifier de l'existence du préjudice qu'il subit;

Attendu que cette contrepartie pécuniaire est due, en l'espèce, à Monsieur Payet Roland, peu important la cause de la rupture du contrat de travail (démission) et le mobile qui a déterminé le salarié à démissionner;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte sa prétendue volonté de ne pas prospecter un secteur géographique trop vaste rendant sa prospection trop onéreuse ;

Attendu que le mobile allégué qui le conduirait en toutes hypothèses à ne pas se rétablir sur le même secteur en son intégralité ne le prive pas de la contrepartie à son obligation contractuelle de non-rétablissement ;

Par ces motifs : LA COUR, Déclare régulier en la forme l'appel interjeté par la SA Henry-Blue Spencer's ; Au fond, Confirme le jugement en ce qu'il a alloué à Monsieur Payet Roland : la somme de 17.868 F bruts au titre des commissions sur ordres transmis et non livrés, la somme de 34.458,72 F au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence outre intérêts au taux légal à compter de chacune des échéances mensuelles ; la somme de 4.000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Y ajoutant et le modifiant, Condamne la SA Henry-Blue Spencer's à porter et payer à Monsieur Payet Roland la somme de 4.666,40 F bruts au titre de solde sur commissions, la somme de 8.000 F à titre de commission de retour sur échantillonnage et la somme de 5.000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la SA Henry-Blue Spencer's aux dépens de son appel.