Cass. com., 30 janvier 1996, n° 94-13.792
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Relais de la vallée (Sté)
Défendeur :
Hôtelière cognacaise (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Choucroy, SCP Richard, Mandelkern.
LA COUR : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 février 1994), que la société Hôtelière cognacaise a signé, le 25 août 1988, avec la société Relais de la vallée, un contrat de franchisage d'une durée de dix années ayant pour objet l'exploitation d'un hôtel et a, le 14 septembre 1990, assigné le franchiseur en annulation de ce contrat ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Relais de la vallée fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité du contrat et de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes, alors, selon le pourvoi, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir dans sa décision les moyens et documents invoqués par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en prenant dès lors en considération les conclusions déposées par la société Hôtelière cognacaise, conclusions desquelles elle n'a pas été à même de débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté après la communication de pièces et le dépôt de conclusions par la société Relais de la vallée plusieurs jours après l'ordonnance de clôture qu'aucune des parties n'alléguait l'existence d'une cause grave pour justifier la tardiveté de ses conclusions, ce dont il résultait que cette société n'avait pas sollicité la révocation de cette ordonnance, la cour d'appel a pu, sans méconnaître le principe de la contradiction, prendre en considération les conclusions déposées la veille de ladite ordonnance par la société Hôtelière cognacaise ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Relais de la vallée fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité du contrat et de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il appartenait au franchisé de démontrer que le contrat de franchisage était dépourvu de cause, faute d'un savoir-faire spécifique du franchiseur ; qu'en mettant à la charge de ce dernier la preuve que le franchisé n'avait pas servi de pilote et donc qu'il avait un savoir-faire spécifique, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'article de journal visé par la cour d'appel (L'Hôtellerie n° 1927 du 17 au 23 Octobre 1985) fait non seulement état du concept " Tonic hôtel ", ainsi que l'énonce l'arrêt, mais fait également mention de l'ouverture en septembre 1985 du premier " Tonic hôtel " à Paris, " en plein quartier Saint-Germain, "premier hôtel pilote" de la nouvelle franchise " ; qu'en énonçant dès lors qu'il fallait considérer que la société Hôtelière cognacaise avait servi de pilote au franchiseur, la cour d'appel a dénaturé l'article susvisé et, par suite, violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que les manquements éventuellement commis par le franchiseur dans l'établissement des prévisions d'activité du franchisé ou dans l'aide apportée à ce dernier, dont l'arrêt ne conteste pas l'existence, ne peuvent en aucune façon, à les supposer établis, fonder une annulation pour défaut de cause du contrat de franchisage ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que les pièces produites par la société Relais de la vallée ne permettaient pas de démontrer la transmission d'un savoir-faire, ni l'existence d'une assistance et, au contraire, relevé que la société Hôtelière cognacaise apportait la preuve qu'elle avait servi de " pilote " à la société Relais de la vallée, la cour d'appel a pu décider, sans inverser la charge de la preuve, et hors toute dénaturation, que le contrat de franchisage était nul; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Relais de la vallée fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité du contrat et de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes, alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel constate qu'elle est intervenue pour que la société Hôtelière cognacaise puisse obtenir un crédit de la part d'un établissement financier, qu'elle a apporté à celle-ci une participation financière, une aide, ainsi que l'utilisation de la marque " Tonic Hôtel " ; qu'en l'état de ces contreparties réelles, la cour d'appel ne pouvait annuler pour défaut de cause la convention litigieuse, sans violer, en toute hypothèse, l'article 1131 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la participation financière de la société Relais de la vallée, d'un montant de 40 000 francs, devant être comparée à un investissement de la société Hôtelière cognacaise s'élevant à plusieurs millions, et que la marque concédée à cette dernière société étant dépourvue de toute renommée, ne peut pas être considérée comme un apport ; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire l'inexistence d'un contrat de collaboration ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que la société Hôtelière cognacaise demande l'allocation de la somme de 15 000 francs par application de ce texte ;
Attendu qu'il y a lieu d'accueillir partiellement cette demande ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.