Cass. crim., 18 octobre 1995, n° 94-85.525
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon (faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Grapinet
Avocat général :
Mme le Foyer de Costil
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par C Paul, contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, du 29 septembre 1994, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 30 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, 1134 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Paul C coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur et l'a condamné pénalement et civilement ;
" aux motifs que la campagne publicitaire avait été organisée pour les magasins " B " de Clermont-Ferrand sud et nord, Le Puy et Brioude ; que la société anonyme Y, dont le PDG est Michel V, dispose d'une personnalité morale distincte de la société A, exploitante des magasins X dont Paul C est le gérant responsable, Eric B en étant un des directeurs salariés affecté au magasin de Brioude ; que, dans le cadre du contrat de franchise la liant à la société A, la société anonyme Y n'intervenait que comme prestataire de service dans la préparation et le lancement de la campagne publicitaire, B conservant dans certaines conditions la possibilité de ne pas suivre la campagne ; qu'il importait peu que Paul C ne fût pas l'auteur du texte publicitaire ou qu'il existât sur l'ensemble des quatre magasins concernés par l'opération promotionnelle un stock suffisant; que les dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 2 septembre 1977, aux termes duquel aucune publicité de prix ou de réduction de prix ne peut être effectuée sur les articles qui ne sont pas disponibles à la vente, s'appliquent à la vente dans le magasin (en l'espèce, X-Brioude) ; qu'il appartenait à Eric B, directeur salarié, bien qu'il ne disposât d'aucune délégation de pouvoir et n'avait qu'une capacité limitée de passer seul des commandes, de passer préalablement à l'ouverture de la campagne promotionnelle les commandes nécessaires ; qu'il était chargé, aux termes de son contrat, de " l'exécution et du suivi des actions publicitaires " ; qu'il avait fait lui-même diffuser sous sa responsabilité les dépliants ;
" alors que, d'une part, la responsabilité encourue en application de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 incombe à titre principal à l'annonceur pour le compte duquel elle est diffusée ; qu'en l'occurrence, le contrat de franchise précisait que le franchiseur (Y) déterminait seul si les campagnes publicitaires étaient obligatoires ou facultatives ; que la cour d'appel, qui constate le rôle joué par le franchiseur dans la préparation et le lancement de la campagne nationale de publicité, se devait de rechercher si celui-ci n'avait pas la qualité d'annonceur au sens de la loi et, à ce titre, de responsable légal de ladite publicité, en s'expliquant de façon précise sur le fait de savoir si les relations contractuelles entre le franchiseur et le franchisé rendaient en l'espèce obligatoire ou non pour le second la campagne publicitaire organisée sur le plan national par le premier, la seule référence faite par l'arrêt attaqué aux stipulations du contrat de franchise qui prévoyait que ces campagnes seraient, selon les cas, obligatoires ou facultatives pour le franchisé étant impuissante à permettre à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ;
" alors que, d'autre part, ne pouvaient être considérées comme de nature à induire en erreur les mentions du dépliant publicitaire précisant que, si certains magasins ne pouvaient présenter tous les articles du catalogue en exposition, ils pouvaient cependant enregistrer les commandes pour le compte des clients ; que, dans ces conditions, la disponibilité des stocks devait s'apprécier par rapport au réseau créé par le contrat de franchise ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; alors que, de troisième part, en refusant de faire jouer la délégation de pouvoir invoquée par C au profit de M. B, tout en relevant que ce dernier était chargé de l'exécution et du suivi des actions publicitaires, qu'il avait fait lui-même diffuser les dépliants sous sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences juridiques qui en découlaient " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt, incomplètement reprises au moyen, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable,et ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de l'infraction ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1 du Code pénal, 44-II et 44-I de la loi du 27 décembre 1973, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné l'affichage de la décision aux portes du magasin X de Brioude ;
" alors que, si l'article 44-II de la loi du 27 décembre 1973 punit les infractions prévues à l'article 44-I des peines de l'article 1er de la loi de 1905 relative à la répression des fraudes, aucun texte ne rend applicables à ces infractions les dispositions de l'article 7 de la loi de 1905, prévoyant l'affichage de la décision de condamnation ;
Vu lesdits articles ; - Attendu que les juges ne sauraient prononcer une peine non prévue par la loi ; - Attendu que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a condamné le prévenu, pour le délit de publicité de nature à induire en erreur et ordonné l'affichage de la décision, pour une durée de 15 jours aux portes du magasin de la société dont il est le gérant, par application des dispositions de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 codifiées sous les articles L. 121-1 et L. 121-6, du Code de la consommation ;
Mais attendu que l'article 44 de la loi précitée qui ne renvoie pas à l'article 7 de la loi du 1er août 1905 (pas plus que l'article L. 121-6 du Code de la consommation ne renvoie à l'article L. 216-3 de ce Code) ne prévoit pas l'affichage de la condamnation;d'où il suit que l'arrêt encourt la cassation pour avoir méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
Par ces motifs, casse et annule par voie de retranchement l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 29 septembre 1994, mais en ses seules dispositions concernant l'affichage de la condamnation, les autres dispositions de l'arrêt étant expressément maintenues ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.