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Décisions

Cass. com., 21 juin 1994, n° 92-16.197

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Comptoir Nouveau de la Parfumerie Parfums Hermès (SA), Société française de soins et de parfums (SA)

Défendeur :

Rocadis (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Huglo

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Mme Thomas-Raquin, SCP Tiffreau, Thouin-Palat.

T. com. Poitiers, prés., du 24 janv. 198…

24 janvier 1985

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 13 mai 1992), rendu sur renvoi après cassation, que la société Comptoir Nouveau de la Parfumerie "Parfums Hermès" (société Hermès) et la Société française de soins et de parfums (la société FSP) ont obtenu, le 7 mars 1985, une ordonnance de référé du président du Tribunal de commerce de Poitiers faisant interdiction à la société Rocadis, exploitant un centre distribution Leclerc, de mettre en vente les produits de parfumerie fabriqués et vendus par elles ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu les articles 1108 et 1134 du Code civil ; - Attendu que, pour infirmer cette ordonnance, l'arrêt attaqué retient que le fait même que la société Rocadis ait pu s'approvisionner en parfums met sérieusement en doute l'étanchéité des réseaux de distribution sélective des sociétés Hermès et FSP ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors, que les sociétés Hermès et FSP faisaient valoir qu'elles étaient liées avec leurs revendeurs par des contrats faisant interdiction à ces derniers de vendre en dehors des réseaux agréés et que le fait, retenu par l'arrêt, que la société Rocadis ait pu s'approvisionner en parfums litigieux n'était pas de nature à démontrer, à lui seul, l'illicéité du réseau de distribution sélective des sociétés Hermès et de FSP, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 85 du traité instituant la Communauté européenne ; - Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient également qu'il est difficile d'admettre que la vente des parfums dans des points de distribution volontairement limités en nombre dans des quartiers urbains bien précis, et avec un service particulier de conseil ou de démonstration dans un cadre luxueux puisse l'emporter sur la préoccupation économique essentielle des consommateurs de se les procurer au meilleur prix ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt du 25 octobre 1983, AEG contre Commission), " il existe des exigences légitimes, tel le maintien d'un commerce spécialisé capable de fournir des prestations spécifiques pour des produits de haute qualité et technicité, qui justifient une réduction de la concurrence par les prix au bénéfice d'une concurrence portant sur d'autres éléments que les prix " et " les systèmes de distribution sélective constituent donc, du fait qu'ils visent à atteindre un résultat légitime, qui est de nature à améliorer la concurrence, là où celle-ci ne s'exerce pas seulement sur les prix, un élément de concurrence conforme à l'article 85, paragraphe 1 " du traité instituant la Communauté économique européenne, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 44, alinéa 1er, de la loi du 27 décembre 1973 et l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour écarter la responsabilité de la société Rocadis pour publicité trompeuse ou concurrence déloyale, l'arrêt retient que la société Rocadis était étrangère à l'apposition sur les emballages des parfums de la mention selon laquelle ils ne pouvaient être vendus que par des distributeurs agréés ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle mention non démentie par le vendeur était de nature à faire croire à la clientèle que la société Rocadis avait la qualité de distributeur agréé des sociétés Hermès et FSP, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 1992, entre les parties, par la Cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bourges.