Livv
Décisions

CA Versailles, 3e ch., 12 juin 1992, n° 5142-90

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Berton (consorts)

Défendeur :

Udeco Diffusion (Sté), Adam (ès qual.) Linea Vinci (Sté), Ouizille (ès qual.) Linea Vinci (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thavaud

Conseillers :

Mmes Chagny, Laporte

Avoués :

SCP Gas, SCP Keime Guttin, Me Lambert

Avocats :

SCP Tremblay, Mes Pichard de Vémy, Berger-Perrin.

TGI Chartres, 1re ch., du 2 avr. 1990

2 avril 1990

Faits et procédure

Mademoiselle et Monsieur Berton sont appelants d'un jugement du 12 avril 1990 du Tribunal de grande instance de Chartres qui les a déboutés de leurs demandes en annulation du contrat de franchise passé avec la société Linea Vinci, en annulation subséquente du contrat de prêt consenti par la société Fica devenue Udeco Diffusion et en annulation de l'engagement de caution souscrit par Monsieur Berton et les a condamnés à verser 66 000 F à la société Fica outre 2 000 F pour frais de procédure ; Mademoiselle Berton soutient qu'elle a été trompée lorsqu'elle a signé le contrat de franchise avec la société Linea Vinci comportant un droit d'entrée de 10 000 F et l'achat de matériel pour 50 000 F qu'en effet le réseau de franchise est inexistant qu'elle a du faire elle-même la publicité et n'a jamais pu rencontrer un représentant ; que ce contrat est nul pour dol ou erreur et entraîne la nullité du contrat de prêt conclu avec la société Fica par l'intermédiaire de la société Linea Vinci qui était sa mandataire ; Monsieur Berton soutient en outre que son engagement de caution qui ne comporte pas la mention manuscrite du montant cautionné est nul ; ils sollicitent 20 000 F à titre de dommages et intérêts et 10 000 F pour frais de procédure et la garantie de la société Linea Vinci.

Maître Ouizille, commissaire à l'exécution du plan de la société Beauty Concept France Linea Vinci (société Linea Vinci) précise que cette société a été mise en redressement judiciaire le 17 décembre 1987 ; qu'un plan de redressement a été arrêté le 29 mars 1988 ; que Monsieur et Mademoiselle Berton n'ont pas cru devoir déclarer leurs créances dans les délais, ni solliciter un relevé de forclusion, que ces créances sont en conséquence éteintes ; il sollicite 5 000 F pour frais de procédure.

La société Fica devenue Udeco Diffusion soutient qu'elle a consenti à Mademoiselle Berton un prêt de 60 000 F destiné à financer l'installation de son cabinet d'esthéticienne que Monsieur Berton, son père, s'est porté caution, que le prêt n'a pas été remboursé ; elle estime que Mademoiselle Berton ne prouve ni le dol, ni l'erreur ayant pu entacher le contrat signé avec la société Linea Vinci ; qu'en tout état de cause le contrat de prêt reste valable, la société Linea Vinci n'ayant pas été son mandataire et le contrat prévoyant expressément son indépendance par rapport au contrat de franchise, Mademoiselle Berton ayant en outre signé sans réserve le bon de livraison du matériel ; que l'engagement de caution souscrit par Monsieur Berton au bas de l'acte de prêt est valable ; elle sollicite la capitalisation des intérêts et 5 000 F pour frais de procédure.

Sue ce, LA COUR

1°) Sur la validité du contrat de franchise

Considérant que les parties conviennent que Mademoiselle Berton a, le 9 février 1987, signé un contrat de franchise avec la société Linea Vinci dont un exemplaire non signé est produit aux débats ; que la société a remis à Mademoiselle Berton le détail des frais d'installation pris en charge pour un montant forfaitaire de 10 000 F au titre du droit d'entrée et de 50 000 F au titre de l'investissement comportant des frais de publicité, ainsi qu'un compte de résultats prévisionnel pour un centre réalisant dix prestations par jour ; que Mademoiselle Berton a souscrit le même jour auprès de la société Fica un contrat de financement d'achat de matériel à crédit d'un montant de 60 000 F ; qu'elle n'avait pas encore exercé de commerce et qu'âgée de 22 ans, elle avait signé ces contrats pour exercer la profession d'esthéticienne ; qu'elle signait ensuite un bail commercial et s'inscrivait au registre du commerce.

Considérant que la société Linea Vinci a été admise au bénéfice du redressement judiciaire le 17 décembre 1987.

Considérant que Mademoiselle Berton se contente d'affirmer l'inexistence du réseau de franchise et la publicité mensongère ; que l'absence de réponse à ses lettres de réclamation ne prouve ni I'inexistence du réseau, ni la publicité mensongère; que le contrat de franchise mentionne les références de la société et de l'enregistrement de la marque à l'INPI ; qu'il n'est pas démontré que ces références soient fausses ; qu'il n'est pas plus justifié d'un changement dans la dénomination de la marque ; que la réponse de la fédération française de la franchise produite devant la cour qui précise seulement que la société Linea Vinci n'est pas l'un de ses membres ne prouve pas plus l'inexistence du réseau de franchise.

Considérant que le contrat de franchise ne prend en charge la publicité que pour un montant forfaitaire; que le seul fait que Mademoiselle Berton ait cru devoir engager des frais de publicité supérieurs au forfait ne constitue pas pour la société Linea Vinci une publicité mensongère.

Considérant que Mademoiselle Berton a, en signant sans réserve un bon de livraison conforme le 7 mars 1987, reconnu avoir reçu le matériel commandé ; qu'elle ne peut invoquer postérieurement une livraison non conforme appuyée seulement par ses propres lettres de réclamation qui ne constituent pas un moyen de preuve.

Considérant que l'absence de réponse aux lettres de réclamation postérieures à la signature du contrat ne sauraient entacher de nullité ce contrat ou constituer des réticences dolosives.

Considérant que ni le dol, ni l'erreur ne sont justifiés; que le contrat de franchise est valable; qu'il a été signé pour les besoins du commerce que voulait ouvrir Mademoiselle Berton ; que sa validité ne saurait dépendre ni de la qualité de non commerçante de la signataire, ni de son jeune âge ou de son inexpérience ; que Mademoiselle Berton était majeure au jour de la signature et entendait exercer un commerce.

Considérant que la validité du contrat de financement n'est pas en soi mise en cause.

2°) Sur la validité de l'engagement de caution

Considérant que Monsieur Berton a apposé sa signature au bas du contrat de financement ; qu'il a écrit de sa main " bon pour caution conjointe et solidaire pour toute somme due en vertu du contrat ci-dessus " ; qu'il est constant qu'il adonné sa caution en sa qualité de père, non commerçant, de l'emprunteur ; que son engagement était déterminable puisqu'il ne pouvait être supérieur au montant du prêt accordé sans intérêt à sa fille, soit 60 000 F ; que les conditions générales prévoyaient encore au verso, une clause pénale de 10 % en cas de retard au paiement ; que l'engagement de caution pris par un non professionnel pour une obligation déterminable qui ne comporte pas la mention manuscrite en chiffres et en lettres du montant de l'obligation cautionnée ne répond pas aux prescriptions de l'article 1326 du Code civil instituant des règles de preuve pour la protection de la caution ; qu'aucun élément autre que l'acte imparfait du 9 février 1987 ne permet d'établir que Monsieur Berton avait connaissance de la nature et de l'étendue de l'obligation contractée ; que l'engagement non prouvé dont la portée est contestée ne permet pas une condamnation.

Considérant que Monsieur Berton ne justifie pas du préjudice que lui aurait causé l'instance ; qu'il n'a contesté la validité de son engagement qu'en justice ; qu'il n'apparaît pas inéquitable de lui laisser la charge de ses frais irrépétibles.

3°) Sur les demandes accessoires

Considérant que la société Linea Vinci ne saurait être condamnée à garantir Mademoiselle Berton des condamnations relatives au remboursement d'un prêt qui lui a été personnellement consenti, aucune faute n'étant établie à l'encontre de cette société dans l'octroi du prêt ou dans la signature du contrat de franchise.

Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à Maître Ouizille et à la société Udeco Diffusion la charge de leurs frais irrépétibles, compte tenu de la situation économique de Mademoiselle Berton qui justifie avoir cessé toute activité.

Considérant que la demande en capitalisation des intérêts est justifiée à compter de sa date.

Par ces motifs : Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il concerne Mademoiselle Nathalie Berton ; L'infirme en ses chefs relatifs à Monsieur André Berton ; Met celui-ci hors de cause et déboute la société Udeco Diffusion des demandes formées à son encontre ; Déboute Monsieur Berton de sa demande en dommages et intérêts et les parties de leurs demandes en remboursement de frais irrépétibles d'appel ; Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 10 juin 1991 selon les formalités de l'article 1154 du Code civil ; Condamne Mademoiselle Berton aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.