Cass. soc., 23 juin 1988, n° 85-44.158
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Aux Travailleurs chaunois (Sté)
Défendeur :
Bondroit
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Scelle (conseiller le plus ancien faisant fonction)
Rapporteur :
M. Goudet
Avocat général :
M. Dorwling-Carter
Avocats :
Mes Jacoupy, Vuitton.
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 juin 1985), que le 31 octobre 1973, M. Bondroit a été engagé par la société Aux Travailleurs chaunois en qualité de gérant salarié d'un magasin de vente au détail, étant stipulé que M. Bondroit était tenu d'acquitter immédiatement le montant de tout déficit d'inventaire qui serait constaté ; que l'inventaire établi, le 21 septembre 1978, à la suite du licenciement de M. Bondroit a fait apparaître un déficit en marchandises et en espèces ; que la société, considérant que s'était opérée une compensation entre la dette de son ancien gérant et celles dont elle était elle-même tenue, envers lui, notamment, aux titres de l'indemnité compensatrice du préavis et de l'indemnité de licenciement, ne lui a pas versé lesdites indemnités ;
Attendu que la société Aux Travailleurs chaunois fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande tendant au remboursement par M. Bondroit du déficit d'inventaire, alors, selon le pourvoi, que si les gérants salariés de magasin ont le droit de conserver définitivement chaque mois, quelle que soit l'importance du déficit imputable à leur gestion, sauf faute lourde, une rémunération au moins égale au SMIC, ils n'en sont pas moins tenus, sans autre limite, de rembourser la totalité de leur déficit éventuel sur la partie excédentaire de leur commission ; ils ne sont donc pas fondés à prétendre que ce remboursement soit limité au déficit apparu chaque mois, selon un compte à dresser mensuellement, sans possibilité de report sur le mois suivant ; qu'ainsi, en déboutant la société Aux Travailleurs chaunois de sa demande en remboursement du déficit de M. Bondroit, au motif que ce déficit ne pouvait qu'être imputé mois par mois sur l'excédent, par rapport au SMIC, des commissions constituant la rémunération de l'intéressé, et que les inventaires établis par la société couvraient des périodes soit indéterminées, soit supérieures à un mois, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, L. 143-2 et L. 781-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt et des conclusions de la société que celle-ci ne prétendait pas recouvrer le montant du déficit sur la partie excédant le SMIC, de la rémunération perçue, chaque mois, par le gérant, durant la période d'exploitation ; qu'en revanche elle soutenait qu'elle-même, et M. Bondroit, se trouvant débiteurs l'un envers l'autre, il s'était opéré entre eux une compensation ; que le moyen en sa première branche qui repose sur une prétention autre que celle exprimée dans les écritures d'appel est irrecevable ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, en ce qu'elle concerne l'indemnité de préavis : - Attendu que la société Aux Travailleurs chaunois reproche encore à l'arrêt d'avoir dit que ne pouvait s'opérer une compensation entre l'indemnité compensatrice du préavis due à M. Bondroit et les sommes dont celui-ci restait redevable, alors, selon le pourvoi, que l'article L. 144-1 du Code du travail n'interdit pas la compensation entre le montant de l'indemnité de préavis due par l'employeur au salarié licencié et les sommes dues à lui-même pour fournitures diverses ; qu'ainsi la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu que l'indemnité prévue par l'article L. 122-8 du Code du travail en cas d'inobservation par l'employeur du délai-congé se substitue au salaire et est soumise à tous égards au régime juridique de celui- ci; qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, en ce qu'elle concerne l'indemnité de licenciement : - Vu les articles L. 122-9 et L. 144-1 du Code du travail ; - Attendu que la cour d'appel a considéré que ne pouvait s'opérer au profit de la société une compensation entre le montant de l'indemnité de licenciement due par elle à M. Bondroit et les sommes dues à elle-même pour fournitures ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité de licenciement n'est pas la contrepartie d'un travail fourni et ne constitue pas un salaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en celle de ses dispositions relative à l'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 5 juin 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.