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Décisions

Cass. soc., 4 juillet 1990, n° 86-43.110

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Shell française (SA)

Défendeur :

Bidel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cochard

Rapporteur :

Mme Beraudo

Avocat général :

M. Graziani

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, SCP Lesourd, Baudin.

Cons. prud'h. Paris, sect. industrie 5e …

16 janvier 1984

LA COUR : - Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 19 novembre 1985 et 12 mai 1986), que M. Bidel a conclu, le 31 janvier 1978, avec la société Shell française un contrat de location-gérance d'un fonds de commerce de station-service et de distribution de produits pétroliers ; que la société a résilié ce contrat par lettre du 24 mars 1981 avec effet au 24 juin 1981 ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société fait grief à l'arrêt du 19 novembre 1985 d'avoir décidé que M. Bidel était fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en ne mentionnant pas les éléments de fait sur le fondement desquels elle a estimé pouvoir affirmer que la société Shell intervenait dans la marche de l'exploitation, que le gérant était obligé d'accepter en paiement des bons dont elle fixait la validité, et tenu de suivre la politique commerciale de la société, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article L. 781-1 du Code du travail ; alors, d'autre part, qu'en se bornant aux affirmations, selon lesquelles la société Shell intervenait dans la marche de l'exploitation, le gérant étant tenu d'accepter en paiement des bons dont elle fixait la validité, et de suivre la politique commerciale de la société, sans mentionner les éléments de fait sur lesquels elle s'est fondée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; alors, enfin, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Shell, qui faisait valoir que M. Bidel était libre d'engager du personnel, de fixer les conditions de travail, d'hygiène et de sécurité dans la station, de déterminer les heures d'ouverture et de fermeture de station, de tenir sa comptabilité dans la forme qui lui convenait, et d'acquérir du mobilier et de l'outillage, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, par une décision motivée, d'une part, que M. Bidel exerçait son activité professionnelle dans un local fourni par la société Shell et spécialement aménagé pour la distribution des produits pétroliers sous le sigle Shell, d'autre part, qu'il avait la charge de vendre des produits fournis dans leur quasi-totalité par la société Shell ou des sociétés liées à celle-ci, les achats extérieurs et les services ne constituant qu'une part négligeable de son activité, qu'enfin, il ne pouvait ni pratiquer une politique personnelle des prix, en raison de la faiblesse des marges brutes qui lui étaient consenties sur les produits pétroliers, ni gérer librement son exploitation, la société intervenant dans la gestion et lui imposant de suivre sa politique commerciale ; qu'ayant ainsi constaté la réunion de tous les éléments exigés par l'article L. 781-1 du Code du travail, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer spécialement sur la liberté dont pouvait jouir le gérant pour le recrutement et l'organisation du travail de son personnel, une telle liberté étant compatible avec l'application de l'article L. 781-1 du Code du travail, a caractérisé la dépendance économique du gérant à l'égard d'une seule entreprise et légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que, par ce moyen, la société Shell française demande la cassation de l'arrêt du 12 mai 1986 en conséquence de celle de l'arrêt du 19 novembre 1985 ;

Attendu que le moyen proposé contre cet arrêt étant rejeté, il s'ensuit le rejet du deuxième moyen ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Shell française fait grief à l'arrêt du 12 mai 1986 de l'avoir condamnée à payer à M. Bidel un rappel de salaires alors, selon le moyen, d'une part, que l'activité bénévole de l'épouse du locataire-gérant bénéficiant des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du travail ne pouvait être prise en compte, pour déterminer s'il devait bénéficier d'une rémunération égale au salaire conventionnel minimum de la catégorie de salariés correspondant à sa qualification, dès lors qu'il avait la faculté d'engager du personnel pour la remplacer ; qu'en statuant comme elle l'a fait, tout en retenant que les bénéfices de la station exploitée par M. Bidel étaient supérieurs aux salaires auxquels il pouvait prétendre, la cour d'appel a violé les articles L. 781-1 du Code du travail, L. 122-14-3 du Code du travail et la convention collective nationale de l'industrie du pétrole, et alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'en ne relevant pas l'impossibilité dans laquelle M. Bidel se serait trouvé d'embaucher du personnel, qui seule eût permis de prendre en compte l'activité bénévole de son épouse dans l'exploitation du fonds dont il était le locataire-gérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 781-1 du Code du travail, L. 122-14-3 du Code du travail et de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les résultats de l'exploitation provenaient de l'activité commune des deux époux, a, sans encourir les griefs du moyen, évalué la rémunération de M. Bidel en fonction des revenus qu'il avait retirés de cette activité ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.