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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 26 juin 1991, n° 3523-90

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Casino (Sté)

Défendeur :

Blanchard (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bensoussan

Conseillers :

Mmes Mettas, Gachie

Avoué :

Me Château

Avocats :

Mes Barthet, Denjean.

CA Toulouse n° 3523-90

26 juin 1991

Vu l'Ordonnance rendue par Monsieur le Premier Président en date du 3 octobre 1990 fixant les débats de l'affaire au 11 décembre 1990 où elle fut renvoyée au 6 juin 1991.

Suivant contrat signé le 13 juillet 1988, les époux Blanchard ont exploité à Muret une succursale d'alimentation de la Société Epargne, aux droit de laquelle est venue la Société Casino, du 13 juillet 1988 au 27 janvier 1989, dernière date à laquelle la Société Casino a mis fin au contrat en invoquant un motif visé à l'article 16 dudit contrat des manquants de marchandises ou d'espèces, chiffrés à la somme de 15 005,31 Frs.

Sur assignation de la Société Casino qui réclamait le paiement de cette somme, le Tribunal de Commerce de Toulouse, par jugement du 23 juillet 1990, s'est déclaré incompétent au profit du Conseil des Prud'hommes de Toulouse pour connaître du litige opposant les parties.

Contredit a été régulièrement formé par la Société Casino qui, se référant tant au contrat litigieux, qu'aux dispositions des articles 782-1 et suivants du Code du Travail régissant le statut des gérants non salariés des succursales de maison d'alimentation de détail, soutient que le Tribunal de Commerce était compétent pour connaître de la perte du litige qui lui était soumis et qui ne concerne que les modalités commerciales d'exploitation, conformément aux dispositions de l'article 782-5 alinéa 1er. Critiquant la motivation du premier juge selon laquelle les époux Blanchard étaient soumis à un réel et total état de subordination du fait que les marchandises étaient fournies exclusivement par elle, l'assortiment et les prix de vente imposés, le logement fourni par elle, la Société Casino rappelle que les gérants de ces succursales sont régis par un contrat de mandat et non par un contrat de louage, qu'ils recouvrent des commissions calculées sur le chiffre d'affaires réalisé et non des salaires, que l'article 782-1 prévoit expressément que la clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposés est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat, pas plus d'ailleurs que l'octroi d'un logement de fonction, qu'ils sont libres d'organiser comme ils l'entendent leur activité, la seule obligation contractuelle étant celle d'assurer l'ouverture de leur magasin conformément aux usages locaux pour ce genre de commerce, enfin qu'ils ont toute latitude d'embaucher du personnel ou de se substituer des remplaçants de leur propre fait et sous leur propre responsabilité.

Ajoutant que l'exception de connexité qui avait également été soulevé par les époux Blanchard ne peut davantage recevoir, application demeurant la nature du litige commercial dont était saisi le Tribunal de Commerce d'une part, et la nature sociale du litige soumis au Conseil des Prud'hommes par les époux Blanchard d'autre part, la Société Casino conclut ainsi :

" faisant droit au contredit élevé par la concluante à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Toulouse le 23 juillet 1990,

- dire et juger que le Tribunal de Commerce de Toulouse était compétent pour juger la demande présentée par les époux Blanchard.

- dire et juger également que ceux-ci ne peuvent opposer aucune exception de connexité,

se déclarant compétent,

- condamner les époux Blanchard à payer à la concluante une somme de 15 005,31 F arrêtée au 27 janvier 1989,

- dire et juger que postérieurement à cette date, cette somme portera intérêt,

- s'entendre condamner en 2 500 F pour trouble commercial et en 4 000 Frs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; "

Concluant à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la Société Casino au paiement d'une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, les époux Blanchard indiquent qu'ils avaient pris l'initiative de saisir la juridiction prud'homale des conditions de la rupture contractuelle et des conséquences avant d'être assignés devant le Tribunal de Commerce ; ils contestent avoir commis la moindre faute de gestion et devoir la moindre somme à leur employeur auquel ils réclament une indemnité en réparation de la rupture abusive de leur contrat ; ils soutiennent qu'ils ne jouissaient d'aucune liberté dans l'exploitation de la succursale puisqu'ils étaient soumis à des contrôles réguliers d'un inspecteur de la Société Casino, devaient rendre des comptes et envoyer des documents à dates fixes ; ils rappellent que la juridiction est libre de requalifier le contrat litigieux.

Attendu que l'existence du statut de gérant son salarié des succursales de maisons d'alimentation de détail, tel que défini par les articles 782-1 à 782-7 du Code du Travail auxquels se réfère expressément le contrat litigieux du 13 juillet 1988 liant la Société Casino aux époux Blanchard, implique la réunion de plusieurs conditions cumulatives dont celle, négative, de non-fixation des conditions de travail, expressément prévue par l'alinéa 1er de l'article 782-1 ;

Qu'en l'espèce cette condition n'est pas remplie dès lors que l'article 1er du contrat litigieux impose " l'ouverture du magasin conformément aux coutumes locales des commerçants-détaillants d'alimentation générale " ;

Qu'en conséquence la Société Casino ne peut se prévaloir ni du statut de gérant non salarié des époux Blanchard ni de la compétence corrélative du Tribunal de Commerce prévue par l'alinéa 1er de l'article 782-5 du Code précité ;

Qu'ainsi il existait bien entre les parties un lien de subordination caractéristique du contrat de travail et justifiant la compétence du Conseil des Prud'hommes de Toulouse dans la mesure où non seulement la condition de liberté de fixation des conditions de travail, au sens des dispositions dérogatoires du statut spécial de gérant non salarié ci-dessus visées n'est pas remplie mais encore où les marchandises sont exclusivement fournies par la Société Casino qui impose les prix de vente, fournit le logement, interdit jusqu'à la modification de la présentation des marchandises (art. 3.1) ;

Qu'il convient donc de débouter la Société Casino de ses demandes, de confirmer en conséquence le jugement attaqué, de condamner la Société Casino aux dépens du contredit ainsi qu'au versement d'une somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles, qu'il serait inéquitable de laisser supporter par les époux Blanchard ;

Par ces motifs : LA COUR, Déboutant la Société Casino de son contredit ; Confirme le jugement attaqué du 23 juillet 1990 ; Condamne la Société Casino : 1er aux dépens du contredit, 2ème à verser aux époux Blanchard la somme de 3 000 Frs au titre des frais irrépétibles.