Cass. com., 8 janvier 1991, n° 89-17.888
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Lemee
Défendeur :
Les Trois Suisses (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defontaine
Avocat général :
M. Patin
Avocats :
SCP Boré, Xavier, SCP Riché, Blondel, Thomas-Raquin.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 mai 1989) que M. Lemee, franchisé de la société Les Trois Suisses, a assigné celle-ci aux fins d'indemnisation du préjudice qu'il prétendait résulter du manquement de son franchiseur à ses obligations envers lui;
Sur le premier moyen pris en ses trois branches : - Attendu que M. Lemee fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé aux torts partagés la résolution judiciaire de la convention de franchise, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en se bornant à relever que l'existence du relais-catalogue installé par la société Les Trois Suisses à proximité de son fonds de commerce ne constituait pas une violation de la clause d'exclusivité du contrat de franchise au motif que cette clause ne concernait que la vente en magasin et non la vente par correspondance ou par téléphone, sans nullement rechercher si ce prétendu "relais-catalogue" ne dissimulait pas un véritable magasin de vente, comme le soutenaient les conclusions, l'arrêt a privé sa décision de base légale au regard de l'article I.1 du contrat de franchise ; alors, d'autre part, qu'en ne recherchant pas, comme il y était expressément invité si les défauts et retards de livraison ne constituaient pas de la part de ce dernier un refus de vente, l'arrêt a privé sa décision de base légale au regard des dispositions d'ordre public de l'article 37-1°) a de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; et alors, enfin, que pour mesurer l'importance de l'inexécution de ses obligations par la société Les Trois Suisses, la cour d'appel devait rechercher si les défauts de livraison qui lui étaient imputés ne constituaient pas un refus de vente et si le "relais-catalogue" situé près du magasin de M. Lemee n'abritait pas un magasin de vente, en violation de la clause contractuelle d'exclusivité ; qu'en l'absence de toute recherche sur ces points essentiels, l'arrêt ne pouvait qualifier de "partielle" l'inexécution de ses obligations par la société et rejeter en conséquence l'exception d'inexécution soulevée par M. Lemee sans priver sa décision de base légale au regard de l'article 1102 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des conclusions produites que M. Lemee, en reprochant à la société Les Trois Suisses de ne pas lui livrer certains produits que les clients pouvaient obtenir, vingt-quatre heures après les avoir commandés, au "relais-catalogue" contigu à son propre magasin, a soulevé un moyen portant non pas sur l'ouverture par son franchiseur d'un magasin concurrent, mais sur son manquement à son obligation de livraison ; que, dès lors, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si le fonctionnement du "relais-catalogue", dont elle a noté qu'il préexistait au contrat de franchise, avait évolué en infraction à la garantie d'exclusivité reconnue au franchisé ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, comme l'y invitait M. Lemee, que son franchiseur avait manqué à son obligation de livraison par des retards et omissions, la juridiction commerciale n'avait pas à qualifier pénalement ces fautes;
Attendu, enfin, que la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain en appréciant la gravité des manquements aux dispositions contractuelles commis par chacune des parties et en retenant que ceux imputés contre la société Les Trois Suisses n'étaient pas d'une gravité suffisante pour affranchir M. Lemee de ses propres obligations ; D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu qu'en condamnant M. Lemee à rembourser des avoirs pour des montants de 1 523,20 et 7 036 Francs, sans répondre aux conclusions faisant valoir que "dans le cadre des ventes promotionnelles, les avoirs lui étaient effectués par la société à réception des documents justificatifs desdites ventes" ; et "que dès lors, seule la société Les Trois Suisses était à même de produire ces documents qu'il n'avait aucune raison de conserver", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Lemee au remboursement des sommes de 1 523,20 et 7 036 Francs, l'arrêt rendu le 11 mai 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.