Cass. com., 21 novembre 2000, n° 98-17.880
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Elf Antar France
Défendeur :
Dussart (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq (conseiller le plus ancien faisant fonctions)
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, SCP Lesourd.
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles 1134 et 2000 du Code civil ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 1998) qu'en 1991, la société Elf Antar France a confié à la société Dussart l'exploitation d'un fonds de commerce de station-service situé à Ozoir la Ferrière, par le biais d'un mandat pour la distribution de carburant et d'une location-gérance en ce qui concerne la vente de lubrifiants et d'articles divers ; qu'aux termes du contrat, la société Dussart devait percevoir, pour la vente de carburant, une commission forfaitaire proportionnelle destinée à couvrir les charges annuelles du mandat, évaluées préalablement d'un commun accord dans un document contractuel intitulé "compte de charges du mandat" ; que des difficultés étant survenues entre les parties à propos de ces charges, la société Dussart a cessé l'exploitation du fonds le 31 août 1992 puis a assigné la société Elf Antar France en paiement, notamment, d'une somme de 176 116 francs au titre des pertes d'exploitation subies entre le 31 mars et le 31 août 1992 et d'une indemnité de 800 000 francs pour rupture abusive du contrat ; que la cour d'appel a condamné la société Elf Antar France à payer à la société Dussart, outre une indemnité de 80 000 francs, une somme de 116 721 francs pour les pertes d'exploitation ;
Attendu que pour statuer ainsi au titre des pertes d'exploitation, la cour d'appel retient qu'aux termes du contrat, la société Elf Antar France s'était engagée, par des stipulations conformes en définitive aux dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil, à rembourser les frais que la société Dussart aurait exposés pour l'exécution de son mandat et à l'indemniser des pertes qu'elle aurait essuyées à l'occasion de sa gestion, sauf faute de celle-ci ou gestion imprudente ce qui n'était pas démontré en l'espèce ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, alors que le contrat prévoyait que la société Elf Antar France paierait, si nécessaire, un complément de commission pour équilibrer les charges réelles et justifiées du mandat, à concurrence de l'évaluation qui en était faite dans le compte de charges du mandat, et que la société Dussart renonçait à lui demander la couverture de charges excédant le montant ainsi défini, ce dont il résultait que les parties avaient entendu déroger aux dispositions de l'article 2000 du Code civil, et sans préciser si les pertes dont elle ordonnait le paiement avaient pour origine un élément d'exploitation dont la maîtrise aurait été conservée par le mandant, que les parties ne pouvaient conventionnellement mettre à la charge du mandataire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt relatif au paiement des charges du mandat atteint, par voie de dépendance nécessaire, le chef de l'arrêt concernant la condamnation de la société Elf Antar France pour rupture abusive du contrat, l'arrêt ayant retenu à ce titre l'attitude fautive de cette dernière quant au paiement des charges ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris.