Cass. soc., 8 novembre 1994, n° 90-15.468
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Société d'exploitation commerciale Goulet Turpin
Défendeur :
Cottereaux (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kuhnmunch
Rapporteur :
M. Ferrieu
Avocat général :
M. de Caigny
Avocats :
Mes Delvolvé, Choucroy.
LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 26 février 1990), que, par contrat du 1er novembre 1978, la société Goulet Turpin a confié aux époux Cottereaux la co-gérance, en qualité de gérants mandataires, d'une succursale à Paris ; que, début 1984, la société a mis fin au contrat, au motif qu'un inventaire du 22 novembre 1983 avait fait ressortir un manquant de 128 195 francs qui n'avait pas été couvert immédiatement par les gérants ; qu'un inventaire de cession a été dressé le 4 avril 1984 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le déficit constaté le 4 avril 1984 n'était pas un déficit d'inventaire, et de l'avoir en conséquence déboutée de sa demande de remboursement, alors, selon le moyen, qu'il résulte du rapport d'expertise, d'une part, que l'inventaire de cession établi avec le précédent gérant le 15 septembre 1975 révèle une absence totale de stock, de telle sorte qu'il ne met aucune somme à la charge des époux Cottereaux et, d'autre part, que le montant du déficit qu'il révèle, est constitué par la différence constatée entre la valeur des marchandises livrées aux époux Cottereaux pendant la gérance, et la valeur des marchandises en dépôt lors de l'inventaire du 4 avril 1984 augmentée des versements d'espèces déclarées par le gérant, ce qui constitue un déficit d'inventaire ; et qu'en estimant que le déficit constaté par l'expert n'était pas un déficit d'inventaire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, en second lieu, que l'expert relève qu'à l'ouverture de la succursale, le compte personnel de M. Cottereaux contenait déjà une créance de la société provenant de la succursale de Soissons, de telle sorte qu'en lui reprochant de ne pas en faire mention, la cour d'appel a dénaturé son rapport en violation de l'article 1134 du Code civil ; et alors que, à supposer que Mme Cottereaux n'ait pas à subir de condamnation de ce chef, ce fait est sans incidence sur le montant du dépôt constaté par l'expert, de sorte que le motif retenu par la cour d'appel est inopérant et prive l'arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, en troisième lieu, qu'à supposer même que l'expert ait commis une erreur de droit sur l'application des dispositions relatives au SMIC à la rémunération perçue par Mme Cottereaux (ce qui n'est pas le cas), cette erreur est sans influence sur le montant du déficit d'inventaire qu'il constate, et le motif inopérant de l'arrêt attaqué l'entache à nouveau d'un manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, en quatrième lieu, qu'il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que la société n'ait pas produit les situations de comptes mensuelles, de telle sorte qu'en lui reprochant un fait qui n'était pas dans le débat, la cour d'appel a violé l'article 7 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en cinquième lieu, que, d'une part, les investigations de l'expert ont porté sur les bordereaux de livraisons adressés aux gérants et sur les résultats de l'inventaire du 4 avril 1987, dont la cour d'appel a reconnu régulières les conditions d'établissement, de telle sorte qu'en retenant que ses investigations avaient porté sur les seuls inventaires, la cour d'appel a dénaturé le rapport en violation de l'article 1134 du Code civil ; que, d'autre part, les considérations de la cour d'appel sur la rapidité avec laquelle s'est constitué le déficit d'inventaire constaté par l'expert sont sans incidence sur la réalité de ce déficit, de telle sorte qu'elles ne peuvent légalement justifier sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; qu'enfin, il appartenait à la cour d'appel de se prononcer sur les critiques élevées par les époux Cottereaux, d'en apprécier le bien-fondé, d'ordonner si elle le jugeait utile un complément d'expertise, mais qu'elle ne pouvait, sous prétexte qu'il n'y avait pas été répondu par l'expert, rejeter en bloc son rapport ; et qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le moyen, sous couvert de griefs non fondés de défaut de base légale, violation de la loi ou insuffisance de motifs, ne tend qu'à remettre en discussion les éléments de fait appréciés par les juges du fond ; qu'il ne peut donc être accueilli ;
Mais, sur le second moyen : - Vu les articles 1134 du Code civil et 5 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963, fixant les conditions d'emploi par les magasins d'alimentation à succursales de leurs gérants non salariés ;
Attendu qu'aux termes du second de ces textes, une annexe fixe, en accord entre toutes les parties, la ventilation de la commission globale entre les co-gérants et que cette ventilation est établie en considération des aménagements convenus entre les co-gérants pour la gestion du magasin qui leur est confié, pouvant conduire à une activité incomplète de l'un des co-gérants ;
Attendu que, pour condamner la société à verser à Mme Cottereaux un complément de rémunération minimale sur la base du SMIC, la cour d'appel a énoncé que chacun des époux avait la qualité de co-gérant et, par voie de conséquence, avait droit à une rémunération minimale égale au SMIC ; - qu'en statuant ainsi, alors que les parties avaient convenu d'une commission globale pour les deux époux, la cour d'appel, qui aurait dû rechercher si cette commission globale correspondait aux droits des époux Cottereaux au regard du SMIC, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société à verser à Mme Cottereaux une somme à titre de complément de rémunération, l'arrêt rendu le 26 février 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.