Cass. soc., 29 mars 1995, n° 91-43.163
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Coopérative régionale
Défendeur :
Goubioud (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kuhnmunch
Rapporteur :
M. Frouin
Avocat général :
M. Lyon-Caen
Avocats :
Mes Delvolvé, Garaud.
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Vu l'article L. 782-1 du Code du travail ; - Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 avril 1991), la société coopérative régionale a confié, aux époux Goubioud, par contrat en date du 10 janvier 1985, la gérance d'une succursale de maison d'alimentation de détail située à Champagne-Mouton ; que, par avenant au contrat en date du 23 juin 1989, les parties sont convenues que les époux Goubioud exerceraient désormais cette même activité à Largeasse ; que, par lettre du 22 mars 1990, la coopérative régionale, invoquant une mauvaise gestion, a notifié aux époux la résiliation de leur contrat ; que les époux Goubioud ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement à titre de rappel de salaires, de rappel de congés payés, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, pour accueillir ces demandes, la cour d'appel a énoncé que, si le contrat de gérance du 10 janvier 1985, qui n'a pas été modifié par l'avenant du 23 juin 1989, répondait aux trois critères mentionnés dans la définition donnée par l'article L. 782-1 du Code du travail des gérants non salariés, il n'en était pas de même des clauses prévues dans les correspondances des 23 mai 1989 et 30 novembre 1989 adressées par la coopérative aux époux Goubioud et ainsi libellées : "en dérogation à l'article 15 de votre contrat de gérance, nous vous garantissons à compter du 1er juin 1989, pour la succursale de Largeasse un salaire brut mensuel de 12 100 francs pour le compte et ce jusqu'à fin juin 1990 ; il est bien convenu d'un commun accord que vous ne prélèverez chaque mois qu'une somme de 9 800 francs, le complément disponible vous sera crédité lors des règlements d'inventaires. D'autre part, nous vous précisons que, dès que le montant des commissions sur les ventes réalisées sera supérieur au fixe mentionné ci-dessus, il viendra s'y substituer" ; qu'en application de l'article L. 782-1 du Code du travail, il convenait donc de dire qu'à compter du 1er juin 1989, les époux Goubioud avaient eu la qualité de salariés ; - qu'en statuant ainsi, alors que le seul fait de garantir temporairement à des gérants non salariés, rémunérés par des remises proportionnelles au montant des ventes, un salaire fixe mensuel se substituant aux commissions prévues contractuellement tant que le montant de celles-ci ne sera pas supérieur à celui du fixe, ne peut suffire à les soustraire au statut de gérants non salariés, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les intéressés exerçaient leur activité sous la direction et le contrôle de la Coopérative régionale, a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.