Cass. com., 22 novembre 1994, n° 93-12.430
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Alric Automobiles (SA)
Défendeur :
Établissements Pujol (SA), Pujol Sorgauto (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
Me Choucroy, SCP Gatineau.
LA COUR : - Donne acte du désistement du pourvoi incident formé par la société des établissements Pujol et par la société Pujol Sorgauto ; Attendu, selon l'arrêt déféré (Montpellier, 10 décembre 1992), partiellement confirmatif que, pour l'année 1983, la société Alric Automobiles (société Alric) et la société des établissements Pujol (société Pujol) étaient concessionnaires de la société Peugeot à Millau et ses environs en vue de la distribution exclusive par la société Alric des véhicules de marque Peugeot et par la société Pujol des véhicules de marque Talbot ; qu'en outre, en vertu de deux contrats d'agence, la société Alric est devenue agent de la société Pujol et la société Pujol est devenue agent de la société Alric, de telle sorte que la société Alric devait transmettre à la société Pujol les commandes de véhicules de marque Talbot qu'elle recevait de ses clients et que la société Pujol devait agir de même envers la société Alric pour les commandes de véhicules de marque Peugeot ; que la société Alric, reprochant à la société Pujol de transmettre les commandes des véhicules de marque Peugeot à la société Pujol Sorgauto (société Sorgauto), concessionnaire de la société Peugeot pour la distribution des véhicules de marque Peugeot dans la circonscription de Saint- Affrique, limitrophe de celle de Millau, a assigné les sociétés Pujol et Sorgauto en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, du pourvoi de la société Alric contre la société Sorgauto : - Attendu que la société Alric reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action dirigée contre la société Sorgauto alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en énonçant que la responsabilité de la société Sorgauto n'aurait pu être recherchée que sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, quand il résultait de ses propres constatations que le concessionnaire avait contracté à l'égard du concessionnaire voisin une obligation contractuelle de ne pas effectuer hors de sa zone des implantations commerciales directes ou indirectes à caractère permanent ou provisoire quelles qu'en soient les modalités, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1147 du Code civil ; et alors d'autre part, qu'en ne recherchant pas si le fait pour la société Sorgauto, concessionnaire Peugeot sur Saint-Affrique, dont il n'était pas contesté que le gérant était également le dirigeant social de la société Pujol de recevoir régulièrement des commandes par l'intermédiaire de cette société, en pleine connaissance du fait que cette société, qui était agent Peugeot sur Millau, était liée à la société Alric, concessionnaire Peugeot sur Millau, par contrat, ne caractérisait pas une modalité d'implantation commerciale indirecte sur la zone du concessionnaire Peugeot sur Millau, et donc une violation des obligations contractuelles du concessionnaire sur Saint-Affrique, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la société Sorgauto, étant étrangère aux conventions conclues par la société Alric, ne peut être recherchée par cette dernière que sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ; qu'ainsi le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Mais sur la troisième branche du moyen unique du même pourvoi : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour débouter la société Alric de son action contre la société Sorgauto, l'arrêt retient que cette dernière n'a pas commis de faute en vendant des véhicules à différents acheteurs qui n'avaient pu être servis par la société Pujol et que "si la société Sorgauto a pu bénéficier des difficultés ayant existé, au cours de l'année 1983, entre la société Pujol et la société Alric et en tirer profit, il n'y a là aucune fraude commerciale";
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que les sociétés Pujol et Sorgauto, fussent-elles deux personnes morales différentes, avaient le même dirigeant social n'était pas de nature à exercer une influence sur la qualification des faits reprochés à la société Sorgauto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Alric Automobiles contre la société Pujol Sorgauto, l'arrêt rendu le 10 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.