Cass. soc., 4 janvier 1996, n° 92-40.440
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Office d'annonces (Sté)
Défendeur :
Hirel, Denambride
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gélineau-Larrivet
Rapporteur :
M. Frouin
Avocat général :
M. de Caigny
Avocats :
Mme Baraduc-Bénabent, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.
LA COUR : - Vu leur connexité, joint les pourvois n° 92-40.440 et 92-40.441 ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 octobre 1991), que M. Hirel et M. Denambride ont été engagés, respectivement le 12 janvier 1970 et le 27 octobre 1975, en qualité de VRP, par la société Office d'annonces ; qu'à la fin de l'année 1986, l'Office d'annonces a réorganisé les structures de sa force de vente ainsi que la répartition des secteurs géographiques des représentants ; que M. Hirel et M. Denambride ayant refusé de travailler aux nouvelles conditions définies par leur employeur, celui-ci les a licenciés le 23 janvier 1987 ;
Sur le premier moyen : - Attendu que l'Office d'annonces fait grief aux arrêts d'avoir dit la rupture des contrats de travail imputable à l'employeur à la suite du refus des représentants de poursuivre les relations contractuelles après une modification des secteurs géographiques attribués, décidée dans l'intérêt de la société, en accord avec le comité d'entreprise et expressément prévue par leur contrat de travail alors, selon le moyen, d'une part, que la rupture ne peut être imputée à l'employeur lorsque la modification apportée au contrat de travail, conforme aux prévisions contractuelles, a été décidée en accord avec le comité d'entreprise et a été refusée d'emblée par le salarié avec une précipitation qui ne lui a pas permis d'en éprouver les effets, qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait retenir, pour déclarer la rupture imputable à l'employeur, la seule constatation du rapport du conseiller qui s'est contenté de rapporter l'affirmation des représentants quant à la perte de commissions sans répondre aux conclusions de l'employeur invoquant, d'une part, le refus prématuré des salariés qui ne leur avait pas permis d'éprouver le nouveau système et, d'autre part, l'augmentation du taux de la rémunération spéciale de 11 à 17 %, qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis que, si le contrat de travail des salariés réservait à l'employeur la possibilité de modifier les secteurs géographiques qui leur étaient attribués, il résultait de la nouvelle répartition des secteurs mise en place par l'employeur, pour les deux salariés en cause, une réduction du taux de leurs commissions;
Et attendu qu'ayant exactement énoncé que l'employeur ne pouvait imposer à un salarié une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, peu important l'avis du comité d'entreprise sur cette modification, la cour d'appel, qui a estimé que la modification imposée par l'employeur portait sur un élément essentiel du contrat de travail, en a justement déduit que la rupture du contrat résultant du refus des salariés de cette modification s'analysait en un licenciement; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen : - Attendu que l'Office d'annonces reproche encore aux arrêts d'avoir alloué à M. Denambride une somme au titre de l'indemnité conventionnelle et de l'indemnité spéciale de rupture prévues par les articles 13 et 14 de la convention collective des VRP et à M. Hirel une somme au titre de l'indemnité spéciale de rupture prévue par l'article 14 de la même convention alors, selon le moyen, que l'indemnité conventionnelle de rupture et l'indemnité spéciale de rupture prévues par les articles 13 et 14 de l'accord interprofessionnel des VRP ne se cumulent pas avec l'indemnité de clientèle ; que doit être assimilée à l'indemnité de clientèle, qui a pour objet de rémunérer le bénéfice de la clientèle apportée et développée par le représentant, la rémunération spéciale prévue par le contrat de travail pour rémunérer la création et le développement de la clientèle, qu'en accordant les indemnités conventionnelles de rupture à des représentants auxquels la rémunération spéciale prévue par le contrat de travail avait été versée, la cour d'appel a violé les articles 13 et 14 de l'accord interprofessionnel ;
Mais attendu que si les articles 13 et 14 de l'Accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 disposent que l'indemnité conventionnelle de rupture et l'indemnité spéciale de rupture qu'ils prévoient ne sont pas cumulables avec l'indemnité de clientèle, il n'en résulte pas qu'elles ne peuvent se cumuler avec des rémunérations accordées en cours de contrat pour le même objet que l'indemnité de clientèle; que c'est, par suite, à bon droit que la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que l'employeur avait usé de son droit d'opposition prévu par l'article 14 de l'accord, a décidé que le fait pour les salariés d'avoir perçu au cours de l'exécution de leur contrat une rémunération spéciale ayant pour objet de rémunérer le développement et la création de la clientèle ne pouvait les priver du bénéfice des indemnités prévues par les articles qui précèdent dès lors qu'ils remplissaient les conditions pour en bénéficier; que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs : rejette les pourvois.