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Décisions

CA Rennes, 2e ch. com., 1 mars 2000, n° 99-02151

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Aujard (Époux)

Défendeur :

Bernard (Époux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

MM. Poumarede, Patte

Avoués :

Mes Castres Colleu & Perot, SCP d'Aboville

Avocats :

Mes Castel-Menissez, Lauret.

T. com. Morlaix, du 10 mars 1999

10 mars 1999

FAITS ET PROCEDURE

Statuant sur la demande des époux Aujard en paiement de la somme de 202.608 F, correspondant à une subvention dans le cadre d'un contrat de bière, et de celle, en outre de 10.000 F, à titre de dommages et intérêts, pour résistance abusive, et de 6.030 F, par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dirigée contre les époux Bernard,

Le Tribunal de Commerce de Morlaix, par jugement du 10 mars 1999, les en a déboutés et les a condamnés à payer aux époux Bernard les sommes de 5.000 F et de 5.000 F, respectivement pour procédure abusive et par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Les époux Aujard ont interjeté appel de ce jugement ;

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Appelants, les époux Aujard font grief au Tribunal d'avoir ainsi statué aux motifs :

Que le contrat de bière n'était pas un élément de détermination du prix,

Que la subvention du brasseur, contrepartie de l'exclusivité de sa fourniture, restait acquise au signataire de ce contrat, c'est à dire, les époux Bernard, vendeurs du fonds, ce que les acheteurs dudit fonds, les époux Aujard, ne pouvaient ignorer,

Alors

Que le contrat de bière avait été transmis, avec le fonds de commerce lui-même, aux époux Aujard, acquéreurs, et que, par suite, la subvention du brasseur, liée à la distribution effective de la bière fournie, devant profiter aux acquéreurs qui auraient à exécuter les obligations de ce contrat, les époux Bernard vendeurs, qui, bien que libérés à cet égard, l'avaient perçue d'avance, étaient tenus de la leur rembourser, comme faisant partie de l'objet de la vente du fonds ;

Les époux Aujard demandent, en conséquence, à la Cour de :

Infirmer le jugement,

Statuant à nouveau,

Condamner les époux Bernard à payer aux époux Aujard la somme de 202.608 F, à parfaire éventuellement en fonction des dépenses de publicité dont pourraient justifier les époux Bernard entre la date de signature du contrat d'exclusivité du 8 juin et la vente du fonds de commerce du 21 juillet 1998, outre les intérêts à compter de l'assignation,

Dire que cette somme sera payée aux époux Aujard par l'attribution de la même somme saisie à titre conservatoire en l'étude de la SCP Corlay et Goasdoue, Notaires à Lesneven sur Ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Morlaix, en date du 14 décembre 1998,

Décerner acte aux époux Aujard de ce qu'ils se réservent, pour le cas où cette obligation de délivrance ne serait pas respectée, d'agir en annulation de la vente du fonds,

Débouter les époux Bernard de toutes leurs demandes ;

Condamner les époux Bernard à payer aux époux Aujard la somme de 10.000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Intimés, les époux Bernard, qui font leurs, pour l'essentiel, les motifs ci-dessus rappelés du Tribunal, concluent à la confirmation du jugement et réclament une indemnité de 30.000 F, pour appel abusif et 12.060 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la Cour se réfere aux énonciations de la décision et aux conclusions déposées ;

MOTIFS

Considérant que les moyens invoqués par les appelants au soutien de leur recours ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le Tribunal a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;

Qu'il résulte des énonciations non contredites du jugement attaqué, des écritures des parties et des pièces par elles régulièrement produites que :

- Par acte sous seing privé du 21 juillet 1998, réitéré devant notaire le 15 septembre suivant, les époux Bernard ont vendu aux époux Aujard un fonds de commerce de bar à Lesneven, pour le prix de 575.000 F ;

- Dans l'acte sous seing privé, il était indiqué que :

" il existe un contrat d'exclusivité de boissons liant le fonds de commerce vendu, et la société Fournier Distribution ; ce contrat sera repris dans les mêmes termes et conditions par le cessionnaire qui s'y oblige expressément ;

- l'acte notarié rappelait aussi l'existence de ce contrat de bière conclu le 8 juin précédent, et l'engagement des époux Aujard de l'exécuter dans toutes ses clauses et conditions ;

- ce contrat de bière prévoyait, en contrepartie de l'exclusivité de l'approvisionnement chez ce brasseur, divers avantages économiques et financiers, spécialement " une subvention publicitaire de 202.608 F, amortissable à raison de 242,20 F par hectolitre de bière vendu " ;

- se plaignant de ce que cette subvention avait été payée peu avant la vente du fonds, et que tenus de l'exclusivité prévue par le contrat de bière, ils avaient ainsi été privés de la contrepartie, et par suite de la délivrance d'un élément constitutif du fonds, les époux Aujard faisaient assigner les époux Bernard en restitution de cette subvention; ce dont ils ont été déboutés par le jugement déféré ;

Considérant que s'il est de principe, en matière de vente de fonds de commerce, que les contrats liant le précédent exploitant avec les tiers, ne sont pas transmis au cessionnaire, sauf dispositions contraires, en l'espèce il a été convenu que les époux Aujard, acquéreurs, reprendraient le contrat de bière passé entre les époux Bernard, vendeurs, et la société Brasserie Heineken, " dans toutes ses clauses et conditions "; que cette transmission, à défaut de stipulation spéciale, inexistante dans le cas présent, s'entendait en l'état, rien n'obligeant les époux Bernard, vendeurs, à représenter ou remettre aux époux Aujard, leurs successeurs, les sommes reçues antérieurement à la vente du fonds, en exécution normale du contrat ensuite cédé; que, rien n'indiquant que la vente du fonds était déjà projetée lors de la conclusion du contrat de bière, il n'est pas démontré que celui-ci avait été passé peu avant, dans l'unique intention de percevoir l'importante subvention prévue sans en subir les contreparties laissées à la charge d'acquéreurs éventuels ; qu'en outre les époux Aujard, acquéreurs, pleinement informés des clauses et conditions du contrat de bière , n'ont pu manquer de se renseigner sur le sort de la subvention prévue, compte tenu de son importance, et de ratifier la vente en fonction des charges qui en résultaient pour eux ; que le jugement, qui a rejeté leur demande en remboursement de cette subvention sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que les époux Aujard, qui succombent, supporteront les dépens ; qu'ils ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que l'équité commande, en revanche, de faire droit à la demande des époux Bernard, fondée sur ce texte, avec maintien de la condamnation prononcée à ce titre par le Tribunal ; qu'il n'est pas établi qu'en faisant appel les époux Aujard ont agi de façon malicieuse et dans l'intention de nuire, que la demande de dommages et intérêts des époux Bernard pour procédure abusive sera donc rejetée ;

Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel, Y ajoutant, Déboute les époux Aujard de leur demande au titre des frais non répétibles et les époux Bernard de celle qu'ils ont formée pour procédure abusive, Condamne les époux Aujard à payer aux époux Bernard la somme de 10.000 F. par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne les époux Aujard aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.