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Décisions

CA Orléans, ch. civ. sect. 2, 27 mars 1990, n° 1440-87

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

K Life (SARL)

Défendeur :

Bigot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bordier

Conseillers :

MM. Bureau, Zanghellini

Avoués :

SCP Laval, Me Bordier

Avocats :

Mes Abid, Leloup.

TGI Tours, du 5 mai 1987

5 mai 1987

LA COUR

Statuant sur l'appel interjeté par la Société à Responsabilité Limitée K Life d'un jugement du 5 mai 1987 par lequel le Tribunal de Grande Instance de Tours :

- a débouté la Société à Responsabilité Limitée K Life de toutes ses demandes,

- l'a déclarée déchue du droit au renouvellement de son bail commercial afférent aux locaux situés 26 rue de Bordeaux à Tours (Indre & Loire) appartenant à Anne-Marie Gallien Veuve Bigot, pour nullité du contrat de location-gérance de son fonds de commerce consenti irrégulièrement à une dame Jacqueline Odille en cours d'exécution de son bail,

- a ordonné en conséquence son expulsion immédiate ainsi que celle de tous occupants de son chef,

- a ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- a débouté Anne-Marie Gallien Veuve Bigot de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- a condamné la Société à Responsabilité Limitée K Life aux dépens,

Vu l'exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties en première instance figurant dans ledit jugement,

Vu les conclusions d'appel, les demandes et les moyens qu'elles contiennent ;

Attendu que pour échapper à la déchéance du droit au renouvellement du bail commercial qui lui a été consenti le 3 janvier 1977, suivant acte passé devant Maitre Retif, Notaire à Gizeux (Indre & Loire) par Anne-Marie Gallien Veuve Bigot, la Société à Responsabilité Limitée K Life constituée le 2 décembre 1976, immatriculée le 20 janvier 1977 et dont l'existence a commencé le 3 janvier précédent, représentée par sa Gérante statutaire de droit Annick Le Pape épouse Taieb prétend tout d'abord que la convention de location-gérance consentie le 2 mai 1983 à Jacqueline Odille serait valable en dépit de l'existence des dispositions des articles 4, 5 et 11 de la Loi 56-277 du 20 mars 1956, au motif que si la Société K Life n'avait pas les sept ans d'existence exigés à la date de la convention par l'article 4 de ladite Loi et que ce délai n'avait été ni supprimé, ni réduit par ordonnance du Président du Tribunal Civil, dans les formes et conditions prévues par l'article 5 de la même Loi, Khalifa Taieb, mari de la Gérante et se prétendant Gérant de fait aurait été en ce qui le concerne commerçant ou artisan pendant sept ans ou aurait exercé pendant une durée équivalente les fonctions de Gérant ou de Directeur Commercial ou Technique pour avoir été lui-même depuis 1974 " Gérant de nombreuses Sociétés à objets similaires (activité de vente au détail de chaussures, maroquinerie et confection) " ;

Mais attendu qu'il convient de relever qu'il n'est nullement prouvé en l'état que Khalifa Taieb ait été depuis 1974 " Gérant de nombreuses Sociétés à objets similaires " et assumait la gérance de fait de la Société K Life ;

Mais attendu surtout que peu importe qu'il en serait même ainsi puisque le loueur ayant consenti la location-gérance n'a jamais été Khalifa Taieb mais la seule Société à Responsabilité Limitée K Life ;

Attendu que les exigences de l'article 4 de la Loi du 20 mars 1956 n'ont pas été respectées, qu'il n'y a pas eu de dérogation accordée dans les formes et conditions de l'article 5 de la même Loi, qu'il s'ensuit qu'en vertu de l'article 11 de la Loi est frappé d'une nullité d'ordre public le contrat de location-gérance consenti en violation des conditions de qualification professionnelle et d'exploitation personnelle imposées au loueur (la seule Société à Responsabilité Limitée K Life) par l'article 4 ;

Attendu que cette nullité entraîne à l'égard des contractants la déchéance des droits qu'ils pourraient éventuellement tenir du Décret N° 53-962 du 30 septembre 1953 modifié réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal (article 11 alinéa 2 de la Loi du 20 mars 1956) ;

Attendu que pour tenter d'échapper à cette nullité et à ses conséquences, la Société à Responsabilité Limitée K Life prétend que la nullité aurait été couverte par un document du 14 mars 1985 intitulé " Avenant à Bail de Fonds de Commerce " intervenu entre Khalifa Taieb " agissant en qualité de Gérant de fait de la Société à Responsabilité Limitée K Life " et Madame Jacqueline Odille par lequel il est convenu une augmentation du montant de la redevance de la gérance libre du fonds de commerce consentie le 2 mai 1983 à Madame Odille, au motif qu'à cette nouvelle date (14 mars 1985) la Société K Life existait depuis plus de sept ans ;

Mais attendu que d'une part la convention du 14 mars 1985 qui ne vise que l'augmentation de la redevance est la suite du contrat du 2 mai 1983, que, par suite, elle est entachée de la même nullité qu'affecte le contrat d'origine ;

Attendu que d'autre part, cette convention du 14 mars 1985 n'est pas plus que celle du 2 mai 1983 conclue par la Société à Responsabilité Limitée K Life qui avait seule compétence de principe pour le faire, mais par le nommé Khalifa Taieb, mari de la Gérante statutaire de droit Annick Le Pape épouse Taieb qui seule avait qualité pour engager la Société ;

Attendu que la Société K Life prétend, en outre, que la nullité des conventions des 2 mai 1983 et 14 mars 1985 ferait revivre la sous-location d'occupation précaire du 2 février 1983 qui écrit-elle, continuerait ainsi à produire ses effets ;

Mais attendu que la sous-location précaire du 2 février 1983 est consentie à Madame Odille pour " une durée de trois mois entiers et consécutifs qui ont commencé à courir le 1er octobre 1982 pour se continuer ensuite de mois en mois par tacite reconduction jusqu'à une durée qui ne pourra excéder six mois au terme de laquelle la présente sous-location prendra irrémédiablement fin " étant ajouté " le présent contrat étant consenti à titre provisoire et précaire, si les conditions prescrites par l'article 3-2 susvisé du Décret du 30 septembre 1953 se trouvent remplies, le preneur ne pourra revendiquer ces dispositions du Décret pour solliciter le renouvellement des présentes, ce que Madame Odille reconnaît expressément. En conséquence, le preneur s'oblige à quitter les lieux à l'expiration des présentes, soit au plus tard le 1er avril 1983, sans chercher à s'y maintenir sous quelque prétexte que ce soit " ;

Attendu que la location précaire en cause n'existait donc plus, étant en outre observé qu'une location-gérance par définition ne peut également excéder deux ans ;

Attendu qu'il doit être rappelé que le seul fait d'avoir contrevenu à l'article 4 de la Loi du 20 mars 1956 entraîne les sanctions édictées par l'article 11 de ladite Loi c'est-à-dire la nullité du contrat de location-gérance et la déchéance du droit au renouvellement du bail principal ;

Attendu enfin que contrairement aux affirmations de la Société à Responsabilité Limitée K Life qui prétend qu'Anne-Marie Gallien Veuve Bigot pour invoquer le refus de renouvellement aurait dû préalablement faire délivrer un commandement d'avoir à faire cesser l'infraction, une telle mise en demeure n'était nullement nécessaire alors que la faute reprochée était une faute présentant un caractère irréversible et que le 3 juin 1985 la Société K Life avait notifié à Madame Veuve Bigot une demande de renouvellement du bail à laquelle celle-ci avait répondu par acte extrajudiciaire du 2 septembre 1985 qu'elle s'opposait à la demande de renouvellement formulée, la Société K Life étant déchue du droit à renouvellement à raison de la nullité du contrat de location-gérance passé avec Madame Odille ;

Attendu que les premiers juges ont donc considéré qu'Anne-Marie Gallien Veuve Bigot avait à bon droit refusé à la Société à Responsabilité Limitée le renouvellement de son bail commercial et que la Société ne pouvait prétendre à aucune indemnité d'éviction ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame Veuve Bigot l'intégralité des frais autres que les dépens qu'elle a dû exposer à nouveau devant la Cour en raison de l'appel non fondé formé à son encontre, qu'il lui sera alloué la somme de 6.000 francs qu'elle réclame au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Tours du 5 mai 1987, Y ajoutant, Condamne la Société à Responsabilité Limitée K Life au niveau de l'appel à payer à Anne-Marie Gallien Veuve Bigot la somme de six mille francs (6.000 francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la Société à Responsabilité Limitée K Life aux dépens d'appel, Accorde à Maître Bordier, Avoué, le droit de recouvrer directement contre elle ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.