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Décisions

Cass. com., 2 novembre 1994, n° 92-17.056

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Noury

Défendeur :

Philippe

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Lacan

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Mes Blondel, Hennuyer.

Cass. com. n° 92-17.056

2 novembre 1994

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 avril 1992) que, par acte du 23 septembre 1989, Mme Philippe et M. Noury ont signé un compromis de vente portant sur un fonds de commerce appartenant à ce dernier, étant précisé que la vente, qui pouvait intervenir jusqu'au 1er octobre 1992, ne serait réalisée que par la signature de l'acte définitif ; que, par acte du même jour, M. Noury a donné le fonds en location-gérance à Mme Philippe ; que des difficultés étant survenues entre les parties, Mme Philippe a fait assigner M. Noury en annulation des deux conventions du 23 septembre 1989 et en remboursement des sommes versées, tandis que M. Noury demandait reconventionnellement le règlement de redevances et de loyers impayés et l'expulsion de Mme Philippe ;

Sur le premier moyen : - Attendu que M. Noury reproche à l'arrêt d'avoir décidé que le compromis de vente et la location-gérance ne constituaient qu'une seule et même convention de cession du fonds litigieux, alors, selon le pourvoi, qu'en affirmant que les parties ont réalisé une vente parfaite en procédant comme elles l'ont fait, sans relever une quelconque volonté de dissimuler une convention sous des apparences qui ne correspondraient pas à la réalité, et sans pousser plus avant ses investigations au regard des conclusions de M. Noury, ensemble au regard de chacun des actes concernés, au demeurant extrêmement clairs, et s'articulant parfaitement eu égard à la signature, d'une part, d'un compromis de vente assorti d'une condition suspensive en elle-même parfaitement licite, la vente devenant parfaite par la signature de l'acte définitif, et, d'autre part, d'une convention de location-gérance apparaissant en elle-même également parfaitement licite, ayant été autorisée par ordonnance, le locataire-gérant ayant à prendre en charge le loyer des murs et à s'acquitter d'une redevance de loyer, étant observé qu'il avait été librement convenu qu'au cas où la réitération de l'acte ne serait pas faite "la totalité des sommes versées par Mme Philippe à M. Noury serait intégralement acquise à ce dernier sur la qualification d'indemnité de gérance libre", la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile en statuant par simple affirmation et prive son arrêt de base légale en ne serrant pas d'assez près les vraies difficultés soumises à son examen et, ce faisant, viole l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les redevances de la location-gérance devaient venir en déduction du prix de cession, la cour d'appel a pu décider que ces sommes ne représentaient pas un véritable loyer mais une fraction du prix convenu justifiant ainsi sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. Noury reproche encore à l'arrêt, confirmatif de ce chef, d'avoir prononcé l'annulation de la cession du fonds, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel omet de se prononcer sur la pertinence de l'attestation versée aux débats émanant de M. Anfosso dont il était dûment fait état dans les conclusions, attestation d'où il résultait que Mme Philippe connaissait parfaitement la situation du fonds de commerce pour avoir examiné l'affaire minutieusement avec le précédent locataire-gérant, à savoir M. Sasso ; qu'en restant muette sur ces données de nature à avoir une incidence directe sur la solution du litige, la cour d'appel méconnaît son office au regard des articles 6, 7 et 12 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que M. Noury faisait valoir en substance qu'étant revenue sur ses engagements, Mme Philippe a refusé de donner suite à un accord sans réserve pour acquérir le fonds litigieux moyennant le versement d'une somme de 580 000 francs à la suite d'un échange de correspondances, accord consacré le 26 décembre 1990, étant encore souligné qu'il résulte de constatations souveraines de la cour d'appel au jour où celle-ci statuait, soit le 27 avril 1992, que Mme Philippe était toujours dans les lieux, autant de données de nature à révéler que Mme Philippe trouvait un avantage à acquérir et exploiter le fonds et partant, antinomiques avec une tromperie du vendeur né de la circonstance que l'acquéreur n'aurait pas eu connaissance de la véritable situation comptable du fonds ; qu'en n'en tenant pas compte, la cour d'appel prive son arrêt de base légale au regard de l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 ;

Mais attendu, d'une part, que, par motifs adoptés des premiers juges, l'arrêt retient que, si M. Noury établit que Mme Philippe s'était rendue dans le fonds litigieux avant de procéder à son acquisition, il ne prouve pas qu'elle avait eu connaissance des résultats commerciaux de cet établissement ; que, par une telle énonciation, la cour d'appel a écarté, comme dépourvue d'effet, l'attestation invoquée ; qu'ainsi, elle n'a pas encouru les griefs du moyen ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt, que M. Noury ait soutenu en cause d'appel que "l'accord" invoqué apportait la preuve de la connaissance par sa cocontractante de la valeur du fonds lors de la cession litigieuse ; d'où il suit qu'irrecevable, comme nouveau et mélangé de fait et de droit, en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. Noury reproche enfin à l'arrêt d'avoir limité à 50 000 francs la condamnation de Mme Philippe pour résistance abusive, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'après avoir prononcé la nullité du compromis de vente du fonds de commerce, ensemble du bail de ce même fonds à titre de location-gérance en indiquant qu'il s'agissait d'une même et seule convention de cession de fonds de commerce, la cour d'appel se devait de tirer les conséquences de cette nullité à partir du moment où dans les faits, et cela résulte de ses propres constatations, le bénéficiaire de la promesse de vente était resté dans les lieux et exploitait le fonds, et ce du mois d'octobre 1989 au jour où la cour d'appel s'est prononcée, et où il est constant que l'occupante des lieux n'a versé ni redevances, ni loyers ; qu'en limitant le montant de l'indemnité allouée à 50 000 francs pour résistance abusive, sans tenir compte d'une occupation des lieux ayant perduré pendant plusieurs années, la cour d'appel méconnaît les règles et principes qui gouvernent les effets de la nullité des actes et partant viole l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que tenant uniquement compte d'un litige ayant opposé la SCI propriétaire des murs avec M. Noury pour limiter à 50 000 francs le montant de l'indemnité due nonobstant la circonstance que Mme Philippe était restée dans les lieux d'octobre 1989 au jour où la cour d'appel se prononçait, celle-ci méconnaît le principe de la réparation intégrale et partant viole l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. Noury n'apportait pas la preuve d'un quelconque préjudice commercial, la cour d'appel a souverainement apprécié, par l'évaluation qu'elle en a faite, l'étendue du préjudice subi par lui du fait de l'occupation des locaux ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.