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Décisions

CAA Nantes, 1re ch., 5 décembre 2001, n° 98NT02106

NANTES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Thomas Hyperfrais-Hyperfroid (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

rapporteur : M. Jullière

Président de chambre :

M. Lemai

Commissaire du gouvernement :

Mme Magnier

Avocat :

Me Herry

TA Caen, du 18 juin 1998

18 juin 1998

La SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 96-1893 en date du 18 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle e été assujettie au titre de l'année 1989 dans les rôles de la commune de Silly-en-Gouffern ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa requête, il soit sursis à l'exécution du jugement ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 7 000 F au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- le complément d'impôt sur les sociétés litigieux, d'un montant de 475 204 F en droits et pénalités, dont elle sollicite intégralement la décharge, résulte exclusivement, "en pratique", de l'assujettissement à l'impôt, au taux normal, de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial qui la liait à la société commerciale "Boursin", ce redressement étant le seul qu'elle conteste alors qu'un autre, qu'elle a accepté, lui a également été assigné pour l'exercice 1989 ;

- pour déterminer si l'indemnité doit être taxée comme plus-value à long terme au taux réduit ou comme profit au taux de droit commun, il y a lieu de se référer à la jurisprudence relative à la notion de "source régulière de profit dotée d'une pérennité suffisante" ;

- selon cette jurisprudence, tout contrat dont l'entreprise peut escompter durablement des bénéfices constitue un élément incorporel de l'actif immobilisé ; tel est le cas du contrat concerné en l'espèce, qui a permis à l'entreprise de dégager des bénéfices pendant une douzaine d'années ; l'indemnité litigieuse relève donc bien du régime des plus-values professionnelles à long terme et c'est, dès lors, à bon droit qu'elle a été déclarée comme telle ;

- le décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958 relatif au statut d'agent commercial corrobore cette interprétation, de même que la directive communautaire n° 86-653 du 18 décembre 1986 ayant pour objet d'harmoniser les règles d'exercice de la profession d'agent commercial ;

- à des contrats de distribution n'est retenu par la jurisprudence que pour la détermination du régime fiscal des redevances versées par le concessionnaire au concédant; dès lors, en retenant ce critère, le Tribunal administratif de Caen a entaché sa décision d'erreur de droit ;

- cela étant, ledit critère paraît satisfait au cas particulier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui demande à la cour de rejeter la requête ;

Il soutient que :

- le contrat qui permettait à la requérante de distribuer les produits de marque "Boursin" a été dénoncé en 1989 par la SA Société commerciale Boursin, moyennant une indemnité de rupture de 2 463 000 F ; la requérante a déclaré, au titre de 1989, une plus-value à long terme de 2 463 000 F - 500 000 F (estimation forfaitaire de la valeur d'origine), soit 1 983 000 F ; le service a au contraire estimé que l'indemnité présentait le caractère d'un produit d'exploitation, ce qui l'a amené à taxer la somme précitée de 2 463 000 F au taux de droit commun ;

- selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, définitivement fixée depuis 1996 en matière de contrats de concession de droits exclusifs d'exploitation, les trois conditions nécessaires à la qualification d'immobilisation sont l'exclusivité, la durée du contrat et le pouvoir de disposition, ce dernier critère - ou condition de cessibilité - étant essentiel pour caractériser l'élément patrimonial ;

- ainsi, comme il a été récemment jugé, un contrat de représentation d'une marque d'une durée indéterminée qui peut être résilié à tout moment par le titulaire de la marque sous réserve d'un préavis de quatre mois ne confère pas au distributeur des droits d'une pérennité suffisante pour constituer un élément d'actif ; or, le contrat concerné par le litige était résiliable à tout moment par la société Boursin moyennant un préavis de quatre mois et, au surplus, ne comportait pas de clause d'exclusivité et n'était pas cessible ;

- la directive communautaire du 18 décembre 1986 n'est pas utilement invoquée dès lors que le contrat, signé en 1978, lui est antérieur et que le versement de l'indemnité n'était pas subordonné à l'apport d'une véritable clientèle par le mandataire comme le prévoit cette directive ; enfin, elle n'a été transposée en droit interne qu'à compter du 1er janvier 1990 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 février 2001, présenté pour la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid qui confirme ses conclusions antérieures, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que :

- la solution dégagée par celui des arrêts du Conseil d'Etat que le ministre cite en dernier n'est pas transposable à l'espèce dès lors que le contrat dont il s'agissait avait eu une durée inférieure à deux ans ;

- le caractère patrimonial du droit détenu par la requérante est établi par le seul fait qu'elle a été dédommagée par une indemnité de résiliation ;

- la requérante entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle Charret du 28 février 1968, qui a admis le caractère d'élément d'actif dans une situation identique et pour un contrat en vigueur depuis seulement dix ans ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui confirme ses conclusions antérieures, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que la réponse ministérielle invoquée ne l'est pas utilement dès lors que, précisément, l'indemnité en litige ne représente pas la contrepartie de la perte d'un élément de l'actif immobilisé ;

Vu, 2°), sous le n° 98NT02125, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 août 1998, présentée pour la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid ;

La SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 96-1879 en date du 18 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la réduction du rappel, de TVA auquel elle a été assujettie au titre de la période correspondant à l'année 1990 par avis de mise en recouvrement du 23 novembre 1992 ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa requête, il soit sursis à l'exécution du jugement ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 7 000 F au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial qui la liait à la société commerciale "Boursin" a été regardée à tort par l'administration, puis par le tribunal administratif, comme compensant un préjudice commercial courant; il s'agit au contraire d'une "indemnité de clientèle", constituant la contrepartie de la perte de la clientèle acquise au fil du temps grâce au contrat ;

- bien que relative aux bénéfices industriels et commerciaux, la jurisprudence concernant la notion de " source régulière de profit dotée d'une pérennité suffisante" n'est pas sans intérêt même pour la solution du litige de TVA ;

- selon cette jurisprudence, tout contrat dont l'entreprise peut escompter durablement des bénéfices constitue un élément incorporel de l'actif immobilisé ; tel est le cas du contrat concerné en l'espèce, qui a permis à l'entreprise de dégager des bénéfices pendant une douzaine d'années l'indemnité litigieuse relève donc bien du régime des plus-values professionnelles à long terme et c'est, dès lors, à bon droit qu'elle a été déclarée comme telle ;

- le décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958 relatif au statut d'agent commercial corrobore celle interprétation, de même que la directive communautaire n° 86-653 du 18 décembre 1986 ayant pour objet d'harmoniser les règles d'exercice de la profession d'agent commercial ;

- le critère de cessibilité des droits attachés à des contrats de distribution n'est retenu par la jurisprudence que pour la détermination du régime fiscal des redevances versées par le concessionnaire au concédant; dès lors, en retenant ce critère, le Tribunal administratif de Caen a entaché sa décision d'erreur de droit ;

- cela étant, ledit critère paraît satisfait au cas particulier ;

- le prix de cession d'un élément incorporel d'actif ne saurait entrer dans le champ d'application de la TVA et relève du régime des droits d'enregistrement applicable aux cessions de clientèle ;

- la réponse Houteer du 5 novembre 1984 et l'instruction administrative 3 A-18-84 du 3 décembre 1984, invoquées comme en première instance sur le fondement de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, posent clairement le principe de l'assujettissement au droit d'enregistrement des articles 719 et 720 du Code général des impôts, et non à la TVA, des cessions de biens incorporels ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la portée de cette doctrine n'est pas limitée aux cessions de marques de fabrique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2000, présenté par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie qui demande à la cour de rejeter la requête ;

Il soutient que :

- le contrat qui permettait à la requérante de distribuer les produits de marque "Boursin" a été dénoncé en 1989 par la société commerciale "Boursin" moyennant une indemnité de rupture de 2 463 000 F ; bien qu'ayant perçu cette indemnité en 1990, la requérante ne l'a pas assujettie à la TVA :

- contrairement à ce que soutient la requérante, le contrat dont elle était titulaire ne constituait pas un élément incorporel d'actif ; en effet, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, définitivement fixée depuis 1996 en matière de contrats de concession de droits exclusifs d'exploitation, les trois conditions nécessaires à la qualification d'immobilisation sont l'exclusivité, la durée du contrat et le pouvoir de disposition, ce dernier critère -ou condition de cessibilité- étant essentiel pour caractériser l'élément patrimonial ;

- ainsi, comme il a été récemment jugé, un contrat de représentation d'une marque d'une durée indéterminée qui peut être résilié à tout moment par le titulaire de la marque sous réserve d'un préavis de quatre mois ne confère pas au distributeur des droits d'une pérennité suffisante pour constituer un élément d'actif ; or, le contrat concerné par le litige était résiliable à tout moment par la société Boursin moyennant un préavis de quatre mois et, au surplus, ne comportait pas de clause d'exclusivité et n'était pas cessible ;

- faute de pouvoir être regardée comme la contrepartie de la cession d'un élément incorporel d'actif, l'indemnité a été à bon droit qualifiée de recette d'exploitation passible de la TVA en application des articles 256 et 266-1 du Code général des impôts ;

- ces dispositions de droit interne doivent être interprétées à la lumière du droit communautaire et, notamment, de l'article 6-1 de la 6e directive, selon lequel est une prestation de services toute opération qui ne peut être qualifiée de livraison de bien ; en l'espèce, la prestation rendue à la société commerciale Boursin par la requérante est constituée par le renoncement de la seconde au contrat qui la liait à la première ; il existe donc un "lien direct" entre l'indemnité et la prestation de services ainsi définie; il résulte de la jurisprudence de la CJCE relative à l'article 6-1 précité de la 6e directive qu'en vertu du principe de neutralité, de la TVA, l'indemnité de rupture du contrat doit être assujettie à la taxe dès lors que tel était le cas des commissions d'agent commercial encaissées par la requérante en application dudit contrat ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 février 2001, présenté pour la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid qui confirme ses conclusions antérieures, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que :

- la solution dégagée par celui des arrêts du Conseil d'Etat que le ministre cite en dernier n'est pas transposable à l'espèce dès lors que le contrat dont il s'agissait avait eu une durée inférieure à deux ans ;

- le caractère patrimonial du droit détenu par la requérante est établi par le seul fait qu'elle a été dédommagée par une indemnité de résiliation ;

- au regard de la jurisprudence ayant trait au "lien direct", l'existence d'une prestation nettement individualisable fait défaut en l'espèce ; en effet,, en vertu des articles 12 et 13 de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991, l'indemnisation d'un agent commercial non fautif en cas de résiliation du contrat par le mandant est d'ordre public ; or, une indemnité versée en application d'une disposition d'ordre public est sans lien direct avec les prestations réalisées par son bénéficiaire ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2001, présenté par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie qui confirme ses conclusions antérieures, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la directive du conseil des communautés européennes en date du 15 mai 1977 (n° 77-388-CEE) ;

Vu le décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958, modifié, relatif aux agents commerciaux ;

Vu le Code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le Code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2001 :

- le rapport de M. Jullière, président,

- et les conclusions de Mme Magnier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes de la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid concernent l'imposition d'une même indemnité qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Etablissements Pierre Thomas, puis la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid, à laquelle a été en 1986 transférée par apport partiel d'actif la majeure partie de l'activité commerciale de la société Etablissements Pierre Thomas dans le domaine des produits alimentaires frais, assuraient, en vertu d'un contrat d'agent commercial conclu le 25 mai 1978, la représentation, dans un secteur géographique, de la société commerciale Boursin pour certains produits de la marque du même nom ; que cet accord a été dénoncé par la société commerciale Boursin le 29 novembre 1989, moyennant le versement d'une indemnité de rupture, d'un montant de 2 463 000 F, qui a été perçue par la société Thomas Hyperfrais-Hyperfroid en 1990 ; qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de cette dernière, le service a assujetti cette indemnité, d'une part, à la TVA au titre de l'exercice 1990 et, d'autre part, l'ayant regardée comme une recette d'exploitation, à l'impôt sur les sociétés au taux normal au titre de l'exercice 1989 ;

Sur l'imposition à la TVA :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête concernant la TVA :

Considérant qu'aux termes de l'article 256-1 du Code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 78-1240 du 29 décembre 1978 "Sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel" ; et qu'aux termes de l'article 256 A du même Code, dans sa rédaction alors applicable : "Sont assujetties à la TVA les personnes qui effectuent d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la TVA, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention ; que ces dispositions ont été prises pour l'adaptation de la législation nationale aux articles 2 et 4, paragraphes 1 et 2, et 6, paragraphe 1, de la 6ème directive n° 77-388-CEE du Conseil des communautés européennes du 15 mai 1977, en vertu desquels est, notamment, considéré comme une prestation de services, conférant à son auteur la qualité d'assujetti, le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation" ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le versement de l'indemnité litigieuse par la société commerciale Boursin, intervenu conformément aux clauses d'un contrat qui faisait expressément référence au décret susvisé du 23 décembre 1958 relatif aux agents commerciaux, dont l'article 3 rend obligatoire l'indemnisation du mandataire dans le cas où, comme en l'espèce, le contrat à été dénoncé par le mandant en l'absence de faute de son cocontractant, aurait un lien direct avec une opération de prestation de services individualisable qu'aurait effectuée la société Thomas Hyperfrais-Hyperfroid à l'occasion de la résiliation dudit contrat ; qu'à cet égard, ne saurait à constituer une prestation de services, au sens des dispositions précitées de la directive du 15 mai 1977 qui visent le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation", qui aurait représenté la contrepartie de l'indemnité litigieuse, le fait pour la société Thomas Hyperfrais-Hyperfroid d'avoir dû renoncer à la poursuite de son contrat d'agent commercial en raison de la dénonciation unilatérale de cet accord par son mandant ; qu'enfin, le motif tiré de ce que l'indemnité dont il s'agit aurait eu pour objet de compenser un préjudice commercial courant, retenu initialement par le service pour fonder l'assujettissement de cette indemnité à la TVA et dont le ministre persiste à faire état en appel après que les premiers juges en aient admis le bien-fondé, est inopérant dès lors que, comme il vient d'être dit, il n'existe pas de lien direct entre le versement de l'indemnité et une quelconque prestation fournie par la requérante à son mandant ; que, dans ces conditions, la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid est en droit de prétendre, à concurrence de leur montant résultant de l'imposition de l'indemnité litigieuse, à la décharge des droits et pénalités de TVA auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1990 ; qu'ainsi, le rappel de TVA contesté doit être réduit de 386 271 F en droits et de 52 146 F en pénalités ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 96-1879, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande portant sur la TVA ;

Sur l'imposition à l'impôt sur les sociétés :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 209 du Code général des impôts : "Les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45 et 53 à 58..." ; qu'aux termes de l'article 38 du même code : "1. ..., le bénéfice imposable est le bénéfice net déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation" ; qu'aux termes de l'article 39 duodecies dudit code : "1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts selon qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a) Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans... 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2" ; qu'enfin, en vertu du 1 de l'article 39 quindecies du code précité, "le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 %" ;

Considérant que ne doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé de l'entreprise que les droits constituant une source régulière de profits, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession ; que si le contrat liant la société Thomas Hyperfrais-Hyperfroid à la société commerciale Boursin avait été conclu pour une durée indéterminée, il pouvait prendre fin, à l'initiative de cette dernière, moyennant un préavis limité à trois mois en cas de rupture survenant à partir de la troisième année ; qu'ainsi, et alors même que ce contrat se référait, comme il vient d'être dit, au décret susvisé du 23 décembre 1958 relatif aux agents commerciaux, dont l'article 3, en vigueur à la date de signature de l'accord, rendait obligatoire le versement d'une indemnité au mandataire en cas de résiliation unilatérale par le mandant en l'absence de faute, il ne conférait pas à la requérante des droits dotés d'une pérennité suffisante ; que, dès lors, et quelle qu'ait été l'ancienneté effective dudit contrat lorsqu'il a été résilié, il ne constituait pas un élément incorporel de l'actif immobilisé de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'indemnité versée à la suite de sa résiliation avait, contrairement à ce que soutient la requérante, qui ne saurait en tout état de cause invoquer les dispositions, transposées en droit interne postérieurement à la résiliation du contrat dont il s'agit, de la directive européenne n° 86-653 du 16 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, le caractère d'une recette d'exploitation passible de l'impôt sur les sociétés au taux normal et non celui d'une plus-value à long terme taxable au taux réduit prévu par l'article 39 quindecies du code général des impôts ;

Considérant, d'autre part, que la société Thomas Hyperfrais-Hyperfroid ne peut se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, de la réponse faite le 24 février 1968 par le ministre de l'Economie et des Finances à M. Charret, député, dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas dès lors que celle réponse concerne non l'indemnité de rupture de contrat perçue par un agent commercial en vertu des textes régissant cette profession, mais une "indemnité de clientèle" servie au titulaire d'un "contrat de représentation" en contrepartie de l'abandon d'un tel contrat ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué n° 96-1893, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande en matière d'impôt sur les sociétés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : Le jugement n° 96-1879 du Tribunal administratif de Caen en date du 18 juin 1998 est annulé.

Article 2 : La SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid est déchargée, à concurrence des sommes de trois cent quatre vingt six mille deux cent soixante et onze francs (386 271 F) en droits et de cinquante deux mille cent quarante six francs (52 146 F) en pénalités, du rappel de TVA auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1990.

Article 3 : L'Etat versera à la société Thomas Hyperfrais-Hyperfroid une somme de six mille francs (6 000 F) en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Thomas Hyperfrais-Hyperfroid et au ministre de l'Economie, des Finances et de lIindustrie.