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Décisions

CA Douai, 2e ch. civ., 20 octobre 1988, n° 458-87

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Européenne de brasserie (SA)

Défendeur :

Zbierski Banach (Époux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bononi

Conseillers :

Mmes Lemerre, Giroud

Avoués :

Me Cocheme, SCP Carlier Regnier

Avocat :

Me Godin

T. com. Valenciennes, du 2 déc. 1986

2 décembre 1986

Faits et procédure

Les faits de la cause et la procédure suivie en première instance et en appel figurent à l'arrêt du 26 mai 1988, auquel il est fait référence expresse.

La Cour ayant infirmé le jugement du 2 décembre 1986 rendu par le Tribunal de Commerce de Valenciennes, dit que la convention de fourniture exclusive passée entre les parties étant valable devait recevoir application et soulevé d'office le point de savoir si la clause pénale convenue entre les parties devait être éventuellement réduite, a invité les parties à faire valoir leurs observations sur ce moyen de droit.

Conclusions

La société Européenne de brasserie (SEB) demande que la clause pénale prévue au contrat soit appliquée, et que Monsieur et Madame Sbierski lui paient en conséquence une somme de 251.746,34 F.

Elle demande en outre que lui soit adjugé le bénéfice de ses précédentes conclusions, lesquelles tendaient en particulier à l'allocation d'une indemnité de 5.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, prétention sur laquelle la Cour a sursis à statuer par l'arrêt précité.

Elle précise que l'indemnité de rupture est calculée selon la convention, d'après le débit moyen dans l'établissement pendant la durée du contrat, soit en l'espèce 400 hectolitres, d'où il résulte que 79 mois restant à courir, il lui est dû sur la base de 20 % du prix de l'hectolitre une somme de 251.746,34 F.

Justifiant l'importance de la somme réclamée par celle du prêt de 450.000 F obtenu par les époux Sbierski grâce à sa propre caution, par le soutien apporté dans l'exploitation (marques connues, publicité) et par le préjudice très important qu'elle éprouve en perdant un point de vente exclusif pendant plus de 6 ans, la société appelante précise que le débitant qui rompt un contrat d'exclusivité obtient de la brasserie concurrente qui le sollicite une nouvelle aide et parfois le règlement des dommages que la rupture peut lui causer.

Les époux Sbierski demandent à la Cour, sous réserve du pourvoi en Cassation qu'ils se proposent d'engager contre l'arrêt précité, de réduire dans de très sensibles proportions l'indemnité réclamée par la SEB, et de condamner cette société à leur payer une somme de 15.000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ils se défendent d'avoir proposé de fixer le débit moyen de leur établissement à 400 hectolitres, alors qu'en fait leur résultat annuel ne s'est élevé qu'à 297,90 hectolitres en 1981, pour tomber à 199 hectolitres en 1987, et 169 hectolitres jusqu'en août 1988.

Considérant que le coefficient de 20 % est manifestement exagéré, ils demandent qu'il soit tenu compte seulement du préjudice effectivement subi par la SEB pendant la période de septembre 1988 à novembre 1990.

Motifs

La société appelante verse aux débats la convention conclue entre les parties, suivant laquelle les débitants se sont engagés à se fournir pendant 10 ans à compter du 1er janvier 1981, à concurrence de 400 hectolitres de bière par an, sous peine d'une indemnité de résiliation de 20 % sur la valeur des quantités de bière non livrées pendant le temps restant à courir.

La Cour constate que même si, comme ils l'affirment les époux Sbierski n'ont pas eux-mêmes avancé le chiffre de 400 hectolitres comme évaluation moyenne de leur débit annuel, ils ont néanmoins accepté, en toute connaissance de cause, que ce chiffre soit retenu à la convention.

Ils sont d'autant plus mal venus à contester le fondement de la clause pénale qu'ils indiquent eux-mêmes que la SEB livrait antérieurement le fonds de commerce "et savait parfaitement le nombre d'hectolitres qui pouvaient être débités" ce qui aurait dû les inciter à vérifier, en professionnels avisés, l'étendue réelle de l'engagement à eux proposé.

Au surplus, ils ne font état d'aucune circonstance de nature à démontrer le caractère excessif de la clause pénale, eu égard à la faiblesse de leur débit dont l'origine reste elle-même inexpliquée, mais se contentent d'affirmer que la SEB a toléré de leur part le débit accessoire d'autres types de bière avant de leur faire grief de la rupture du contrat.

Dans ces conditions, la Cour, tenant compte de ce qu'aucun litige n'existe entre les parties quant à l'exactitude du calcul de l'indemnité réclamée, et considérant que les intimés n'indiquent pas en quoi le coefficient de 20 % qu'ils ont accepté contractuellement serait manifestement excessif, estime que l'importance du préjudice éprouvé par la société appelante durant 6 ans, soit durant les 3/5 de la période au cours de laquelle la brasserie pouvait légitimement compter sur la vente exclusive de ses produits, justifie l'application de la clause pénale prévue au contrat.

Il n'y a donc pas lieu de réduire l'indemnité dont les époux Sbierski ont encouru le risque lorsqu'ils ont provoqué la rupture du contrat en 1984.

En conséquence, il convient de faire droit à la réclamation de la SEB, qui se trouve bien fondée.

Les circonstances de l'espèce n'imposent pas que la société appelante soit déchargée des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Par ces motifs, La Cour statuant à la suite de l'arrêt du 26 mai 1988, Condamne Monsieur et Madame Sbierski à payer à la société Européenne de brasserie la somme de 251.746,34 F, Déboute la société Européenne de brasserie du surplus de ses prétentions, Condamne Monsieur et Madame Sbierski aux dépens de première instance et d'appel, Dit que ces derniers seront recouvrés directement au profit de Me Cochème, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.