CA Grenoble, ch. com., 3 juin 1999, n° 98-02702
GRENOBLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SRH 100 (SARL)
Défendeur :
UFB Locabail (SA), Roumezi (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beraudo
Conseillers :
M. Baumet, Mme Landraud
Avoués :
SCP Calas, Sté Dauphin & Neyret, SCP Perret & Pougnand
Avocats :
Mes Friede, N'Kaoua, Laurent.
Procédure :
Le 1er octobre 1993 la société SARL SRH 100 a été déclarée en redressement judiciaire, converti le 15 octobre en liquidation.
Le Tribunal a désigné Maître Roumezi en qualité de représentant des créanciers puis de mandataire liquidateur.
La société UFB Locabail a déclaré deux créances à titre privilégié de 500.007,78 F et de 76.211,31 F.
La déclaration a été contestée par la société SRH 100 qui a invoqué un dol commis à son préjudice.
Par ordonnance du 22 avril 1998 le juge commissaire a admis les créances déclarées.
La société SRH 100 a interjeté appel le 3 juin 1998, la mise au rôle étant effectuée le 1er juillet.
Moyen des parties :
La société SRH 100 a signifié et déposé des conclusions le 1er octobre et le 31 décembre 1998.
La société UFB Locabail a conclu les 2 décembre 1998 et 6 janvier 1999.
Maître Roumezi a déposé ses écritures le 22 décembre 1998.
Sur quoi :
Vu les conclusions signifiées et déposées par les parties ;
1. Attendu que la recevabilité de l'appel de la société SRH 100 n'est pas contestée ;
2. Attendu qu'il résulte des pièces communiquées que la société SRH 100 a conclu le 7 février 1990 avec la société SA Primevera Hotels - dite SAPH - un contrat d'études de réalisation et de franchissage d'une unité hôtelière située à Grenoble Voreppe ;
Attendu que selon l'article 6 (page 6) dudit contrat le franchisé avait l'obligation de confier à la société SAPH les études financières, le budget prévisionnel de construction et d'implantation, les démarches auprès des organismes de crédit, l'instruction des dossiers de crédit, la recherche du meilleur financement en fonction des disponibilités du franchisé ;
Attendu que par cet intermédiaire la société SRH 100 a contracté par acte notarié du 21 février 1992 auprès de la société UCB Locabail un contrat de crédit bail portant sur l'acquisition du terrain et la construction du bâtiment à usage d'hôtel-restaurant ;
Que, par ailleurs, en exécution de ce contrat du 7 février 1990 la société SAPH franchiseur a contacté le 27 avril 1992 la société UFB Locabail sollicitant la mise en place d'un crédit bail mobilier destiné à financer une partie du matériel ;
Attendu qu'il est indiqué dans ce courrier que cette demande s'insère "dans le cadre des accords" existant ;
Qu'il est en outre précisé que l'investissement immobilier était assuré par l'UCB ; qu'enfin, il est joint la plaquette complète de l'implantation et les commandes-fournisseurs concernées (une note de situation - une note commerciale avec actes et plans - un compte prévisionnel type pour un hôtel de 42 chambres avec en annexes : les recettes - les charges d'exploitation - les charges financières - un échelonnement prévisionnel des débours - un budget d'investissement) ;
Attendu que suite à cette demande la société SAPH franchiseur a informé la société SRH 100 franchisé par lettre du 23 juin 1992 de ce qu'elle avait obtenu de l'UFB deux contrats de crédit-bail mobilier, lui adressant le dossier pour signature ;
Que par actes sous seing privé du 6 juillet 1992 la société SRH 100 a contracté auprès de l'UFB Locabail deux contrats de crédit bail mobilier d'une durée de 60 mois, portant sur les sommes de 476.803,33 F et 71.730,58 F TTC, l'UFB ayant deux garanties : le cautionnement des époux Blanchard et une inscription de nantissement sur le fonds ;
3. Attendu qu'il résulte de ces éléments et pièces qu'il avait été projeté une seule opération, la construction d'un hôtel de 42 chambres à Voreppe, avec deux financements différents -l'un immobilier par l'UCB, l'autre mobilier par l'UFB ;
Que ces deux financements accordés par deux sociétés appartenant au même groupe, ce qu'elles ont reconnu devant la Cour d'Appel de Paris (arrêt du 19 janvier 1999), étaient complémentaires et indivisibles, le crédit bail mobilier consenti par l'UFB découlant nécessairement de l'existence d'un crédit bail immobilier, consenti en l'espèce par l'UCB ;
Attendu que les contrats de crédit-bail, tant mobilier qu'immobilier, ont été accordés au vu du dossier établi en 1992 par la société SAPH franchiseur dont il est démontré qu'il reposait sur des études totalement dépassées puisque datant de 1989 et 1990 et comportait nombre d'éléments erronés ;
Attendu qu'il a été également reconnu que le crédit bail immobilier a été consenti par l'UCB en connaissance de cause ; que ce contrat a été annulé pour réticence dolosive du prêteur par arrêt de cette Cour en date du 4 septembre 1997 ;
Attendu qu'il est démontré, et reconnu par la société UFB, qu'elle a eu par ce dossier avec annexes qui lui avait été transmis par le franchiseur une connaissance complète de l'ensemble de l'opération ;
Attendu que les erreurs et les inexactitudes contenues dans ce dossier, jointes au constat que le fonds de commerce qui devait être exploité dans l'immeuble allait connaître pendant les premières années des pertes ne lui permettant pas de faire face à l'ensemble des remboursements de crédit bail immobilier et mobilier ne pouvaient manifestement pas échapper à un organisme de crédit professionnel tel que l'UFB ;
Attendu qu'en s'abstenant de dévoiler à la société SRH 100, emprunteur franchisé, ces informations dont la connaissance était déterminante pour son consentement aux deux contrats de crédit bail mobilier la société UFB a commis une réticence dolosive ;
Que cette réticence entraîne la nullité des deux contrats de crédit bail mobilier ;
Attendu que la société UFB Locabail ne justifie pas par suite être titulaire des deux créances qu'elle a déclarées ; que l'ordonnance du juge commissaire doit être réformée en ce qu'elle n'a pas retenu l'existence d'un dol et en ce qu'elle a admis lesdites créances de l'UFB au passif du redressement ;
Attendu que l'équité impose qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile au profit de la société SRH 100 à qui la somme de 10.000 F sera allouée ;
Attendu que les dépens de première instance et d'appel doivent incomber à la société UFB Locabail qui succombe dans ses prétentions ;
Décision :
Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, reforme l'ordonnance déférée ; dit nuls les deux contrats de crédit bail mobiliers conclus le 06 juillet 1992 entre la société SA UFB Locabail et la société SARL SRH 100 ; rejette en conséquence la demande d'admission de créances présentées par la société SA UFB Locabail au titre de ces deux contrats ; condamne la société SA UFB Locabail à payer à la société SARL SRH 100 la somme de 10.000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile; condamne la même aux dépens de première instance et d'appel ; dit que la SCP Calas pourra recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.