CA Paris, 16e ch. B, 2 mars 1995, n° 93-15254
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sobodis Chaffard (SA)
Défendeur :
Segard (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ballu
Conseillers :
Mme Pierre-Decool, Mme Collot
Avoués :
SCP Bollet-Baskal, Me Pamart
Avocats :
Mes Blot, Gravereaux.
LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté par la société anonyme Sobodis Chaffard d'un jugement du 20 avril 1993 par lequel le Tribunal de Commerce de Meaux a, faisant droit aux demandes des époux Segard :
* prononcé la nullité de la convention d'approvisionnement exclusif du 7 avril 1983 conclue entre les époux Segard et Monsieur Louis Chaffard ;
* dit que la société Sobodis Chaffard n'avait pas qualité pour agir à l'encontre des époux Segard et que les oppositions qu'elle a formées les 5 et 16 mars 1990 étaient nulles et de nul effet ;
* en conséquence, ordonné la mainlevée aux frais de la société Sobodis Chaffard desdites oppositions pratiquées par cette dernière entre les mains du séquestre la SARL Les Conseils Associés au préjudice des époux Segard ;
* condamné la société Sobodis Chaffard à payer aux époux Segard :
- les intérêts au taux légal sur la somme injustement séquestrée de 278.130,40 francs à compter du 5 mars 1990 et jusqu'à mainlevée effective des oppositions ;
* ordonné l'exécution provisoire du jugement, nonobstant tout appel et sans caution ;
* condamné également la société Sobodis Chaffard à payer aux époux Segard, la somme de :
- 8.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamné la société Sobodis Chaffard en tous les dépens.
Vu pour plus ample exposé le jugement querellé, les pièces régulièrement versées aux débats et en tant que de besoin les écritures des parties ;
Considérant que par exploits des 5 et 16 mars 1990, la société Sobodis Chaffard a formé opposition entre les mains du séquestre Les Conseils Associés sur le prix de vente d'un fonds de commerce sis à Meaux, 5 Rue Louis Geoffroy devant revenir aux époux Segard, invoquant pour ce faire une convention commerciale d'approvisionnement exclusif portant sur des boissons en date du 7 avril 1983, déclarant être titulaire d'une créance qui correspondrait à une indemnité de rupture de 278.130,40 francs se décomposant ainsi :
- pour les bières : 136.130,40 francs
- pour les sucrés : 120.000,00 francs
- pour mémoire :
matériel enseigne et tirage pression : 12.000,00 francs
- pour mémoire :
frais de procédure : 10.000,00 francs
Considérant que les époux Segard ont saisi le tribunal de Commerce d'une demande tendant à voir dire que la convention dont s'agit avait été conclue entre eux-mêmes et Louis Chaffard et que la société Sobodis Chaffard était sans qualité pour agir ; que sur le fond la convention en question était nulle en application de l'article 1129 du code civil, 85 du Traité de Rome, et 8-1-C du Titre II du règlement CEE N° 1984-3 ; qu'il y avait donc lieu à mainlevée des oppositions ci-dessus ; que le tribunal a statué par le jugement entrepris ;
Considérant que la société appelante conclut à l'infirmation du jugement demandant à la Cour de :
- constater que la société Sobodis Chaffard est aux droits de Monsieur Chaffard ;
- dire que le contrat du 7 avril 1983 est valable ;
- déclarer en conséquence les oppositions régulières et valables ;
- condamner in solidum, les époux Segard à lui payer 278.130,40 francs sauf à parfaire, avec intérêts de droit à compter du 5 mars 1990 ;
- dire que le séquestre Conseils Associés devra lui remettre cette somme ;
- Subsidiairement, dire n'y avoir lieu de prononcer la nullité du contrat du 7 avril 1983 ;
- condamner les époux Segard au paiement d'une somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que les époux Segard concluent à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ; qu'ils demandent à toutes fins que la convention du 7 avril 1983 soit déclarée nulle pour indétermination du prix et subsidiairement, en application du règlement CEE susvisé ;
Sur quoi
Considérant que la société Sobodis prétend qu'elle ne s'est pas prévalu, pour faire opposition, de la qualité de caution de Chaffard, mais a agi comme étant aux droits de celui-ci et s'étant substitué à lui dans ses obligations ;
Considérant cependant que les premiers juges après avoir justement relevé que Chaffard s'était porté caution des époux Segard et qu'il s'agissait d'un engagement personnel, ont ensuite observé que la convention conclue entre ces personnes mentionnait que l'obligation de fourniture contractée par lesdits époux Segard constituait la cause essentielle et déterminante du cautionnement de Chaffard ; qu'ainsi, eu égard à ces engagements réciproques, le tribunal a pu déduire que la société Sobodis Chaffard qui y était étrangère n'avait pas qualité pour agir à l'encontre des époux Segard ;
Considérant que la société appelante se borne à prétendre en appel qu'elle avait "repris les engagements de Chaffard et s'était substitué à lui dans ses obligations" ;
Considérant, mise à part l'imprécision de la terminologie employée, qu'il appartiendrait à Sobodis Chaffard de démontrer qu'elle s'est trouvée subrogée dans les droits de Chaffard ce qui lui permettrait de se substituer à lui dans les conventions passées avec les intimés; que selon l'article 1250 du Code Civil, une telle subrogation doit être expresse et être concomitante à la convention par laquelle le tiers ayant payé le créancier vient aux droits de celui-ci; que la société appelante qui ne produit même pas le contrat passé entre Chaffard et elle-même ne peut donc prétendre disposer d'une telle subrogation; que d'ailleurs elle ne justifierait pas en toute hypothèse avoir signifié le transfert de créance conformément à l'article 1690 du Code Civil ;
Considérant enfin que le fait que les époux Segard aient continué à s'approvisionner en boissons auprès de la société Sobodis Chaffard ne peut en aucun cas être considéré comme une reconnaissance d'une quelconque obligation à l'égard de cette société, mais seulement comme une facilité pratique d'approvisionnement ; qu'au surplus, la condition posée à l'alinéa 2 de l'article 1690 ne serait pas remplie ;
Considérant ainsi et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens avancés, que les demandes de la société appelante doivent être rejetées et le jugement confirmé ;
Considérant qu'il y a lieu à une application équitable de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Par ces motifs, Dit l'appel recevable mais non fondé ; Confirme le jugement en ce qu'il a dit la société Sobodis Chaffard irrecevable à agir à l'encontre des époux Segard, ordonné la mainlevée des oppositions et condamné ladite société à leur payer les intérêts au taux légal sur la somme séquestrée et une indemnité selon l'article 700 du nouveau code de procédure civil ; Condamne la société Sobodis Chaffard à payer aux époux Segard la somme de 5.000 francs ( cinq mille francs ) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; La condamne aux dépens d'appel dont distraction à Maître Pamart, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.