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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 5 mars 1990, n° 3463-89

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

société de Gestion des Résidences et Hôtels de Vacances (SA)

Défendeur :

Peyrafitte

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jorda

Conseillers :

Mme Mettas, M. Milhet

Avoués :

SCP Rives, Me Cantaloube

Avocats :

Mes Vidal De Verneix, Mounielou.

TGI Saint-Gaudens, du 13 sept. 1989

13 septembre 1989

Vu l'ordonnance de clôture en date du 8 janvier 1990,

Par acte authentique du 20 décembre 1982, Jean Peyrafitte a donné en location-gérance à la société Sogerva un fonds de commerce de Bar-Hôtel-Restaurant sis à Bagnères de Luchon, exploité sous l'enseigne "Hotel Poste et Golf".

Un état des lieux contradictoire a été dressé le 22 mars 1983.

La société Sogerva a notifié à J. Peyrafitte, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 août 1984, son intention de résilier le bail pour le 28 février 1986.

Par avenant du 31 janvier 1985, les parties ont renoncé d'un commun accord à se prévaloir de cette résiliation et ont convenu de porter le terme du bail au 31 octobre 1987.

La société Sogerva, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 décembre 1986, se référant à l'article 9 du contrat de location-gérance, a notifié à M. Peyrafitte son intention de céder le bail à la SARL Somehel.

M. Peyrafitte, par lettre du 27 décembre 1986, a pris acte de cette cession.

Par acte sous seing privé du 31 décembre suivant, la société Sogerva a cédé à la société Somehel la location-gérance du fonds susvisé.

Un état des lieux a été établi le 16 octobre 1987 en présence de l'épouse de M. Peyrafitte et du Directeur de la société Somehel.

Suivant exploits des 5 et 7 avril 1988, M. Peyrafitte a fait assigner les Sociétés Sogerva et Somehel en référé, pour voir instituer une expertise sur le montant des réparations locatives et, au fond, en allocation de diverses sommes qu'il se réservait de chiffrer.

L'expert commis par ordonnance de référé du 31 mai 1988 a déposé le 28 septembre 1988 rapport de ses opérations.

La société Somehel a été mise en liquidation judiciaire au cours de l'année 1988, et M. Peyrafitte n'a pas repris l'instance à l'encontre du mandataire-liquidateur qui a été désigné.

Le Tribunal de grande instance de Saint Gaudens, par jugement du 13 septembre 1989, a notamment :

- dit que la société Sogerva est tenue, pour la durée de la location-gérance, envers M. Peyrafitte des obligations qui en découlent alors même que celles-ci seraient nées du chef du cessionnaire,

- condamné en conséquence la société Sogerva à payer à M. Peyrafitte la somme totale de 124 501,45 F,

- débouté M. Peyrafitte de la demande en réparation d'un préjudice commercial,

- condamné la société Sogerva à payer à M. Peyrafitte la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Sogerva a régulièrement interjeté Appel de cette décision et demande à la Cour de :

- dire que l'action en cession du contrat de location-gérance du fonds de commerce intervenue en 1986 ne constitue pas un contrat de cession de droit au bail ni un contrat de cession de fonds de commerce,

- dire qu'il n'y a pas de solidarité entre les Sociétés Sogerva et Somehel,

- dire que l'acte de cession emporte novation par changement de locataire,

- dire en conséquence, qu'elle n'est pas tenue des dettes de la société Somehel,

- lui donner acte de ce qu'elle accepte de prendre en charge les éventuels désordres consécutifs à son exploitation pour la période de 1983 au 31 Décembre 1986, mais débouter M. Peyrafitte faute par lui pour la période considérée de justifier de la réalité et de la consistance de ces désordres,

- condamner M. Peyrafitte en paiement de la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts.

L'appelante indique que le contrat de location-gérance ne stipule pas qu'elle sera solidaire en cas de cession, des dettes du cessionnaire ; que pourtant, la solidarité ne se présume pas et doit être expressément stipulée si elle ne résulte pas d'une disposition légale (ce qui n'est pas le cas en l'espèce) ; que M. Peyrafitte a agréé la société Somehel comme nouveau locataire et n'a pas conditionné son accord à l'existence d'une solidarité entre les Sociétés Sogerva et Somehel ou d'une clause de garantie du cédant pour les dettes du cessionnaire.

La société Sogerva soutient que l'acte de cession du constat de location-gérance effectué avec l'accord du bailleur emporte novation, qui peut être prouvée par tous moyens, M. Peyrafitte étant commerçant, et critique le rapport d'expertise déposé.

M. Jean Peyrafitte sollicite la confirmation de la décision déférée et l'octroi de la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles.

L'intimé fait valoir que la cession de bail est une cession de créance qui entraîne survie des obligations du preneur, ce dernier ne pouvant être dégagé de toute obligation du preneur qu'en cas de novation, et qu'il ne peut y avoir novation que si le créancier a exprimé expressément sa volonté de remplacer le débiteur primitif par un nouveau débiteur, la preuve d'une telle novation devant être rapportée par écrit, dès lors qu'il n'a pas la qualité de commerçant.

Il ajoute que le contrat de location-gérance est soumis aux règles de contrats de louage de choses, notamment quant à la cession du bail.

Sur quoi, LA COUR ;

Attendu en fait qu'il est constant que le contrat conclu le 20 décembre 1982 entre les parties, qualifié par celles-ci de "bail-gérance libre de fonds de commerce", porte sur la jouissance d'un fonds de commerce d'hôtel-restaurant et des locaux où ledit fonds est exploité ;

Attendu que ce contrat s'analyse donc, ce qui n'est pas contesté, en un contrat de location-gérance par lequel le propriétaire d'un fonds de commerce en concède partiellement ou totalement la location à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls ;

Attendu que le contrat de location-gérance est un contrat de louage dans lequel les règles propres à la location sont applicables dès lors qu'elles sont compatibles avec le statut légal de la location-gérance (celle-ci constituant la location d'un meuble incorporel soumise à la réglementation particulière découlant de la loi du 20 mars 1956) ;

Attendu en conséquence, que le principe selon lequel, en cas de cession de bail, les cessionnaires demeurent débiteur du bailleur d'origine jusqu'à l'expiration du bail, des obligations qui en découlent est applicable à la location-gérance (laquelle peut être cédée avec l'agrément du bailleur) ;

Attendu qu'il n'en va autrement que si les parties ont exclu expressément l'application de ce principe, en décidant qu'il y aurait novation par changement de débiteur, cette novation résultant soit de l'acte lui-même soit des faits de la cause ;

Or, attendu que la preuve d'une telle novation n'est pas en l'espèce suffisamment rapportée ;

qu'il convient en effet de relever tout d'abord que le contrat liant les parties (et qui a prévu en son article 9 la possibilité d'une cession de la location-gérance) ne contient aucune clause stipulant, qu'en cas de cession, il y aurait novation par changement de débiteur ;

Qu'il apparaît également que dans son courrier du 3 décembre 1986 (informant l'intimé de son intention de céder le contrat) de même qu'au cours des mois suivants, la société appelante s'est abstenue de solliciter l'établissement d'un nouvel état des lieux susceptible de démontrer qu'elle était dégagée de toute obligation à l'égard du bailleur et que la commune volonté des parties avait été d'opérer une novation par changement de débiteur ;

Que cette constatation est confirmée par la forme et la teneur de l'inventaire du mobilier effectué le 15 octobre 1987 et de l'état des lieux dressé le lendemain (dont les premiers juges ont fait une exacte analyse) et qu'il est permis de penser que la société Sogerva, qui a assisté à l'établissement de l'état des lieux et de l'inventaire susvisés, ne s'estimait pas à ce moment-là déliée de toute obligation à l'égard de M. Peyrafitte ;

Qu'en conséquence, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le seul fait que l'intimé ait délivré à compter du 1er janvier 1987 à la société Somehel les quittances de loyers n'est pas suffisant pour établir l'existence d'une novation par changement de débiteur, alors que l'attitude des parties au moment de la cession du contrat indique au contraire que celles-ci s'estimaient toujours liées par les obligations découlant de ce contrat, étant précisé que la société Sogerva avait convenu lors de l'inventaire du 15 octobre 1987 d'évaluer d'un commun accord le préjudice résultant de l'absence de certains articles, qu'elle imputait cependant à la société Somehel ;

Qu'il y a donc lieu de considérer que la société Sogerva n'est pas dégagée de ses obligations à l'égard de M. Peyrafitte nées du contrat de location-gérance et qu'elle doit répondre de la perte du matériel et des réparations locatives résultant des dégradations apparues entre le début et la fin de la location-gérance ;

Attendu, quant à l'évaluation de ces dommages et désordres que les constatations de l'expert judiciaire ont été faites avec zèle, soins et toutes connaissances désirables, et que ses conclusions qui ont été homologuées par les premiers juges en de justes motifs qu'il convient d'adopter, et qui ne sont pas critiquées de manière pertinente, seront entérinées ;

Que la décision déférée est donc en voie de confirmation ;

Que la Cour estime équitable d'allouer à l'intimé la somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs : LA COUR, Reçoit en la forme l'appel jugé régulier, Confirme la décision déférée, y ajoutant : Condamne la société de Gestion des résidences et Hôtels de Vacances "Sogerva" à payer à M. Peyrafitte la somme de 3 000 F (trois mille francs) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société de Gestion des Résidences et Hôtels de Vacances "Sogerva" aux dépens de la procédure d'appel dont distraction de Me Cantaloube-Ferrieu, Avoué, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.