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Décisions

CA Agen, 1re ch., 16 juin 1997, n° 94001145

AGEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BCM France (Sté), Scaex (SA), ITM Entreprises (Sté), L'Union des Mousquetaires (Sté), Stime (SA), Coppa (Sté), STM (Sté), Syndicat Fordis

Défendeur :

Franjean (Sté), Dervaux.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fourcheraud

Conseillers :

M. Bastier, Mme Coleno

Avoués :

SCP Tandonnet, Me Burg

Avocats :

Mes Jauffret, Despieghelaere.

T. com. Paris, du 22 janv. 1996

22 janvier 1996

Par arrêt du 22 janvier 1996 auquel il est fait expressément référence pour l'énoncé des faits et de la procédure antérieure la Cour d'Appel a dit que le contrat de franchise susceptible de recevoir application est daté du 2 janvier 1990, rejeté d'ores et déjà la demande d'annulation fondée sur l'indétermination du prix, rejeté la demande en restitution de redevances présentée par M. Dervaux et la Société Franjean, et la demande en paiement de la somme de 1.000.000 F à titre de dommages-intérêts.

Avant dire droit sur les autres demandes en paiement,

Invite les parties à conclure sur l'opposabilité à l'égard de BCM du contrat du 2 janvier 1990, et à s'expliquer sur les conditions tarifaires applicables à l'approvisionnement et à s'expliquer sur les justificatifs des demandes en paiement des sociétés TIME, STM, ITM, UNM, Fordis,

Enjoint aux parties par application de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, d'établir des conclusions récapitulatives.

Prétentions des parties :

Les sociétés BCM et autres à la suite de cet arrêt concluent ainsi qu'il suit

- déclarer que la Société BCM France peut se prévaloir du contrat de franchise,

- que la clause d'approvisionnement est légale.

- condamner la Société Franjean à payer :

-- à la Société BCM France la somme de 381.521,82 F

-- à la société Stime la somme de 125.396,55 F

-- à la société ITM la somme de 212.518,93 F

-- à la société STM la somme de 29.232,74 F

-- à la société Fordis la somme de 2.134,80 F

Elles exposent

- qu'elles sont filiales d'ITM entreprise laquelle est propriétaire de la marque Bricomarché et franchiseur et qu'elles sont elles-mêmes fournisseur du franchisé (la société Franjean).

- que la société Franjean n'a jamais contesté que la clause d'approvisionnement préférentiel et la clause de détermination des prix soient opposable à la société BCM France.

- que la clause d'approvisionnement insérée à l'article 7 du contrat, n'est pas une clause d'approvisionnement exclusif puisqu'elle prévoit un approvisionnement par préférence auprès de BCM dont le franchisé peut se libérer en apportant la preuve d'une possibilité d'approvisionnement à un meilleur rapport coût/qualité tenant compte du service global complet et étalé dans le temps apporté par BCM ;

- qu'à titre subsidiaire cette clause même si elle est analysée en une clause d'approvisionnement exclusif ne contrevient pas aux dispositions de l'article 85 du traité de Rome au double motif que le franchisé est libre de s'approvisionner auprès d'un autre franchisé, et que la clause litigieuse est nécessaire pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau de franchisé ;

- que les conditions tarifaires d'approvisionnement sont fixées par les adhérents dans le cadre du tiers temps ;

- que s'agissant d'un contrat à exécution successive la nullité quand bien même elle serait prononcée ne saurait dispenser la société Franjean de payer les marchandises qu'elle a reçues.

La Société Franjean et M. Derveaux demandent à la Cour de constater la nullité du contrat de franchise et demandent en outre à la Cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal de Commerce de Paris devant lequel la société BCM a invoqué la litispendance.

Elle relève que la société ITM n'était pas le mandataire de la société BCM et n'avait pas qualité pour la représenter.

Elle conteste le caractère probant des factures invoquées par les appelants.

Par conclusions additionnelles signifiées le 21 Octobre 1996, les sociétés BCM et autres se prévalant d'un fait nouveau ont demandé la condamnation de la société Franjean à lui payer la somme de 534.061 F à titre de dommages et intérêts en raison de la résiliation anticipée du contrat de franchise, au motif que la société Franjean n'exploite plus désormais sous l'enseigne Bricomarché mais sous l'enseigne Bric'o.

Les deux parties ont échangé un ultime jeu de conclusions pour discuter de la recevabilité en cause d'appel de la demande relative à la résiliation du contrat.

Motifs de la décision

L'exception de litispendance ou de connexité avec une instance pendante devant le tribunal de commerce de Paris ne peut être utilement soulevée devant cette cour, juridiction de niveau supérieur au sens de l'article 102 du nouveau Code de procédure civile.

Pour les mêmes motifs il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de commerce.

La société BCM ne fonde pas ses prétentions sur le contrat du 3 juin 1986, la production de ce contrat n'est donc pas utile au litige, il n'y a pas lieu de l'ordonner.

1° sur la validité du contrat de franchise.

a) sur la portée des dispositions contractuelles

La société Franjean en ce qui la concerne est signataire et se trouve tenue par les termes du contrat du 2 Janvier 1990 dans lequel est inséré une clause d'exclusivité au profit de la société BCM.

La société BCM revendique le bénéfice de cette clause, et admet ce faisant que la clause lui est opposable.

Par voie de conséquence, le défaut de signature de la société BCM sur le contrat avec clause d'exclusivité ne saurait avoir aucune incidence sur la portée de l'engagement souscrit par la société Franjean.

b) sur la validité de la clause d'exclusivité au regard de l'article 85 du traité de Rome.

La Société Franjean expressément invitée par la Cour à prendre des conclusions récapitulatives, n'a pas repris le moyen relatif à l'infraction aux dispositions de l'article 85 du traité de Rome de sorte que ce moyen doit être regardé comme abandonné.

En tout état de cause, il convient d'observer que la clause d'approvisionnement souscrite par la société Franjean est tempérée puisque le franchisé pourra se libérer de cet approvisionnement en apportant la preuve d'une possibilité d'approvisionnement à un meilleur rapport coût qualité, de sorte que la société BCM ne dispose pas d'une exclusivité absolue mais d'une préférence et que le droit pour le franchisé de se fournir chez un concurrent à moindre coût reste dans son principe préservé.

Il n'est ni prétendu ni à fortiori démontré que cette clause édicte des critères d'application ou d'interprétation arbitraire, ou qu'elle ait un caractère potestatif au bénéfice de la société ITM, de nature à la priver d'effet.

Il s'ensuit que la clause litigieuse ne présente pas de caractère d'exclusivité susceptible de contrevenir aux dispositions de l'article 85 du traité de Rome.

En tout état de cause il est constant que la société Franjean s'est approvisionnée auprès de la société BCM, et ne saurait éluder son obligation au paiement des prestations qu'elle a reçues.

Enfin le processus de fixation des prix a déjà été jugé licite par le précédent arrêt de cette cour du 22 janvier 1996, si bien que la prétention de la société BCM à obtenir paiement de ses prestations doit être accueillie.

3° sur le quantum des demandes en paiement.

La société BCM réclame le paiement de la somme de 381.521,82 F correspondant à la facturation suivante :

- Facture de marchandises du 12 au 16 mars 1990 :

TTC 47.966,93 F

- Facture de marchandises du 19 au 23 mars 1990 :

TTC 66.645,79 F

- Facture de marchandises du 7 septembre 1990 : 19.015,14 F

- Facture de marchandises du 11 janvier 1991 : 1.193,12 F

- Facture de marchandises du 18 janvier 1991 : 71.032,91 F

- Facture de marchandises du 15 février 1991 : 133.941,86 F

- Facture de marchandises du 1er mars 1991 : 51.475,31 F

- Facture de marchandises du 1er au 4 décembre 1992 : 1.220,33 F

A déduire avoir du 20 au 26 juin 1992 (avoir sur marchandises) : 10.969,57 F

En ce qui concerne les factures 1 et 2 la société BCM fournit le bordereau de livraison, valant réception; la contestation de la société Franjean qui soutient que les livraisons ne correspondent pas aux commandes et qui ne constituent que de simples affirmations de sa part est donc sans portée.

La société Franjean au surplus ne justifie pas que les paiements dont elle fait état aient été affectés au règlement de ces factures.

Il convient d'admettre la demande de la société BCM pour les sommes de 47.966,93 F et 66.645,79 F soit sous déduction de l'acompte de 10.969,57 F, un total de : 103.643,15 F.

En ce qui concerne les autres factures la société BCM admet ne pas disposer de bons de livraisons, et ne propose aucun autre élément de preuve, ses demandes à ce titre seront rejetées.

- la créance de la société Stime.

Il s'agit de prestations en matière informatique.

Il n'est pas discuté que la société Franjean à adressé le 13 aout 1992 une lettre de résiliation à la société Stime lui enjoignant de reprendre son matériel.

Le contrat souscrit entre les parties prévoyait une possibilité annuelle de résiliation avec préavis de deux mois, de sorte que la société Dervaux était en droit de mettre fin au contrat en respectant le préavis.

La Société Stime ne donne aucune explication de fait ou de droit pour justifier qu'elle n'ait pas tenu compte de la volonté de son cocontractant de résilier le contrat. Faute de fondement contractuel il n'y a donc pas lieu d'admettre sa prétention pour la période postérieure à la résiliation.

Il sera donc alloué à la société Stime les échéances réclamées pour 1991 et 1992 soit 11.148,40 F et 13.273,71 F. (total 24.422,11).

- la créance de la société ITM d'un montant de 212.518,93 F. Il s'agit d'une cotisation mensuelle hors taxe égale à 1,25 % du chiffre d'affaires TTC réalisé par le franchisé pendant le mois précédent.

Le contrat de franchise n'ayant pas été annulé, le principe de la dette de la société Franjean est acquis, l'application d'un taux d'intérêts est prévu par l'article 9 du contrat de franchise il n'est pas démontré que le montant appliqué de 14% soit abusif, la contestation de la société Franjean sera rejetée.

- la créance de la société STM (29.232,74 F). La facture n'est confortée, ni par des bons de commandes ni par des bons de livraisons, ni par aucun autre élément de preuve, cette demande sera rejetée.

- la créance de la société Fordis d'un montant de 2.134,80 F. Il s'agit de prestations en matière de formation. Il n'est produit que des documents unilatéralement élaborés par la société Fordis et formellement contestés par la société Franjean, cette demande sera rejetée.

3° la demande de résiliation du contrat de franchise.

En cours d'instance d'appel, la société ITM a fait constater par procès-verbal du 6 juin 1996 que la Société Franjean n'exploitait plus sous l'enseigne Brico Marché, la société Franjean a notifié par lettre du 9 mai 1996 son intention de résilier le contrat de franchise.

Le litige concernant le caractère éventuellement abusif de cette rupture et l'indemnisation susceptible de revenir à ce titre à la société ITM n'était ni présent ni en germe dans l'action dont était saisie la cour portant sur l'appréciation de la validité du contrat, et diverses demandes en paiement.

La demande en indemnisation de la résiliation abusive du contrat de franchise ne dérive donc pas d'une évolution du litige, mais caractérise un litige nouveau, qui doit par voie de conséquence être soumis au double degré de juridiction.

Cette demande sera donc déclarée irrecevable.

Chacune des parties succombant dans une part de ses prétentions, les dépens de l'instance d'appel seront partagés par moitié.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Rejette la demande de nullité, Condamne la Société Franjean à payer: à la société BCM la somme de 103.643,15 F (cent trois mille six cent quarante trois F quinze centimes), à la société STME 24.422,11 (vingt quatre mille quatre cent vingt deux F onze centimes), à la société ITM 212.518,93 (deux cent douze mille cinq cent dix huit F quatre vingt treize centimes), Déclare irrecevable la demande en résiliation du contrat de franchise et en indemnisation, Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties avec application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au bénéfice des Avoués de la cause.