CA Paris, 5e ch. A, 30 novembre 1994, n° 21914-93
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Jore
Défendeur :
Aspac (SA), Desmottes (ès qual.), Le Dosseur (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vigneron
Conseillers :
Mme Jaubert, M. Potocki
Avoués :
SCP Teytaud, SCP Bernabe Ricard
Avocats :
Mes Gervy, Auperin Moreau
Par déclaration remise au secrétariat greffe le 30 avril 1992, Patrick Jore a interjeté appel du jugement du 7 janvier 1992 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a constaté, à ses torts, la résiliation du contrat de franchise conclu avec la SA Aspac et l'a condamnée à payer à cette société la somme de 200 000F à titre de dommages et intérêts et celle de 15 000F sur le fondement de l'article 700 du NCPC enfin a débouté les parties de leurs autres prétentions.
Patrick Jore persiste à soutenir que les demandes de la société Aspac qui sont fondées sur le contrat de franchise, sont irrecevables compte tenu que ce contrat a été transféré à la société Jore Services avec l'accord de la société Aspac.
A titre subsidiaire, Patrick Jore soutient que le contrat de franchise est nul pour défaut de transfert de savoir-faire.
Enfin il nie s'être rendu coupable d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Aspac.
En conséquence, Patrick Jore conclut au rejet des prétentions adverses et sollicite la condamnation de la société Aspac à lui payer la somme de 50 000F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
La société Aspac réplique que le contrat de franchise a été conclu avec Patrick Jore à titre personnel ; qu'il s'agit d'un accord " intuitu personnae " et que Patrick Jore avait seulement la faculté de confier l'exploitation de la franchise à une personne morale dont il devait contrôler majoritairement le capital.
La société Aspac conclut à la validité du contrat de franchise au motif que son savoir-faire est constitué par la mise à disposition du franchisé d'une expérience communiquée par les stages de formation pratique, la communication de documents tels que " La Bible " ainsi qu'une assistance quotidienne à la demande du franchisé.
La société Aspac reproche à Patrick Jore d'avoir cessé d'acquitter ses redevances à compter de l'année 1989 et de s'être livré à des pratiques de concurrence déloyale en participant avant la résiliation du contrat de franchise, à la création et à la gestion d'un réseau concurrent de centre d'affaires auquel il a transféré le savoir-faire secret de la société Aspac.
En conséquence, la société Aspac relève appel incident pour faire condamner Patrick Jore à lui régler la somme de 6 000 000F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la concurrence déloyale.
Elle sollicite également le paiement de la somme de 20 000F au titre de ses frais non répétibles exposés en première instance et en appel.
Maître Desmottes et Maître Le Dosseur agissant respectivement en qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société Aspac et de représentant des créanciers interviennent volontairement à l'instance pour reprendre les conclusions de leur administré.
Sur le fond du litige :
Considérant que par acte sous seing privé daté du 26 juin 1986 modifié par deux avenants du 26 juin 1986 et du 12 février 1987, la société Aspac a concédé à Patrick Jore une franchise exclusive de services pour la création et le fonctionnement d'entreprises dans deux secteurs déterminés du département du Val de Marne pendant une durée de 5 ans moyennant le paiement d'un droit d'entrée et d'une redevance mensuelle proportionnelle au chiffre d'affaires ;
Qu'il est stipulé que la société Aspac accorde aux franchisés le droit d'usage de l'enseigne et de la marque " Aspac " et promet de leur assurer la formation et l'assistance permanente pour la création et le fonctionnement de leur entreprise, notamment en leur transmettant son savoir-faire par un stage initial de deux jours, la remise d'un manuel opérationnel constamment mis à jour et des réunions de franchisés à intervalles réguliers ; qu'enfin le franchiseur doit promouvoir la marque " Aspac " par une publicité nationale ;
Considérant que quelques mois après la conclusion du contrat de franchise, la SARL Jore Services a été créée pour exploiter la franchise " Aspac " ;
Considérant que par lettre du 24 janvier 1991, la société Aspac indiquait à Patrick Jore qu'elle résiliait immédiatement le contrat de franchise au motif qu'il exerçait une activité concurrente dans le cadre du Groupe Auguste Thouard.
Considérant que si la société Aspac savait que la société Jore Services exploitait sa marque, ce simple fait est en lui-même insuffisant pour établir qu'elle avait accepté que les droits et les obligations de Patrick Jore soient transférés à cette société ;
Que la demande de la société Aspac qui est actuellement reprise par ses mandataires de justice, est donc recevable ;
Considérant que la transmission d'un savoir-faire original et substantiel par le franchiseur au franchisé est de l'essence même du contrat de franchise ;
Considérant que la société Aspac ne produit aucun élément pour établir la transmission de ce savoir-faire dénié par Patrick Jore.
Qu'en conséquence, il y a lieu de constater la nullité du contrat de franchise pour inexistence d'un objet essentiel ;
Considérant que par voie de conséquence la société Aspac doit être déboutée de ses prétentions fondées sur ce contrat ;
Considérant que par le biais d'une société Europ Office, Patrick Jore a exercé une activité d'acquisition de location et de gestion de bureaux équipés ainsi que de prestations de services destinées aux entreprises ; qu'il s'agit d'une activité identique à celle de la société Aspac ;
Mais considérant que cette société qui invoque des actes de concurrence déloyale, ne les établit pas faute de prouver que Patrick Jore a développé cette activité concurrente en utilisant les informations secrètes qu'elle lui auraient transmises dans le cadre du contrat de franchise ;
Que c'est donc à bon droit que le tribunal a débouté la société Aspac de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;
Considérant qu'eu égard aux circonstances de la cause, il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais non répétibles ;
Par ces motifs, LA COUR, Infirmant partiellement le jugement déféré ; Déboute Me Desmottes et Me Le Dosseur ès qualités de leurs prétentions ; Déboute Patrick Jore de sa demande en paiement de ses frais non répétibles ; Condamne Me Desmottes et Me Le Dosseur aux dépens ; Et pour ceux d'appel, accorde un droit de recouvrement direct au profit de la SCP Teytaud avoués.