CA Besançon, 2e ch. com., 27 novembre 2001, n° 010798
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Fédération française distribution parfumerie, Chambre Syndicale Parfumeurs Détaillants
Défendeur :
Lagrange, Tiger, Parfumerie Lecourbe, La Parfumerie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Rastegar
Conseillers :
M. Polanchet, Mme Vignes
Avoués :
Me Graciano, SCP Leroux, SCP Dumont-Pauthier
Avocats :
Mes Verniau, Converset, Bellard.
Faits et prétentions des parties
Invoquant une concurrence déloyale en raison de la violation des règles de la distribution sélective, la Fédération Française de la Distribution en Parfumerie (FFDP), la Chambre Syndicale des Parfumeurs Détaillants de Rhône Alpes et la SARL La Parfumerie ont saisi le Tribunal de commerce de Lons-le-Saunier d'une demande tendant à constater la concurrence déloyale de Mme Lagrange exploitant sous l'enseigne Beauté Passion et de M. Tiger, exploitant sous l'enseigne Parfumerie Lecourbe, à l'octroi d'une provision de 25 000 F à chacune d'entre elles et à la désignation d'expert.
Elles ont été autorisées à assigner à jour fixe par ordonnance du 4 février 1997. Les défendeurs ont formé une demande reconventionnelle en dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 5 septembre 1997, le tribunal a débouté les parties de leurs demandes et a condamné les demandeurs in solidum au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La Fédération Française de la Distribution en Parfumerie et la Chambre Syndicale des Parfumeurs Détaillants Rhone Alpes ont interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour le 4 novembre 1997.
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 28/12/1998,
Vu les conclusions de la Fédération Française de la Distribution en Parfumerie et de la Chambre Syndicale des Parfumeurs Détaillants Rhône Alpes, appelantes, en date du 20 novembre 2000,
Vu les conclusions de Mme Lagrange, intimée et appelante incidente, en date du 21 septembre 2000,
Vu les conclusions de la SARL La Parfumerie, faisant l'objet d'un appel provoqué de Mme Lagrange, en date du 19 avril 2001,
M. Tiger a été régulièrement assigné par exploit d'huissier délivré le 21 mars 1998 à sa personne.
Il n'a pas constitué avoué, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
Vu les pièces régulièrement versées aux débats et la procédure,
La recevabilité des appels et de l'appel provoqué n'est pas contestée en la forme.
Au fond
Il est reproché à Mme Lagrange et à M. Tiger, exploitant chacun une parfumerie, la première à Saint-Claude et le deuxième à Lons-le-Saunier d'avoir distribué hors de leur magasin des catalogues de produits de parfumerie, d'avoir reçu et livré des commandes par correspondance et d'avoir proposé des remises aux comités d'entreprise en violation des contrats de distribution sélective et d'avoir commis une concurrence déloyale.
Mme Lagrange estime que n'étant liée par aucun contrat de distribution sélective, les appelants ne peuvent invoquer une violation de ceux-ci. Cependant, si le procès-verbal de constat dressé les 14 et 18 novembre 1996 par Me Isman, Huissier de justice à Saint-Claude, établit que Mme Lagrange ne commercialise pas les marques Dior, Chanel, Yves Saint Laurent, elle ne saurait contester que les produits de ces marques étaient proposés aux membres des comités d'entreprise en association avec M. Tiger dont il n'est nullement démontré qu'il n'était signataire d'aucun contrat.
Au surplus, si en vertu de l'article 1165 du Code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, il peut être reproché à un tiers une immixtion illicite dans le système de distribution sélective et celui-ci engage sa responsabilité délictuelle, ce qui suppose établie sa mauvaise foi.
Les appelantes défendant les intérêts des détaillants liés par des contrats de distribution sélective contraignants, peuvent agir pour faire respecter les droits de leurs adhérents.
La distribution de produits de parfumerie est organisée en réseaux de distribution sélective qui ont été jugés licites par la commission européenne.
Si les deux décisions d'exemption ne concernaient que les marques Yves Saint Laurent et Givenchy, les principes retenus : maintien d'une image de marque, de prestige nécessitant un effort de commercialisation peuvent être étendus aux autres fournisseurs de parfums de luxe.
Par arrêts du 12 décembre 1996, le Tribunal de première instance de Luxembourg a entériné ces décisions tout en réservant aux autorités nationales le soin de veiller à ce que le critère lié à l'environnement de la vente ne soit pas appliqué d'une façon discriminatoire ou disproportionnée.
Le règlement du 31 décembre 1999 sur l'application de l'article 81 § 3 du Traité des Communautés européennes à certaines catégories d'accords verticaux ne saurait être appliqué en l'espèce, étant très postérieur aux faits reprochés aux intimés.
Il n'est nullement soutenu que l'agencement des magasins ou la compétence du personnel de vente des intimés ne répondent pas aux critères imposés par les contrats de distribution sélective, seul le système de vente aux comités d'entreprises est jugé illicite par les appelantes.
Or, s'il est vrai que Mme Lagrange et M. Tiger ont édite un catalogue pour proposer des produits de parfumerie aux comités d'entreprise, ce système ne saurait être qualifié de vente par correspondance ou par catalogue.
Si par souci de facilité, les salariés des différentes entreprises ont groupé leurs commandes remises à un responsable qui s'est chargé de la remettre aux Parfumeries Beauté Passion et Parfumerie Lecourbe puis de retirer les produits, rien ne leur interdisait de se rendre individuellement dans les parfumeries concernées pour acquérir le produit à un prix préférentiel, ce qui n'est pas interdit.
Il convient au surplus de relever que les chèques étaient libellés au nom du détaillant et non à celui du comité d'entreprise.
Dès lors que les catalogues remis aux différents comités d'entreprise ne constituent en réalité que la liste des produits faisant l'objet d'un prix préférentiel, que les produits n'étaient pas exposés par ces comités d'entreprise mais exclusivement disponibles dans les parfumeries, que le consommateur final avait la possibilité de se rendre dans ces points de vente pour effectuer ses achats et bénéficier d'un environnement et de conseils, étant précisé que les entreprises concernées sont situées à Saint-Claude ou dans ses environs et que les ventes ont été réalisées dans un temps limité (fêtes des Mères et Noël) et non de façon continuelle, les intimés n'ont pas commis de ventes illicites et par conséquent pas de concurrence déloyale qui ne saurait résulter de remises jugées licites tant par les fournisseurs que par les appelantes.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé.
Sur l'appel de Mme Lagrange
Le tribunal a par des motifs que la cour adopte, débouté Mme Lagrange de sa demande.
Elle ne fait valoir en appel aucun moyen pour les infirmer. Au surplus, les attestations de témoins produites sont tellement confuses qu'elles ne peuvent emporter la conviction de la cour et qu'aucun élément ne permet d'établir de vente par correspondance.
En conséquence, le jugement entrepris sera entièrement confirmé.
Succombant, la Fédération Française de la Distribution en Parfumerie et la Chambre Syndicale des Parfumeurs Détaillants Rhône Alpes seront condamnées aux dépens d'appel excepté ceux résultant de l'appel provoqué de la SARL La Parfumerie qui resteront à la charge de Mme Lagrange.
Le caractère abusif de celui-ci n'étant pas démontré et ne pouvant résulter du seul fait qu'il est mal fondé, la demande de dommages et intérêts de la SARL La Parfumerie sera rejetée.
Il est équitable d'allouer à Mme Lagrange la somme de 10.000 francs au titre de ses frais irrépétibles d'appel et à la SARL La Parfumerie la somme de 6.500 francs à ce titre.
Par ces motifs, LA COUR : - statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré, Déclare les appels et l'appel provoqué recevables en la forme ; Au fond : Les déclare mal fondés et les rejette; Confirme le jugement entrepris; Condamne in solidum la Fédération Française de la Distribution en Parfumerie et la Chambre Syndicale des Parfumeurs Détaillants aux dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Leroux ; avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Les condamne in solidum à payer à Mme Lagrange la somme de mille cinq cent vingt quatre euros quarante neuf (1 524,49 euros) soit dix mille francs (10 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Mme Lagrange aux dépens de l'appel provoqué avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Dumont-Pauthier, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, La condamne à payer à la SARL La Parfumerie la somme de neuf cent quatre vingt dix euros et quatre vingt douze (990,92 euros) soit six mille cinq cents francs (6 500 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile (après rectification d'une erreur matérielle : CA Besançon, n° 798-01, 11 décembre 2001).