CA Paris, 5e ch. A, 8 novembre 2000, n° 1998-12977
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ambiance Tiffany (SARL)
Défendeur :
Atelier 96 (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard-Payen
Conseillers :
Mme Jaubert, Mme Percheron
Avoués :
SCP Fanet, SCP Roblin-Chaix de Lavarene
Avocats :
Mes Bernard, Tiquant.
LA COUR est saisie de l'appel interjeté par la société Ambiance Tiffany à l'encontre du jugement rendu le 7 mai 1998 par le tribunal de commerce d'Evry qui a :
- dit que la zone de la ville de Chelles est dans la concession de la société Atelier 96,
- prononcé la résiliation du contrat de licence de marque exclusive signé le 5 juillet 1994 aux torts exclusifs de la société Ambiance Tiffany,
- fixé globalement le préjudice de la société Atelier 96 pour la période allant jusqu'au 1er septembre 1999 à la somme de 400.000 francs et condamné la société Ambiance Tiffany à lui payer cette somme,
- débouté la société Ambiance Tiffany de sa demande reconventionnelle,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Ambiance Tiffany au paiement de la somme de 40.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens.
Sur ce,
Vu les écritures de la société Ambiance Tiffany tendant à voir débouter la société Atelier 96 de l'ensemble de ses prétentions, à la voir déclarée bien fondée en sa demande reconventionnelle, à voir condamner la société Atelier 96 à lui payer la somme de 300.000 francs à titre de dommages et intérêts en vertu des dispositions des articles 1144 et suivants du Code civil ainsi que celle de 30.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les écritures de la société Atelier 96 tendant au rejet de l'ensemble des prétentions de la société Ambiance Tiffany, à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 400.000 francs et à la condamnation de la société Ambiance Tiffany à lui payer la somme de 4.500.000 francs assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation avec capitalisation outre celles de 55.000 francs en application des engagements contractuels de licence de marque et de 40.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
LA COUR,
Considérant qu'il convient de rappeler que les sociétés Ambiance Tiffany et Atelier 96 précédemment liées par un contrat de concession de licence de marque auquel il avait été mis fin, à la suite de leurs différends, par un protocole d'accord en date du 5 juillet 1994, ont signé ce même jour un nouveau contrat de concession de licence de marque par lequel la société Ambiance Tiffany a concédé à compter du 1er septembre 1994 pour une durée de cinq ans à la société Atelier 96 le bénéfice de l'exclusivité de sa marque dans le secteur défini au plan annexé au contrat ;
Que la société Atelier 96 qui avait constaté au cours du premier trimestre 1996, que plusieurs communes situées dans sa zone d'exclusivité avaient fait l'objet de distribution de prospectus "Ambiance Tiffany" distribués par le magasin de Coulommiers de cette marque situé hors de sa zone et que le concédant avait concédé sa marque à un nouveau magasin situé à Chelles dans sa zone d'exclusivité, a fait assigner la société Ambiance Tiffany devant le tribunal de commerce d'Evry pour voir prononcer à ses torts la résiliation du contrat et se voir indemnisée de son préjudice, que la société Ambiance Tiffany s'est opposée à cette action et a sollicité à titre reconventionnel l'allocation de dommages et intérêts en reprochant à son franchisé un certain nombre de manquements à ses obligations contractuelles ; que c'est dans ces conditions qu'a été prononcé le jugement déféré à la Cour ;
Considérant qu'au soutien de son appel, la société Ambiance Tiffany prétend qu'elle n'a pas violé l'exclusivité consentie à l'intimée en concédant aux époux Sibani le magasin Ambiance Tiffany, certes situé 21 avenue du maréchal Foch à Chelles, dans la zone de l'Atelier 96, mais dépendant géographiquement de la zone N rétrocédée par celle-ci en 1992 puisque cette adresse est située hors agglomération à proximité de Neuilly sur Marne dans la zone rétrocédée ;
Mais considérant que la société Ambiance Tiffany, bien qu'admettant en appel que la ville de Chelles faisait partie de la zone d'exclusivité de son franchisé, ne peut modifier le découpage administratif des communes pour disposer ainsi à son gré des zones d'exclusivité qu'elle avait concédées à ses cocontractants en soutenant que l'avenue du maréchal Foch, qui est située dans l'agglomération de la ville de Chelles, dépendrait en fait de la zone N précédemment rétrocédé par l'Atelier 96 ;
Qu'il s'ensuit que le magasin implanté dans la ville de Chelles qu'elle a concédé aux époux Sibani faisait partie intégrante de la zone d'exclusivité concédée à la société Atelier 96 et qu'elle a en conséquence violé l'exclusivité consentie à celle-ci aux termes du contrat du 5 juillet 1994, que le jugement doit dès lors être confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat à ses torts exclusifs ;
Considérant que l'appelante conteste que l'Atelier 96 ait pu subir un quelconque préjudice du fait de l'implantation d'un concurrent dans sa zone d'exclusivité alors que son activité était en baisse depuis plusieurs années ;
Considérant, cependant, que la société Ambiance Tiffany n'est pas tenue d'indemniser seulement le préjudice causé à sa cocontractante par l'implantation d'un concurrent dans sa zone d'exclusivité, mais aussi celui résultant pour elle de la rupture anticipée du contrat avant son terme prévu au 1er septembre 1999 par sa faute ;
Considérant qu'en appel les bilans de la société Atelier 96 ont été produits par les parties, qu'il est constant à l'examen de ceux-ci que les chiffres d'affaires de l'intimée sont en baisse depuis l'exercice 1994, partiellement concerné par la résiliation du contrat signé le 5 juillet 1994 avec effet au 1er septembre 1994, à savoir ;
- exercice 1994 : 3.910.456 francs pour un résultat positif de 962 francs
- exercice 1995 : 3.067.671 francs pour un résultat négatif de 22.697 francs,
- exercice 1996 : 1.025.141 francs pour un résultat négatif de 467.090 francs ;
Qu'il est établi que la société Atelier 96 qui cherchait depuis le mois d'avril 1995, comme en attestent les publicités parues dans la presse versées aux débats par l'appelante, un repreneur, a cessé toute activité et a cédé, le 3 juillet 1998, son droit au bail à la société Roche et Bobois ;
Que dans ces conditions, le préjudice subi par la société Atelier 96 consécutif à la résiliation du contrat imputable à sa cocontractante a justement été évalué par la juridiction consulaire à la somme de 400.000 francs en prenant en compte la perte de sa marge brute sur les produits référencés par le franchiseur en 1996 par rapport à 1995 ;
Considérant qu'aux termes du protocole d'accord intervenu entre les parties le 5 juillet 1994, il était prévu l'établissement d'un nouveau contrat de concession et une aide de 55.000 francs accordée sur une période de deux ans par Ambiance Tiffany à sa cocontractante, qu'il a été exécuté par l'appelante en ce qui concerne la signature d'un nouveau contrat, mais la société Atelier 96 prétend, sans être contredite sur ce point par l'appelante, que l'aide prévue ne lui a jamais été réglée ; que par suite, conformément à leurs accords, le franchiseur doit être condamné à payer cette somme à l'intimée ;
Considérant, concernant la demande reconventionnelle de la société Ambiance Tiffany, que celle-ci prétend qu'elle a toujours rencontré des difficultés avec la société Atelier 96 et développe à ce titre un certain nombre de reproches à l'encontre de son ancien franchisé ;
Mais considérant que, comme ci-dessus précisé, les parties qui étaient en relations d'affaires depuis l'année 1991, ont rencontré un certain nombre de difficultés qu'il n'appartient pas à la Cour d'apprécier puisqu'elles y ont mis fin par la conclusion du protocole d'accord susvisé partiellement exécuté par l'appelante ;
Qu'en ce qui concerne les griefs invoqués depuis la signature du nouveau contrat, les diverses attestations produites par la société Ambiance Tiffany qui émanent de franchisés de son réseau, selon lesquels les dirigeants de la société Atelier 96 auraient essentiellement consacré leur activité à la participation à diverse foires plutôt qu'à leur commerce, sont insuffisantes à établir les divers manquements contractuels invoqués contre la société Atelier 96 par le franchiseur ;
Considérant que le jugement sera donc confirmé et la société Ambiance Tiffany déboutée de l'ensemble de ses prétentions ;
Considérant que la demande de capitalisation étant formulée par l'intimée dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, il y sera fait droit à compter de ses écritures du 23 mars 1999 ;
Considérant que le tribunal l'ayant suffisamment indemnisée au titre de ses frais irrépétibles, il n'y a pas lieu à indemnisation complémentaire à ce titre en appel ;
Par ces motifs : Confirme le jugement déféré et y ajoutant, Condamne la société Ambiance Tiffany à payer à la société Atelier 96 la somme de 55.000 francs avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ; Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 23 mars 1999 ; Dit n'y avoir à indemnisation complémentaire de la société Atelier 96 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Ambiance Tiffany aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;