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Décisions

CA Paris, 1re ch. G, 2 février 2000, n° 1998-14924

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société Française de Factoring (SA)

Défendeur :

Husson Développement (SA), BNP (SA), Crédit Lyonnais (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chagny

Conseillers :

Mme Giroud, MM. Le Fevre, Garban, Le Dauphin

Avoués :

SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet, SCP Bommart-Forster, SCP D Auriac-Guizard, Me Hardouin-Herscovici

Avocats :

Mes Ankri, Duteil, Saint Germain, Vogel.

T. com. Pont Audemer, du 8 oct. 1993

8 octobre 1993

Les sociétés Scareder et Guille étaient des fournisseurs de produits de la société Husson Distribution, devenue Husson Développement, elle-même adhérente de la société Codec et ayant signé avec elle un accord dit de circuit direct définissant les rapports entre les fournisseurs, les adhérents et Codec notamment relatifs aux modalités de paiement des factures des fournisseurs.

Ces deux sociétés ont signé un contrat d'affacturage avec la société française de factoring (SFF).

Codec a, par ailleurs, cédé ses créances sur son adhérent Husson à la BNP et au Crédit Lyonnais.

Les banques ont réclamé à Husson paiement des créances de Codec. La société Husson s'est exécutée. Chaque banque a, par lettre du 22 octobre 1990, pour le Crédit Lyonnais, et du 13 décembre 1990 pour la BNP, pris l'engagement de garantir la société Husson en cas de condamnation au paiement.

La SFF, invoquant sa subrogation dans les droits des sociétés Scareder et Guille, a assigné devant le tribunal de commerce de Pont Audemer la société Husson en paiement de 13 factures d'un montant total de 36.342,68 frs.

La société Husson a appelé en garantie la BNP, pour une facture de 736,13 frs de la société Guille et le Crédit Lyonnais pour les 12 autres factures de la société Scareder.

Par jugement du 8 octobre 1993, cette juridiction a débouté la SFF de ses demandes et l'a condamnée à verser 4.000 frs à la société Husson en remboursement de ses frais de procédure.

Statuant sur l'appel interjeté par la SFF, la Cour d'appel de Rouen a, par arrêt du 7 septembre 1995, confirmé le jugement du tribunal de commerce, estimant que les paiements faits par Husson étaient libératoires et opposables à SFF et a condamné cette dernière à payer à la société Husson une somme complémentaire de 8.000 frs au titre des frais de procédure d'appel.

Sur le pourvoi formé par la société SFF, la Cour de Cassation, par arrêt du 31 mars 1998, a cassé et annulé l'arrêt en toutes ses dspositions et renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Paris en retenant qu'il ne résultait pas de l'arrêt critiqué que les sociétés Scareder et Guille avaient donné mandat de recouvrement à Codec pour recevoir paiement pour leur compte ou avaient par une manifestation non équivoque de volonté renoncé à leur droit de poursuivre directement les clients avec lesquels elles étaient en relation directe.

La SFF a déposé une déclaration de saisine le 7 juillet 1998.

Elle soutient que sa demande est recevable car elle prouve l'applicabilité du contrat d'affacturage aux factures litigieuses, notamment celle concernant la BNP, qui correspondent à des livraisons de marchandises faites à la société Husson. Elle estime que la preuve est rapportée que les fournisseurs n'ont jamais renoncé à leur droit de réclamer paiement à la société Husson, Codec ayant un rôle de centrale de référencement et de garant de la solvabilité de ses adhérents à l'égard des fournisseurs qui restent créanciers du débiteur principal, aucune novation n'étant intervenue. Elle en conclut que les paiements faits aux banques subrogées dans les droits de Codec lui sont inopposables, Codec ayant cédé des créances dont elle n'était pas titulaire. Elle sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de la société Husson à lui payer la somme de 36.292,68 frs avec intérêts légaux à compter du 7 novembre 1990 et 20.000 frs pour frais de procédure

La société Husson s'en remet à justice sur le mérite de la demande de la société SFF "en raison des termes de l'arrêt de la Cour de Cassation" et demande la garantie des banques pour toute condamnation qui serait prononcée à son encontre. Elle sollicite 50.000 frs pour frais de procédure.

Le Crédit Lyonnais précise qu'il entend exécuter l'engagement pris à l'égard de la société Husson et reconnaît que les factures d'un montant total de 36.292,68 frs ont bien été mobilisées par lui. Il estime ne pas avoir à supporter une indemnité de procédure pour avoir dès le début de la procédure accepté d'honorer son engagement.

La BNP soutient que la SFF ne justifie pas de sa qualité pour agir en ne démontrant pas l'existence d'une subrogation conforme à l'article 1250 du code civil. Elle estime que la demande n'est justifiée ni dans son existence ni dans son montant. Elle prétend que les fournisseurs ne pouvaient plus demander paiement directement aux adhérents et, subsidiairement, qu'elle ne peut être tenue au delà de son engagement.

Sur ce LA COUR,

Considérant que la SFF justifie de la régularité de sa subrogation dans les droits des Sociétés Scareder et Guille ; que la mention que le paiement doit lui être directement fait est porté sur les factures en litige ; qu'elle justifie avoir payé les factures aux sociétés Scareder et Guille;

Considérant qu'il résulte des pièces produites aux débats, notamment de la fiche d'accord afférente au circuit direct, que la société Codec acceptait de payer les factures de ses adhérents au "circuit direct" sans s'en reconnaître elle-même débitrice mais comme simple mandataire au paiement, garante de celui-ci; que les rapports directs entre fournisseurs et adhérents n'ont pas été modifiés ; qu'aucune novation n'est intervenue, Codec ne s'étant pas substituée à ses adhérents; que le paiement fait par Husson aux banques qui ont accepté des créances dont Codec n'était pas titulaire est inopposable à SFF;

Considérant que chaque facture dont la SFF réclame paiement est identifiée, notamment celle n° 7261 de 736,13 F établie par la société Guille; qu'il est prouvé et reconnu par la société Husson que cette facture a été cédée à la BNP et payée par Husson dont le compte a été débité; que, selon les termes de l'accord du 13 décembre 1990, la BNP doit garantir la société Husson, condamnée à la payer à SFF ; que les accords signés tant par le Crédit Lyonnais que par la BNP prévoient la garantie du paiement des factures et de toute somme découlant de la condamnation, incluant ainsi les indemnités dues au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la SFF la charge de ses frais irrépétibles; qu'il serait également inéquitable de laisser à la société Husson la charge de ces mêmes frais ; que la BNP qui seule résiste à la demande en garantie sera condamnée à verser 50.000 frs à ce titre à la société Husson;

Par ces motifs : Réforme le jugement déféré; Condamne la société Husson à payer à la société SFF la somme de 36.292,68 frs avec intérêts légaux à compter du 7 novembre 1990 et celle de 20.000 frs; Condamne le Crédit Lyonnais et la BNP à garantir la société Husson de ces condamnations, chacun dans la limite de ses engagements; Condamne la BNP à verser 50.000 frs à la société Husson; Condamne sous la même garantie la société Husson aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront ceux de l'arrêt cassé; Dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.