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Décisions

Cass. 3e civ., 12 juillet 2000, n° 98-21.671

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Comptoirs modernes économiques de Rennes (SAS)

Défendeur :

La Palière distribution (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Peyrat

Avocat général :

M. Weber

Avocats :

Me Blondel, SCP Richard, Mandelkern.

TGI Coutances, du 5 févr. 1998

5 février 1998

LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 8 septembre 1998), que la société La Palière distribution s'est fait consentir le 14 septembre 1992 un contrat de franchise pour exploiter un fonds de commerce d'alimentation générale avec rayon de boucherie par les sociétés Franchise comptoirs modernes et CMER ; que le 16 septembre 1992, elle a acquis de la société Comptoirs modernes économiques de Rennes (CMER) un fonds de commerce et le bail commercial des mêmes locaux avec usage exclusif de l'enseigne Comod, l'acte de cession du fonds précisant que les deux contrats de cession et de franchise constituaient un tout indivisible ; que la société La Palière distribution a résilié le contrat de franchise ; que la société CMER a alors fait délivrer à la société La Palière distribution un commandement visant la clause résolutoire au motif que le preneur ne respectait plus l'article 2 du bail qui précisait qu'il devait tenir "les lieux loués à usage d'habitation et approvisionnement général avec rayon boucherie sous l'enseigne Comod pendant toute la durée du bail" ; que la société La Palière distribution a assigné le bailleur en nullité de cet article et du commandement;

Attendu que la société CMER fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "1°) qu'aucune clause d'un bail commercial ne pouvant faire obstacle à la déspécialisation, qui peut être autorisée par le Tribunal en cas de refus du bailleur d'y consentir, la cour d'appel ne pouvait estimer que la fixation de la destination des lieux, contractuellement limitée à l'exploitation de l'enseigne Comod, ne permettait pas au preneur d'exercer son droit à la déspécialisation sans violer les articles 1134 du Code civil, 34 à 34-7 et 35 du décret du 30 septembre 1953, ensemble méconnaître les pouvoirs que le juge tient desdits textes ; 2°) que, seules les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise sont nulles ; que le droit pour un franchiseur de s'opposer à la cession du contrat de franchise en raison de son caractère personnel, qui lui est inhérent, et donc de porter un contrôle sur la personne du cessionnaire, est licite, quand bien même il en résulterait une restriction à la libre cessibilité du bail commercial, qui n'en serait que la conséquence et non la cause ; qu'en annulant néanmoins l'article 2 du bail litigieux, parce qu'il limitait l'exercice du commerce autorisé à l'exploitation d'un fonds sous l'enseigne Comod, cependant que cette clause de destination, intrinsèquement licite, déterminait seulement les obligations du locataire sans faire obstacle à la poursuite de l'exploitation selon les mêmes conditions par un successeur agréé par le franchiseur, la cour d'appel viole les articles 1134 du Code civil et 35-1 du décret du 30 septembre 1953 ; 3°) que le droit au renouvellement au bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux qu'aucune disposition légale n'interdit de conclure un contrat de franchise pour une durée déterminée dont l'arrivée du terme, en l'absence de renouvellement ou de tacite reconduction, emporte l' extinction du contrat ; qu'ainsi, la clause de destination des lieux ayant pour objet l'exploitation d'une franchise ne fait pas, par elle-même, obstacle au droit au renouvellement, si bien qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole les articles 1134 du Code civil et 4 du décret du 30 septembre 1953";

Mais attendu qu'ayant relevé que les trois contrats signés quasi simultanément formaient un tout et que chacun ne pouvait s'analyser qu'à la lumière des deux autres, la cour d'appel, qui en a justement déduit que l'enseigne étant unique, l'obligation imposée au preneur d'exercer son activité sous telle enseigne précise ne lui permettait pas de faire valoir son droit à déspécialisation partielle, par adjonction d'activités connexes ou complémentaires, a retenu à bon droit la nullité de l'article 2 du bail ;d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Sur le second moyen : - Attendu que la société CMER fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "que la clause de destination des lieux loués participe de la détermination de l'objet du bail, si bien que son illicéité entraîne la nullité totale du bail et qu'il n'appartient pas au juge, sous couvert de nullité partielle, de modifier la destination des lieux loués, si bien qu'en statuant comme elle le fait, en modifiant l'objet du contrat, la cour d'appel commet un excès de pouvoir et viole l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 12 du nouveau Code de procédure civile";

Mais attendu qu'ayant relevé que la clause de destination exclusive du bail ne permettait pas l'application des dispositions d'ordre public du décret du 30 septembre 1953, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'il convenait d'annuler cette seule clause;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.