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Décisions

CA Rennes, 2e ch. com., 12 janvier 2000, n° 98-08832

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Groupe Volkswagen France (SA)

Défendeur :

Finistère Sud Automobile (Sté), Soret (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Poumadère, Patte

Avoués :

SCP d'Aboville, de Moncuit & Le Callonnec, Mes Chaudet & Brebion

Avocats :

SCP Vogel & Vogel, Me Mihailov.

T. com. Quimper, du 4 déc. 1998

4 décembre 1998

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, OBJET DU RECOURS

Par acte du 23 décembre 1998, la société " Group Volkswagen France " (la société Volkswagen), venant aux droits de la société " Seat France ", a formé appel d'un jugement rendu le 4 décembre précédent par le tribunal de commerce de Quimper qui l'a pour l'essentiel condamnée à verser à Paul-Henri Soret, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société " Finistère Sud Automobile " (la société FSA), pour soutien abusif de cette société, une somme égale à " l'écart qui résultera à la clôture des opérations de liquidation de cette société FSA entre le passif et l'actif réalisé dans la limite maximale de 4.500.000 F ".

Dans le dernier état de ses écritures, elle entend en effet obtenir :

- à titre principal, le renvoi de la présente instance devant la cour d'appel de Paris, par application de l'article 79, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

- subsidiairement, le rejet de toutes les prétentions de Paul-Henri Soret (et, sans doute en ce cas, la condamnation de ce mandataire judiciaire à lui verser la somme de 50.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile) ;

- toujours subsidiairement, qu'il soit jugé que le préjudice occasionné " à la société FSA " (ou plus précisément à ses autres créanciers) par son prétendu soutien abusif de cette société ne peut en tout état de cause être égal à ce qui sera l'insuffisance finale d'actif de la même société ;

- et, cette fois-ci "très subsidiairement", de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a admis qu'elle pourrait compenser le montant de la condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre avec la créance résiduelle qu'elle a déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société FSA ;

Toujours dans le dernier état de ses écritures, Paul-Henri Soret, qui conclut au contraire à la confirmation de la décision déférée (sauf de ce dernier chef), réclame en outre lui aussi, à la société Volkswagen la même somme en application du même texte.

MOYENS PROPOSÉS PAR LES PARTIES

Considérant qu'après avoir rappelé qu'elle est l'importateur en France des véhicules de la marque Seat depuis qu'elle a absorbé, en 1995, la société Seat France, puis que la société FSA était elle-même, avant d'être soumise à une procédure collective, le concessionnaire exclusif de cette marque pour la région de Quimper, la société Volkswagen fait tout d'abord valoir à l'appui de son recours, comme il l'a déjà été précisé, que c'est à tort que le tribunal de commerce de Quimper s'est déclaré compétent pour connaître de l'action ainsi engagée par Paul-Henri Soret, dès lors qu'avait été notamment incluse dans le contrat de concession conclu le 7 décembre 1993 entre la société Seat France et la société FSA une clause attributive de compétence au tribunal de grande instance de Paris, clause dont la validité ne peut âtre remise en cause en l'espèce ;

Qu'elle fait à cet égard grief aux premiers juges d'avoir écarté cette clause, pour des motifs dont elle conteste la pertinence, sur le fondement de l'article 174 décret du 27 décembre 1985, ajoute, au fond, non seulement que, contrairement à ce qu'ont pu estimer les mêmes magistrats, elle démontre avoir satisfait à l'obligation d'information précontractuelle mise à sa charge par la loi du 31 décembre 1989, mais encore que le compte d'exploitation prévisionnel que la société Seat France avait à l'époque fourni (ce qu'elle n'était nullement obligée de faire) à une société d'ailleurs dirigée par un professionnel de l'automobile et assistée d'un cabinet d'expertise comptable n'avait rien de " très optimiste ", comme l'ont prouvé les résultats commerciaux réalisés postérieurement par la seconde de ces sociétés, estime que ce sont en réalité les charges excessives (et, pour certaines, non prévues) de la société FSA (et, de manière générale, sa mauvaise gestion) qui sont à l'origine de sa défaillance finale, conteste par ailleurs, pour divers motifs exposés dans ses écritures d'appel, avoir soutenu abusivement cette société FSA, rappelle subsidiairement qu'à supposer même que la réalité de ce soutien abusif soit établie, il appartiendrait encore à Paul-Henri Soret d'apporter la preuve, non seulement de la date à partir de laquelle elle ou la société Seat France auraient ainsi abusivement soutenu la même société FSA mais encore d'un lien de causalité entre ce prétendu soutien abusif et l'insuffisance finale d'actif de la seconde de ces sociétés et approuve enfin, toujours subsidiairement, les premiers juges d'avoir estimé qu'elle était fondée à solliciter une compensation entre la somme qu'elle pourrait être condamnée à verser à ce mandataire judiciaire et le montant de sa créance résiduelle incontestée déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société FSA ;

Considérant que Paul-Henri Soret, qui adopte au contraire pour l'essentiel les motifs de la décision déférée en soutenant en particulier démontrer que la société Volkswagen (ou la société Seat France) sont bien responsables de la totalité de l'insuffisance finale d'actif de la société FSA, estime par contre que c'est à tort, et pour les motifs exposés là encore dans les ses écritures d'appel, que les premiers juges ont autorisé la première de ces sociétés à compenser sa créance résiduelle sur la seconde avec le montant de la condamnation prononcée à son encontre ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

I. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PIÈCE COMMUNIQUÉE POUR LE COMPTE DE PAUL-HENRI SORET LE 24 NOVEMBRE 1999

Considérant qu'il résulte de l'article 783 de Nouveau Code de Procédure Civile qu'après l'ordonnance de clôture, aucune pièce ne peut être produite aux débats, àpeine d'irrecevabilité prononcée d'office ;

Qu'aux termes de l'article 784 du même code, une telle ordonnance ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ;

Qu'un professionnel des procédures collectives qui connaît par ailleurs parfaitement la jurisprudence de la cour (et les exigences du magistrat de la mise en état) en la matière ne pouvant être admis à pallier, en cours de délibéré, sa carence dans l'administration des faits de nature à fonder ses prétentions (par justification, au moins en principe, de l'insuffisance finale d'actif de la société FSA), il convient et conséquence de rejeter cette pièce des débats ;

II. AU FOND

Considérant que si la validité de la clause d'attribution de compétence incluse dans le contrat de concession litigieux n'est pas en elle-même contestable, il n'en reste pas moins qu'aux termes de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985, texte d'ordre public, le tribunal saisi d'une procédure de redressement (ou de liquidation) judiciaire connaît de tout ce qui concerne cette procédure collective, à l'exception des actions visées par ce texte;

Or, considérant que s'il est vrai que l'action en responsabilité engagée par Paul-Henri Soret à l'encontre de la société Volkswagen implique nécessairement l'examen de faits (exclusivement) antérieurs à l'ouverture de la procédure collective de la société FSA, il n'en reste pas moins que le succès de cette action suppose que soit établie la réalité du soutien abusif apporté par la première de ces sociétés à la seconde, et donc met en jeu la notion d'état de cessation des paiements (et/ou de situation financière irrémédiablement compromise), notions qui, en raison de leur spécificité, ressortent à la compétence de la juridiction saisie de cette procédure collective;

Que c'est donc à juste titre que, compte tenu de l'influence juridique exercée par la même procédure sur le litige opposant actuellement Paul-Henri Soret, ès qualité, à la société Volkswagen, les premiers juges se sont déclarés compétents pour connaître de l'action engagée par ce mandataire judiciaire;

Considérant, cela étant, que la loi 89-1008 du 31 décembre 1989, qui impose certes à toute personne qui met une marque à la disposition d'une autre en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité de fournir à son cocontractant potentiel, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, un document, dont le contenu a été fixé par le décret 91-337 du 4 avril 1991, permettant à ce dernier de s'engager en toute connaissance de cause, n'impose par contre à aucun moment la forme selon laquelle la preuve de la remise d'un tel document (et de ses annexes) doit être apportée par la personne ainsi tenue de le remettre;

Or, considérant qu'il est constant en l'espèce que, le 28 octobre 1993, soit plus de cinq semaines avant la signature du contrat de concession litigieux, Francis Poupeau, futur président-directeur général de la société FSA, avait " certifié avoir reçu, (à la première de ces dates), de la société Seat France SA, les documents relatifs aux informations précontractuelles, ceci dans l'optique de la signature d'un contrat de concessionnaire Seat pour la ville de Quimper ", puis reconnu " avoir été également informé par les représentants de Seat France SA que la signature du contrat de concessionnaire ne pourrait, en aucun cas, intervenir dans un délai inférieur à vingt jours à partir de la réception de ces documents " avant d'apposer la mention " lu et approuvé certifié exact ", puis sa signature, au bas de ce " reçu " ;

Que dès lors, de deux choses l'une:

- ou les mots ont un sens, surtout pour un professionnel du commerce des automobiles, et l'on doit admettre cette fois-ci que la société Volkswagen apporte bien la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle a satisfait à ses obligations de concédant ;

- ou bien ils n'en ont pas, et il appartient cette fois-ci à Paul-Henri Soret, d'apporter la preuve, ce qu'il ne fait pas, de ce que Francis Poupeau n'aurait en réalité jamais reçu tout ou partie des renseignements exigés par la loi précitée du 31 décembre 1989, ce dont l'intéressé ne s'est d'ailleurs jamais plaint à un moment quelconque de ses relations contractuelles avec la société Volkswagen, ce qui ne peut être un hasard;

Qu'en tout cas, le seul fait que cette société Volkswagen " n'apporte pas aux débats les documents établis (à l'époque) par Seat France et fournis à Monsieur Poupeau " (ce qui lui aurait été après tout aisé de faire, par production de documents généraux de l'époque relatifs à l'état de son réseau en particulier et du marché de l'automobile en général, mais n'aurait pas non plus apporté la preuve " incontestable " de leur remise à son futur cocontractant) n'est pas de nature àétablir qu'elle n'avait pas à l'époque rempli ses obligations légales, étant au besoin observé que l'argument tiré par Paul-Henri Soret du fait que la proposition de contrat soumise par la société Seat France à Francis Poupeau date du 13 octobre 1993 (et de la conclusion, à cette date, d'un prétendu " pré-contrat " tient du sophisme, dès lors notamment que l'offre de reprise de la société Système Automobile Service, telle que faite le 25 octobre 1993 au tribunal de commerce de Quimper par le futur dirigeant droit de la société FSA, Francis Poupeau, était précisément soumise à la condition suspensive de " (la) signature du contrat de concession avec Seat France " ;

Considérant en tout état de causeque, pour pouvoir tirer cette fois-ci argument, dans le cadre de présent litige, de cette (hypothétique) violation, par la société Seat France, de ces obligations légales Paul-Henri Soret doit au moins démontrer que cette carence de l'appelante a déterminé le consentement de Francis Poupeau, soit plus précisément que celui-ci n'aurait pas conclu le contrat de concession litigieux s'il avait été en possession de tous les (ou plus exactement de certains des, puisque personne ne remet en cause le sérieux du réseau Seat) renseignements prévus par la loi précitée (ou, au moins, qu'il ne se serait pas engagé en toute connaissance de cause);

Or, considérant que cette démonstration n'est pas faite en l'espèce, c'est le moins que l'on puisse dire ;

Qu'il est en effet tout aussi constant que c'est dans le cadre d'un plan de cession consécutif à la défaillance de l'ancien exploitant de la concession Seat France à Quimper, un certain Ethuin, ayant lui-même succédé à un certain Lorcy (qui avait tout de même " tenu cette concession de 1984 à 1991), que Francis Poupeau professionnel de l'automobile depuis plus de quinze ans (dont deux comme responsable des " ventes flotte " chez Citroën et cinq " à la direction de Fiat et Lancia " cf. son propre " exposé préalable " à la reprise de la concession litigieuse) et assisté d'un cabinet d'expertise comptable bien connu, en l'occurrence plus précisément le cabinet " KPMG Fiduciaire de France ", est devenu le nouvel exploitant de cette concession ;

Que dès lors, Paul-Henri Soret ne peut sérieusement soutenir à l'heure actuelle que Francis Poupeau aurait été dès l'origine abusé par la société Seat France, soit plus précisément là encore que l'intéressé n'aurait contracté son engagement que " sur la base de données prévisionnelles grossièrement erronées(ce qui est d'ailleurs plus ou moins inexact, comme il va l'être précisé) ", et donc que la société Volkswagen venant aux droits de cette société Seat France, serait responsable de la totalité de l'insuffisance finale d'actif de la société FSA, puisque, non seulement cet engagement a été précédé, quoiqu'en dise Paul-Henri Soret, de l'élaboration d'un " compte de résultat prévisionnel sur trois ans ", toujours confié à ce cabinet KPMG(cf. à nouveau l'offre de reprise de la concession Seat France faite au mois d'octobre 1993 par la société FSA, ou son futur dirigeant, au tribunal de commerce de Quimper, alors saisi de la procédure collective de la société " Système Automobile Service "), mais surtout que Francis Poupeau était parfaitement en mesure à l'époque de vérifier les résultats comptables réels de son prédécesseur sur trois ans (résultats dont aucune de parties ne fait état, ce qui est d'ailleurs invraisemblable), ce qui interdit à seul à Paul-Henri Soret de prétendre faire supporter par la société Volkswagen la totalité de cette insuffisance d'actif;

Qu'en effet là encore de deux choses l'une:

- ou bien Francis Poupeau et le professionnel de la comptabilité dont il s'était alors fait assister avaient pris soin de prendre connaissance de ces résultats antérieurs à la cession de la concession litigieuse (ce qui résulte d'ailleurs a priori de la simple lecture de l'offre précitée dans laquelle le premier faisait lui-même écrire, en page 7 de cette offre, que la même offre "tenait compte du niveau d'activité espéré et du potentiel que représentait le secteur de Quimper, corroboré par les ventes réalisées par le prédécesseur de l'exploitant actuel "), et Francis Poupeau ne peut actuellement soutenir, par mandataire judiciaire interposé, qu'il aurait été trompé (en particulier) sur les chiffres d'affaires, marges brutes, charges d'exploitation, et donc résultats nets, de la concession qui lui a été ainsi cédée en 1993 ;

- ou ils n'avaient pas pris un tel soin, pour des motifs qui les regardent (ce que laisse cette fois-ci entendre Paul-Henri Soret en faisant valoir que le cabinet KPMG se serait contenté des chiffres " annoncés " par la société Seat France), mais alors encore une fois qu'ils connaissaient parfaitement la défaillance du précédent concessionnaire de la société Seat France, la société Système Automobile Service, et la société FSA, ou son représentant, ne peuvent tenter de faire supporter par d'autres les conséquences de la propre carence de l'ancien dirigeant de la première ;

Que, dans tous les cas, il ne saurait être reproché à la société Volkswagen (ou à la société Seat France) d'avoir, pour des motifs plus ou moins obscurs (soit sans doute le maintien de son point de vente à Quimper), sciemment laissé reprendre une concession (par hypothèse) non viable par un concessionnaire qui avait au contraire tous les moyens d'en apprécier la viabilité;

Considérant en second lieu que, contrairement là encore à ce que soutient Paul-Henri Soret, " l'étude prévisionnelle " remise par la société Seat France à la société Finistère-Sud Automobile à l'occasion de la reprise de la concession litigieuse n'était pas " grossièrement erronée ";

Que s'il est exact en effet que le chiffre d'affaires prévu dans cette étude, soit un peu plus de 21.000.000 F, n'a jamais pu être réalisé par la société FSA (puisque ce chiffre d'affaires n'a été que de 17.691.221 F pour l'exercice clos au 31 décembre 1994, puis, semble t-il, de 19.927.233 F au titre de l'exercice suivant), il résulte toutefois d'une analyse effectuée par un expert-comptable mandaté par la société Volkswagen (analyse qui n'a nullement valeur d'expertise mais qui peut parfaitement être acceptée comme telle, dès lors qu'elle n'est pas utilement contestée techniquement, par Paul-Henri Soret) :

- que la marge brute réalisée par la société FSA (certes sur treize mois, mais compte tenu également de la date de signature de la convention litigieuse, et donc, là encore a priori, de celle d'ouverture de la concession correspondante, et des conséquences commerciales inhérentes au dépôt de bilan d'un précédent concessionnaire) s'est élevée à 3.028.433 F (pour une " marge brute globale " estimée, dans cette étude prévisionnelle, à un peu plus de 2.974.00 F, sur douze mois, cf. page 8 de l'étude Galataud) ;

- que cette marge brute a été grevée, en première année d'exploitation, de plus d'un million cinq cent vingt quatre mille francs de " charges externes ", alors que ces charges avaient été évaluées à 962.000 F dans l'étude précitée ;

- et que, même si l'on fait abstraction des charges salariales, les charges financières de la société FSA ont été multipliées par plus de deux par rapport à la même étude (sans parler de " charges exceptionnelles " ou " d'amortissements et provisions " au sujet desquelles il n'est pas fourni le moindre commencement d'explication, mais qui doivent sans doute correspondre au moins pour partie, aux deux licenciements du " directeur commercial et associé " et du "chef d'atelier" de cette société - ce qui fait quand même beaucoup - dont il était fait état dans le courrier adressé le 20 avril 1995 par la même société à la société Seat France pour expliquer, au moins pour partie, les origines de la perte qu'elle avait subie au titre de son exercice clos au 3 décembre 1994), ce qui peut s'expliquer notamment par le fait que, contrairement à ce qui avait été prévu dans l'étude prévisionnelle litigieuse, les associés de la société FSA n'ont pas respecté leurs engagements d'apporter à cette société la somme de 250.000 F en comptes courants bloqués ;

Or, contrairement à ce que soutient là encore, au moins implicitement, Paul-Henri Soret, ce n'est pas à la société Volkswagen d'apporter la preuve que l'étude prévisionnelle effectuée par la société Seat France était (globalement) juste, mais à lui d'établir que cette étude était " grossièrement erronée " (ce que, faut-il le répéter, il lui aurait été facile d'établir, si tel avait été le cas, par production aux débats des bilans et comptes de résultat de la société " reprise " par la société FSA au mois de décembre 1993 ou, au moins, par une explication sérieuse, précise et détaillée des divers " dépassements de charges " dénoncés par la société Volkswagen);

Qu'en bref, Paul-Henri Soret n'établit pas que la reprise, par la société de la concession de la société Seat France de Quimper était dès l'origine vouée à l'échec, étant cette fois-ci observé que, si tel avait été le cas, l'on pourrait légitimement s'interroger sur les motifs ayant amené le tribunal de commerce de Quimper à donner son aval à la cession de cette concession à cette société FSA, alors qu'il devait en principe lui aussi être au fait des précédents résultats comptables de la société Système Automobile Service dont la procédure collective s'était déjà soldé par une insuffisance d'actif de plus de 550.000 F ;

Considérant en troisième lien que s'il est vrai qu'au mois d'avril 1995, la société Seat France, qui suivait certes de très près (comme il est d'ailleurs de règle en ce domaine) l'évolution de l'activité de son concessionnaire, a eu connaissance des résultats négatifs de la société FSA (comme en fait foi la simple lecture du courrier adressé par la seconde de ces sociétés à la première le 20 du même mois), il n'en reste pas moins que rien ne démontre qu'elle pouvait (ou devait) savoir, à cette date, que la situation de la société FSA était irrémédiablement compromise, dès lors notamment que, dans ce courrier, cette société, dont le dirigeant se " posait " certes " beaucoup de questions sur le devenir de (son) entreprise et (les) possibilités de rentabilité (de celle-ci) pour l'année 1995 " :

- reconnaissait toutefois, toujours par le biais de son dirigeant, que " ses résultats commerciaux (de 1994 avaient) été satisfaisants (et progressaient encore au premier semestre de l'année 1995, en dépit des licenciements dont il va être reparlé) ", même si " le manque de prime et de participation ? (sur la même année) a(vait) coûté cher à l'entreprise ", ce qui relativise (au moins) la valeur de l'argument tiré par Paul-Henri Soret du fait qu'elle n'a jamais pu atteindre le nombre de ventes prévu dans l'étude prévisionnelle dont ce mandataire judiciaire se prévaut actuellement ;

- attribuait une partie non négligeable de ses pertes (au titre de l'exercice clos au 31 décembre précédent), d'une part, à " deux licenciements, toujours sur le deuxième semestre, qui ont eu pour conséquence des frais importants (dont on ne connaît même pas le montant exact), puisqu'il s'agi(ssait) ", comme il l'a déjà été précisé, " de son directeur commercial et associé et de (son) chef d'atelier repris à la précédente société " et, de l'autre, à " un atelier qui, en résultat, a été très loin des prévisions escomptées et calculées dans les différents prévisionnels établis à la création de l'entreprise (pour des motifs dont on ignore là encore tout, mais qui ne sont peut-être pas étrangers à la démission de ce chef d'atelier) " ;

- et émettait seulement le souhait de " ne pas être pénalisée par des objectifs de stock trop importants qui pourraient (la) gêner en trésorerie (et) avoir un aménagement de son encours (alors) bloqué, ce qui (la) pénalisait pour ses livraisons clients " ;

Que force est d'ailleurs de constater, non seulement que son dirigeant de l'époque a lui-même pris la décision de poursuivre l'exploitation de sa concession après avoir pris connaissance de " sa situation au 30 mars 1995 " (situation qui devait en principe " lui faciliter cette décision ", cf. le même courrier du 20 avril 1995), et de celles finalement arrêtées aux 30 juin et 30 septembre suivants et qui allaient même en évidence une première perte d'exploitation de l'ordre de 42.000 F (à la première de ces dates, et ce en dépit d'un chiffre d'affaires de plus de 12.200.000 F, sur six mois), puis de plus de 333.000 F (à la seconde), voire même après que son commissaire au comptes ait déclenché la procédure d'alerte (puisque Francis Poupeau n'hésitait pas à écrire alors à l'appelante que " le plus dur était derrière lui "), mais encore que les premiers impayés de la société Volkswagen ne sont survenus qu'à compter du premier août 1995, comme en fait foi la simple lecture du relevé de compte annexé à la déclaration de créance de cette société, tel qu'il figure en particulier au dossier de Paul-Henri Soret ;

Considérant que si l'on doit admettre par contre qu'au plus tard à compter du mois d'octobre 1995, la société Volkswagen, qui avait refusé d'accorder à société FSA le " crédit de restructuration " à moyen terme de 700.000 F que celle-ci lui avait demandé de lui accorder au mois de juillet précédent, dont les premiers impayés remontaient au début du mois d'août, qui dénonçait, dès le 30 du même mois, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le même jour à son concessionnaire, le caractère " intolérable " du solde de sa créance, alors évaluée à plus de 858.000 F (et "priait" ce concessionnaire de " lui faire parvenir sous huit jours une proposition de régularisation ") et qui a été contrainte, dès le 16 octobre, de conclure avec le même concessionnaire une " convention de dépôt " démontrant à elle seule que la société FSA n'était même plus en mesure de régler ses achats de véhicules, ne pouvait plus ignorer que la situation de cette société FSA était sans issue (d'autant que c'est à partir de la même époque qu'elle a commencé à se régler elle-même par compensation, soit plus précisément par imputation sur sa propre créance globale des divers " avoirs " ou " primes " de toutes sortes devant en principe revenir à la société FSA, de sorte que cette société a nécessairement été privée d'une partie de ses recettes), encore aurait-il fallu, pour qu'il puisse être fait droit aux prétentions de Paul-Henri Soret, que celui-ci apporte la démonstration, ne serait-ce que de manière approximative, non seulement de l'aggravation de l'insuffisance d'actif de la société FSA liée au soutien abusif de la société Volkswagen entre ce mois d'octobre (ou août) 1995 - mais peu importe - et la date d'ouverture de la procédure collective de la première de ces sociétés, mais encore de la réalité même de cette insuffisance d'actif (finale) ;

Or, considérant que force est de constater cette fois-ci que l'intimé, qui partait, il est vrai, à ses risques et périls, du postulat que la société Volkswagen était nécessairement responsable de la totalité de l'insuffisance d'actif de la société FSA, n'apporte la preuve, au moins en temps utile, d'aucun de ces éléments de fait pourtant indispensables à la solution du présent litige, puisque ne figure à son dossier, près de quatre ans après l'ouverture de cette société FSA qu'un état des créances (non vérifiées) déclarées au passif de la liquidation judiciaire de celle-ci alors que, notamment dans ses écritures d'appel, la société Volkswagen a toujours tiré argument cette carence de Paul-Henri Soret dans l'établissement de la preuve ci l'insuffisance finale d'actif de la société FSA et de l'absence de démonstration d'un lien de causalité entre sa propre faute, à la supposer établie, et cette insuffisance finale d'actif ;

Qu'abstraction faite des autres moyens ou arguments des parties (et, en particulier, du témoignage Abgrall, ancien expert-comptable évincé de la Société FSA et dont l'attestation n'a de ce fait qu'une valeur probante relative), il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée, dès lors qu'aux tenues de l'article 146 du nouveau Code de procédure civile, aucune mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve des faits de nature à fonder ses prétentions ;

Considérant toutefois qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Volkswagen les sommes exposées par elle et non comprises dans Les dépens ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirmant la décision déférée et statuant à nouveau, Déboute Paul-Henri Soret, ès qualité, de toutes ses prétentions ; Déboute la société Volkswagen de ses prétentions accessoires ; Condamne Paul-Henri Soret aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci pouvant être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.