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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 18 février 2000, n° 1997-24111

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Volkswagen France (SA)

Défendeur :

Méditerranéenne de Service (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

Mmes Mandel, Regniez

Avoués :

SCP Monin, SCP Roblin-Chaix de Lavarenne

Avocats :

Mes Baccichetti, Mihailov

TGI Paris, 4e ch., du 13 nov. 1991

13 novembre 1991

La société VAG France, dont la nouvelle dénomination est société Groupe Volkswagen France (ci-après VAG), importe en France les véhicules des marques Volkswagen et Audi, dont elle assure la distribution par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires exclusifs.

Elle a eu pour concessionnaire à Béziers, entre 1977 et 1987, la société Méditerranéenne de Services. Suite à divers contrats à durée déterminée d'une année, un contrat de concession à durée indéterminée a été signé le 17 janvier 1986 avec effet à compter du 1er janvier de la même année. Ce contrat se référait aux dispositions du règlement d'exemption n° 123-85 (qui venait alors d'entrer en vigueur) de la Commission des Communautés Européennes, relatif à l'application de l'article 85, paragraphe 3 du Traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de services de vente et d'après-vente de véhicules automobiles.

Aux termes de l'annexe annuelle B 1 dudit contrat relative aux " objectifs quantitatifs de vente " signée par la société Méditerranéenne de Services, cette dernière s'engageait à réaliser au cours de l'année 1986 un objectif de vente de 449 véhicules.

A l'article VI-5 du contrat était prévue une clause de résiliation de plein droit un mois après l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception si les objectifs contractuels de vente n'étaient pas atteints à 60 % au moins au terme d'un semestre ou à 70 % au moins au terme de deux semestres consécutifs.

Exposant que les réalisations de Méditerranéenne de Services au 30 juin 1986 (120 VN pour un objectif de 241, soit 50 %) faisaient " apparaître un retard considérable incompatible avec les objectifs à atteindre ", VAG, se référant à la clause de résiliation de plein droit ci-dessus mentionnée, a dénoncé le contrat par lettre recommandée du 3 juillet 1986. Elle indiquait dans la lettre que bien qu'ait été prévu dans cette situation un préavis d'un mois, la résiliation prendrait effet le 31 décembre suivant. Par lettre du 27 octobre 1986, elle a reporté l'effet de la résiliation au 31 mars 1987, date à laquelle le contrat a effectivement pris fin.

Méditerranéenne de Services s'est efforcée entre-temps de vendre son fonds de commerce. Après l'échec, qu'elle impute à VAG de pourparlers qui auraient selon elle prévu des prix de vente de 2.250.000 F puis de 1.500.000 F, elle l'a finalement cédé pour un prix de 600.000 F à un acheteur agréé par VAG plus d'un an après la fin du contrat de concession.

Par acte du 2 mars 1990, Méditerranéenne de Services a fait assigner VAG devant le tribunal de grande instance de Paris, pour voir annuler la clause de résiliation de l'article VI-5 en application de l'article 85-2 du traité CEE, et obtenir paiement de dommages-intérêts à la fois en conséquence de cette annulation et en réparation du préjudice qu'elle reprochait à son adversaire de lui avoir causé par son comportement fautif lors de la vente de son fonds.

Par jugement du 13 novembre 1991, le tribunal a rejeté la demande de nullité de la clause VI.5 du contrat, mais a en revanche condamné la société VAG à verser à Méditerranéenne de Services la somme de 1.000.000 F en réparation du préjudice par elle subi lors de la cession de son fonds de commerce.

VAG France a interjeté appel. Elle a obtenu en référé l'arrêt pour moitié de l'exécution provisoire. Au fond, elle a demandé la confirmation du jugement en ce qu'il avait retenu que la clause de résiliation était conforme à la réglementation communautaire, mais a réclamé sa réformation en ses dispositions lui faisant grief, priant la cour de constater qu'elle n'avait commis aucune faute lors de la cession du fonds.

Méditerranéenne de Services a demandé que le jugement soit réformé sur la validité de la clause VI-5 du contrat.

Par arrêt en date du 10 février 1994, cette Cour a décidé de surseoir à statuer dans l'attente de l'avis qu'elle a sollicité de la Commission Européenne sur les points suivants :

" Compte tenu de I'ensemble du dossier, la clause VI-5 du contrat du 17 janvier 1986 stipulant que " si les objectifs de vente ne sont pas atteints à 60 % au moins au terme d'un semestre, le contrat sera résilié de plein droit un mois après l'envoi d'une lettre recommandée " est-elle ou non compatible avec l'article 85 § 3 du Traité de Rome, notamment mais non exclusivement en ce qu'elle serait susceptible d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membre ?

Dans la négative, à quelles conditions le cas échéant, une telle clause serait-elle susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle ?

La Commission a fait connaître sa réponse le 16 janvier 1996.

Les parties ont attendu novembre 1997 pour faire rétablir l'affaire qui avait été retirée du rôle. Elles ont ensuite signifié des conclusions interruptives de péremption, puis ont à nouveau conclu au fond en 1999.

VAG (aujourd'hui Groupe Volkswagen France) prie la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 13 novembre 1991 par le tribunal en ce qu'il a considéré que :

- la clause d'objectifs n'est pas contraire aux dispositions du règlement CEE n° 123-85, n'étant pas une clause restrictive de la concurrence,

- les ventes réalisées par la société Méditerranéenne de Services étant inférieures de 50 % à l'objectif fixé, on se trouvait dans le cas de l'obligation de résultat exonérant le concédant de la charge de la preuve,

- le réformer pour le surplus et

1. A titre principal

- dire que la clause d'objectifs visée ayant légitimé la résiliation n'est pas contraire au règlement 123-85 ni aux articles 1134 et 1135 du Code Civil,

- dire que la résiliation du contrat de concession n'est pas contestable et qu'elle n'est pas de nature à engager la responsabilité de Groupe Volkswagen France,

- dire que la société VAG France n'a commis aucune faute postérieurement à la résiliation du contrat de concession,

- infirmer le jugement entrepris sur ce point et condamner la société Méditerranéenne de Services à restituer à la société Groupe Volkswagen France la somme versée de 500.000 F et lever la mesure de séquestre sur la somme de 500.000 F restants qui devront également être restitués à Groupe Volkswagen France,

2. A titre subsidiaire

- dire que la société Méditerranéenne de Services ne justifie absolument pas du préjudice invoqué,

- dire subsidiairement, et dans l'hypothèse où par impossible, la Cour estimerait que la société VAG France a commis, postérieurement à la résiliation du contrat de concession, une faute génératrice d'un préjudice pour la société Méditerranéenne de Services, que le chiffre d'affaires généré par la poursuite de l'activité de la société Méditerranéenne de Services pour la période comprise entre le 1er août 1986 et le 31 mars 1987 compense l'éventuelle perte de la valeur du fonds de commerce exploité,

3. condamner la société Méditerranéenne de Services au paiement d'une somme de 40.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Méditerranéenne de Services prie la cour de :

- dire que la société Groupe Volkswagen France est irrecevable et mal fondée en son appel.

- la débouter de l'ensemble de ses conclusions,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la résiliation extraordinaire était valablement fondée sur les dispositions de l'article VI. 5 du contrat de concession,

- Statuant à nouveau,

- vu les dispositions des articles 85 du Traité de Rome, 4.1.3 et 5.1.2 b du règlement n° 123-85,

- dire que la résiliation a procédé de la mise en œuvre d'une clause qui ne remplissait pas les conditions de légalité posées par le règlement n° 123-85,

- vu les dispositions de l'article 1134 al. 3 du Code civil,

- dire et juger que la clause résolutoire a été mise en œuvre de mauvaise foi,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la société Groupe Volkswagen France a écarté pour des raisons non objectives plusieurs candidats acquéreurs de l'entreprise, laissant la valeur du fonds chuter, et qu'ainsi, elle a commis une faute causant un préjudice certain à la société Méditerranéenne de Services,

- condamner la société Groupe Volkswagen France au paiement d'une somme de 3.410.000 F à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Groupe Volkswagen France au paiement d'une somme de 60.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Sur l'avis de la Commission

Considérant qu'en réponse aux questions posées par cette cour, la Commission des communautés européenne a émis l'avis ci-après reproduit pour l'essentiel :

" I. (...) La première question posée par la Cour d'appel de Paris vise l'interprétation de l'article 85 paragraphe 1. Elle appelle les observations suivantes :

(...)

2. Quant à la restriction de concurrence

Selon l'article 4 paragraphe 1 point 3 du règlement (CEE) n° 123-85, l'engagement par lequel le distributeur s'oblige à s'efforcer d'écouler dans une période déterminée à l'intérieur du territoire convenu un nombre minimal de produits contractuels, que le fournisseur fixe à partir d'estimations prévisionnelles des ventes du distributeur, si les parties ne se mettent pas d'accord à ce sujet, ne fait pas obstacle à l'exemption par catégories.

L'assignation d'un niveau chiffré d'objectifs de vente au distributeur, en corollaire de son obligation de " meilleurs efforts " dans le cadre d'une relation contractuelle fondée sur le règlement en question, n'est donc pas en soi restrictive de la concurrence même lorsqu'elle est sanctionnée par un droit de résiliation au concédant du seul fait que le distributeur n'aurait pas réalisé au moins un volume minimum de ses objectifs.

Toutefois, il peut en être autrement lorsque la clause litigieuse s'avère excessive. Ainsi il y a lieu de se demander si le non-respect d'objectifs de vente semestriels justifie la résiliation extraordinaire de l'accord. Les objectifs de vente obligatoires sont en règle générale fixés annuellement, des objectifs trimestriels ou semestriels ne constituant que des chiffres indicatifs. De même, il convient d'examiner si le niveau chiffré d'objectifs de vente, ou le pourcentage de ce chiffre qui ouvre la possibilité de résiliation, sont exagérément élevés.

3. Quant à l'applicabilité du règlement (CEE) n° 123-85

Une obligation excessive telle que décrite ci-avant est incompatible avec le règlement (CEE) n° 123-85 et fait, par conséquent, obstacle à l'application de l'exemption catégorielle que prévoient les articles 1er, 2 et 3 du règlement. L'accord contenant une telle clause pourrait alors seulement être exempté par une décision individuelle sur la base de l'article 6 du règlement n° 17 du Conseil (JO n° 13 du 13.2.1962, p. 204), si toutefois toutes les conditions de l'article 85 paragraphe 3 du traité CE étaient réunies.

II. Conformément au point 38, cinquième et sixième phrases, les juridictions nationales éprouvant des doutes sur la possibilité qu'une entente litigieuse puisse bénéficier d'une exemption individuelle peuvent demander à la Commission de leur communiquer un avis provisoire.

Par sa seconde question la Cour d'appel de Paris cherche à savoir si la clause litigieuse - qui est textuellement reprise dans sa première question - serait susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle.

La Commission observe à cet égard que dans un contrat tel que dans le cas d'espèce, l'exemptabilité de la clause ne peut être appréciée que dans le contexte du contrat entier.

En l'espèce, la Commission n'a jamais reçu de notification de l'accord en coause. Elle n'est dès lors pas en mesure de se prononcer sur la probabilité d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85 paragraphe 3 du traité CE (...) ";

Sur la validité de la clause d'objectifs et la régularité de la résiliation

Considérant que se fondant notamment sur l'interprétation qu'elle donne de l'avis de la Commission, Méditerranéenne de Services poursuit la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à voir déclarer nulle la clause d'objectif et abusive la résiliation ; qu'invoquant successivement droit communautaire et droit interne, elle prie la cour de " constater le caractère triplement fautif de la rupture et de retenir en particulier que la résiliation,

- a procédé de la mise en œuvre d'une clause qui ne remplissait pas les conditions de légalité de l'article 4.1.3 du règlement n° 123-85,

- a procédé de la mise en œuvre d'une clause qui ne remplissait pas les conditions de validité de I'article 5.1.2 b du règlement n° 123-85,

- a été mise en œuvre de mauvaise foi en violation des dispositions de I'article 1134 alinéa 3 du Code civil ";

Considérant que, sur le premier point, Méditerranéenne de Services critique la brièveté de la période de référence fixée dans la clause de résiliation extraordinaire et expose :

- que la clause contestée a effectivement un objet anticoncurrentiel qui réside dans l'aggravation de la dépendance économique du concessionnaire,

- que la Commission qui a rappelé que son attitude générale vis-à-vis des accords de distribution sélective et exclusive de véhicules automobiles se reflète dans le texte du nouveau règlement n° 1475-95, n'autorise pas dans le cadre de ce règlement la définition d'objectifs autrement que sur une base annuelle,

- que VAG a délibérément contrarié l'appréciation des résultats du concessionnaire sur une période plus probante d'un exercice plein dans la mesure où dès le mois de juin 1986 soit un mois avant la notification du non-renouvellement du contrat, elle a cessé d'approvisionner régulièrement Méditerranéenne de Services, s'étant abstenue d'enregistrer, ayant annulé ou s'étant abstenue de servir 69 commandes,

- que pour VAG elle-même la seule période de référence valable était l'année puisque c'est sur l'année qu'elle envisageait de mesurer les performances de la marque et de mettre en œuvre la clause conjoncturelle définie en annexe B 6 du contrat de concession, clause conjoncturelle dont elle a fait application en 1986 en révisant à la baisse rétroactivement les objectifs annuels fixés aux concessionnaires ;

Considérant que, sur le second point, Méditerranéenne de Services fait valoir :

- que selon l'article 5.1.2 b du règlement la clause d'objectif n'est admise qu'à condition que le concédant... " n'applique pas des conditions minimales et des critères pour les estimations prévisionnelles tels que le distributeur fasse l'objet d'un traitement inéquitable ou, sans justifications objectives, d'un traitement discriminatoire ",

- que la surévaluation des objectifs qui lui étaient fixés est établie par le constat de ce qu'à pénétration égale ou supérieure à celle des autres concessionnaires de la zone, elle parvenait néanmoins à un taux de réalisation de ses objectifs très inférieur à ceux de ses collègues,

- que le successeur désigné sur le secteur s'est vu assigner des objectifs très inférieurs aux siens (356 véhicules au lieu de 449) alors que les ventes de la marque étaient en hausse ;

Mais considérant qu'une clause d'objectifs imposant au concessionnaire un résultat à atteindre et sanctionnée par la résiliation extraordinaire en l'absence de réalisation des objectifs fixés n'est pas en soi contraire au règlement 123-85; qu'elle contribue dans l'intérêt du consommateur final, à maintenir une concurrence effective entre les concessionnaires et, en prévenant toute inaction ou passivité commerciale de leur part, à assurer la fluidité des marchés locaux ainsi qu'à empêcher la paralysie des règles normales du commerce nées de l'exclusivité réciproque qui procède du contrat de concession; que MS ne pourrait donc prétendre qu'une telle clause par son mécanisme même aurait un objet manifestement anticoncurrentiel :

Considérant que si une clause d'objectifs peut avoir le caractère d'une pratique anticoncurrentielle lorsqu'elle s'avère excessive, cette question doit faire l'objet d'une appréciation dans chaque cas d'espèce ;

Considérant qu'étant ici noté que le contrat litigieux est antérieur à l'entrée en vigueur du règlement 1475-95 qui impose la fixation d'objectifs sur une base au moins annuelle, et que le règlement d'exemption applicable en 1986 ne prohibait nullement la définition d'objectifs sur une période plus courte que celle d'une année, il convient de relever :

- que la brièveté de la période de référence de 6 mois convenue en l'espèce n'apparaît pas excessive compte tenu du faible niveau de résultat simultanément requis (60 % seulement des objectifs) pour la période considérée,

- que Méditerranéenne de Services n'avait pas contesté les objectifs qui lui étaient impartis pour 1986 (449 véhicules au lieu de 439 en 1985, soit une augmentation de 2,2 % alors que les ventes de VAG se sont accrues de 3,6 %),

- qu'en cours de procédure, elle s'est abstenue de toute observation sur l'exposé des méthodes de fixation des objectifs de vente de VAG qui ont été longuement détaillées dans les écritures de celle-ci et qui apparaissent objectives et non discriminatoires en ce qu'elles procèdent d'un calcul effectué en fonction du marché prévisionnel, par secteurs géographiques, en tenant compte d'une répartition des cantons et de la segmentation du marché en neuf classes,

- qu'elle prétend vainement démontrer le caractère inéquitable des objectifs qui lui étaient assignés en se référant à des comparaisons entre les taux de pénétration des différentes concessions, alors que ces taux ne sont pas à eux seuls déterminants, les marchés locaux des concessions concernées étant eux-mêmes différents (les chiffres invoqués par Méditerranéenne de Services faisant d'ailleurs apparaître que si son taux de pénétration de 4,8 % pour 180 ventes cumulées en juillet 1985, année précédant le litige, était supérieur à celui de certaines concessions réalisant leur objectif à 100 %, il était très inférieur aux taux de pénétration d'autres concessions de la zone s'élevant, par exemple, à 5,6 %, ou à 8,7 %),

- que n'est pas non plus significative la comparaison qu'elle effectue entre ses objectifs et ceux fixés au concessionnaire qui lui a succédé alors que celui-ci débutait dans l'exploitation du secteur ;

Considérant qu'il sera mentionné pour répondre à tous les arguments de Méditerranéenne de Services :

- que si les parties sont en désaccord sur la nature des opérations réalisées concernant 69 véhicules dont Méditerranéenne de Services reproche à VAG de lui avoir fait perdre l'immatriculation de juin 1986 à mars 1987, la liste qu'elle produit vise 12 véhicules en juin 1986, dont l'ajout (aboutissant à un résultat de 132 véhicules) n'aurait pas permis la réalisation de l'objectif de 60 % (144 véhicules),

- que cet objectif n'aurait même pas été atteint en ajoutant encore au résultat obtenu après addition des véhicules ci-dessus mentionnés, ceux correspondant à l'application de la clause conjoncturelle ayant conduit VAG en novembre 1986 à diminuer les quotas Golf et Jetta de 5000 et 1000 véhicules respectivement (au regard d'un objectif de ventes total de 126.350 véhicules) ;

Considérant qu'il résulte des éléments qui précèdent que Méditerranéenne de Services n'est pas fondée à soutenir que la clause de résiliation extraordinaire qui a été mise en œuvre en l'espèce aurait violé comme excessive les dispositions de l'article 85 du Traité de Rome ou celles des articles 4.1.3 et 5.1.2 b du règlement 123-85, ni que la résiliation prononcée en exécution de cette clause aurait été irrégulière au regard des mêmes textes ;

Considérant que Méditerranéenne de Services qui prétend par ailleurs que la clause de résiliation extraordinaire aurait été mise en œuvre de mauvaise foi, fait valoir à cet égard, d'une part, que ses objectifs de vente avaient été fixés de manière inéquitable, et, d'autre part, que ces objectifs lui avaient été imposés " dans des conditions constituant une contrainte illégitime caractéristique de la violence envisagée de l'article 1109 du Code civil " ;

Mais considérant que le grief tiré du caractère prétendument inéquitable des objectifs a déjà été écarté ci-dessus ; que l'allégation de Méditerranéenne de Services selon laquelle son consentement aurait été extorqué par violence ne peut pas être retenue alors que cette société disposait en tant que professionnelle de l'automobile des connaissances nécessaires à une libre conclusion du contrat et qu'elle n'a jamais émis de protestation concernant les objectifs de vente pour 1986 ;

Considérant qu'il s'ensuit que les demandes de Méditerranéenne de Services tendant à voir prononcer la nullité de la clause de résiliation extraordinaire et à voir déclarer fautive ou abusive la résiliation elle-même doivent être rejetées; que le jugement sera confirmé à cet égard ;

Sur les fautes imputées à VAG postérieurement à la résiliation

Considérant que les premiers juges ont retenu qu'il était " manifeste au travers des pièces que VAG a écarté pour des raisons non objectives, plusieurs candidats désirant acquérir le fonds de commerce de Méditerranéenne de Services, laissant ainsi la valeur du fonds de commerce cintrer ; qu'elle a ainsi commis une faute causant un préjudice certain à la demanderesse " ; qu'ils ont évalué ce préjudice à la somme de 1 million de francs ;

Considérant qu'alors que Méditerranéenne de Services demande de ce chef la confirmation du jugement en son principe mais réclame que le montant des dommages intérêts soit porté à la somme de 1.650.000 F, VAG conclut, en revanche, à la réformation en soutenant qu'elle n'aurait commis aucune faute postérieurement à la résiliation du contrat, et subsidiairement que Méditerranéenne de Services n'aurait subi aucun préjudice, les huit mois pendant lesquels, après la résiliation, elle a pu poursuivre son activité lui ayant procuré des profits qui auraient compensé la perte de son fonds de commerce ;

Considérant qu'il ressort des pièces mises aux débats que Méditerranéenne de Services a recherché un acquéreur pour son fonds dès l'annonce de la résiliation ; qu'en novembre 1986, elle a trouvé un acheteur en la personne de M. Orsaud qui offrait un prix de 2.250.000 F ; qu'il résulte d'une lettre adressée à Méditerranéenne de Services par M. Orsaud en décembre 1986 et d'une attestation qu'il lui a remise en 1991 que VAG a totalement déconseillé à l'intéressé de procéder à cet achat ; qu'en avril 1987, MM. Chanut et Orsini se sont portés candidats, n'offrant plus toutefois que 1.500.000 F ; que VAG a donné son accord de principe à ce projet mais ne l'a pas en définitive continué ; qu'en tout cas, MM. Chanut et Orsini n'ont pas donné suite ; qu'en avril 1988, alors que le contrat était expiré depuis plus d'un an, Méditerranéenne de Services a cédé son fonds de commerce à M. Couzinou pour un prix de 800.000 F sous réserve de l'agrément de VAG ; que cependant VAG n'a donné son agrément à cette cession qu'après que le prix ait été ramené à 600.000 F ;

Considérant que VAG indique :

- que M. Orsaud s'est contenté comme il l'indique lui-même de lui adresser un seul appel téléphonique, qu'il se serait montré totalement évasif sur son projet et qu'elle ne lui aurait pas déconseillé l'achat du fonds,

- que MM. Chanut et Orsini n'ont pas donné suite à sa lettre par laquelle elle leur avait fait part de son accord de principe, sous réserve des conditions d'agrément habituelles qu'ils n'ont pas satisfaites,

- qu'elle n'a écarté aucun candidat pour des raisons non objectives ;

Considérant que s'il n'est pas établi que VAG aurait expressément refusé son agrément à des projets de cession fermement convenus et remplissant toutes les conditions d'usage en la matière, il est manifeste qu'elle a par son comportement auprès des interlocuteurs de son adversaire retardé la vente du fonds de commerce de Méditerranéenne de Services, aggravant la précarité de sa situation dans le cadre de ses négociations avec les successeurs pressentis et la conduisant en définitive à réaliser la cession pour un prix très inférieur à celui qu'elle aurait pu obtenir aussitôt après la résiliation ; qu'elle a par ces agissements - même si elle a, par ailleurs, reporté de 5 mois la date d'effet de la résiliation - causé une perte de chance à Méditerranéenne de Services et lui en doit réparation ; qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause ci-dessus rappelées, la condamnation au paiement de 1 million de francs à titre de dommages intérêts prononcée à l'encontre de VAG par les premiers juges apparaît justifiée ; que le jugement sera également confirmé de ce chef ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à Méditerranéenne de Services pour ses frais irrépétibles d'appel une indemnité de 50.000 F ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges : Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant : Condamne la société Groupe Volkswagen France à payer à la société Méditerranéenne de Services une indemnité de 50.000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société Groupe Volkswagen France aux dépens d'appel ; Admet la SCP Roblin au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.