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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 15 mars 1995, n° 20789-93

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

R2P (SARL)

Défendeur :

Edicardio (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vigneron

Conseillers :

Mme Jaubert, M. Potocki

Avoués :

SCP Valdelièvre-Garnier, Me Bolling

Avocats :

Mes Charles, Halpern.

T. com. Paris, du 17 juin 1993

17 juin 1993

Par déclaration remise au Secrétariat Greffe le 23 juillet 1993, la SARL R2P a interjeté appel du jugement du 17 juin 1993 par lequel le Tribunal de Commerce de Paris l'a déboutée de ses demandes en paiement d'indemnité pour rupture abusive et injustifiée du contrat de mandat la liant à la SA Edicardio mais a condamné cette société à lui régler la somme de 57.651 F à titre de commissions et celle de 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société R2P persiste à soutenir que la société Edicardio qui l'avait chargée depuis 1980 de recueillir la publicité à insérer dans sa revue "Coeur et santé" édition médicale et grand public, dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun, y a mis fin sans motifs valables par lettre du 28.12.1990 avec effet au 31 décembre 1991.

La société R2P demande donc de condamner la société Edicardio à lui payer la somme de 1.000.000 F à titre de perte de clientèle et la somme de 1.099.421 F représentant le montant des deux dernières années de commission à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de ce mandat d'intérêt commun.

Enfin la société R2P sollicite la condamnation de la société Edicardio à lui régler la somme de 100.000 F au titre des frais non répétibles.

La société Edicardio représentée par M. Armand Schaller son liquidateur amiable réplique que le Tribunal a justement qualifié ce contrat de mandat et qu'elle l'a révoqué sans abus avec un préavis de 12 mois compte tenu de la stagnation et même la diminution de son chiffre d'affaires de publicité entre 1980 et 1991 ce qui prouve que la société R2P n'a pas développé de clientèle.

En conséquence, la société Edicardio conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société R2P de sa demande d'indemnisation pour rupture des relations contractuelles mais relève appel incident pour être déchargée des condamnations prononcées contre elle et pour obtenir la somme de 100.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société R2P reconnaît que le Tribunal lui a alloué à tort la somme de 57.651 F qu'elle n'avait pas demandée.

SUR LE FOND DU LITIGE :

Considérant que suivant accord verbal conclu en 1980, la société Edicardio a chargé la société R2P de recueillir de la publicité à insérer dans sa revue "Coeur et Santé" moyennant le versement d'une commission proportionnelle au montant des ordres publicitaires;

Que par lettre du 8 septembre 1982, la société Edicardio a renouvelé ce contrat, puis par courrier du 28.12.1990 l'a résilié avec effet au 31.12.1991.

Considérant que les parties sont d'accord pour qualifier ce contrat de mandat mais que la société R2P prétend qu'il s'agit d'un mandat d'intérêt commun ;

Considérant que pour asseoir cette prétention, la société R2P doit établir que la réalisation de l'objet du mandat présentait pour elle-même et pour la société Edicardio l'intérêt d'un essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle;

Considérant qu'il résulte des documents comptables de la société R2P que les ordres publicitaires qu'elle a enregistré pour le compte de la société Edicardio se sont élevés à la somme de 1.945.770 F en 1980 et à la somme de 1.929.349 F en 1990 ce qui révèle une régression de la publicité au cours des relations contractuelles compte tenu de la dévaluation monétaire ;

Considérant que la société R2P ne produit aucun élément pour établir qu'au cours de cette période elle a augmenté la clientèle de la société Edicardio alors qu'elle pouvait aisément rapporter cette preuve compte tenu que dans ses écritures déposées le 15 novembre 1993, elle a déclaré que Mme Vandamme sa gérante l'avait précédée pour recueillir à titre personnel la publicité de la société Edicardio.

Que dans ces conditions, la société R2P ne démontre pas l'existence d'un mandat d'intérêt commun susceptible de justifier sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résiliation sans motif légitime ;

Considérant que le mandat litigieux étant un mandat simple à durée indéterminée, la société Edicardio pouvait le révoquer conformément aux articles 2003 et 2004 du Code Civil;

Qu'elle l'a fait sans abus dès lors qu'elle a accordé à la société R2P un préavis d'un an ;

Qu'en conséquence c'est à bon droit que le Tribunal a débouté la société R2P de ses demandes en paiement de dommages et intérêts ;

Considérant que le jugement doit être réformé en ce qu'il a dépassé les limites du litige en accordant à la société R2P une commission qu'elle n'avait pas demandée ;

Considérant qu'eu égard aux circonstances de la cause, il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de la société Edicardio ses frais non répétibles ;

Par ces motifs : LA COUR, infirmant partiellement le jugement déféré ; Supprime les condamnations prononcées contre la société Edicardio. Deboute cette société représentée par M. Armand Schaller son liquidateur de sa demande en paiement de ses frais non répétibles ; Condamne la SARL R2P aux dépens de première instance et d'appel; Et pour ceux d'appel, accorde un droit de recouvrement direct au profit de Me Bolling avoué.