CA Paris, 5e ch. A, 9 février 2000, n° 1998-17096
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Volkswagen France (SA)
Défendeur :
Garage du Centre (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard-Payen
Conseillers :
Mmes Jaubert, Percheron
Avoués :
SCP Monin, Me Ribaut
Avocats :
Mes Baccichetti, Boisseau.
Par contrat le 11 juillet 1988 conclu pour une durée indéterminée la société Seat France (la société Seat) a concédé à la société Garage du Centre le droit de vendre des véhicules neufs et des pièces de rechange de marque Seat.
Par lettre recommandée reçue le 12 octobre 1992, la société Seat a, dans le respect de dispositions contractuelles résilié le contrat avec un an de préavis. Estimant que cette résiliation était intervenue abusivement et de mauvaise foi la société Garage du Centre a assigné la société Seat devant le Tribunal de Commerce de Nanterre qui par jugement du 1er décembre 1995 :
- s'est déclaré compétent,
- a condamné la société VAG France venant aux droits de la société Seat France à payer au Garage du Centre les sommes de 330.000 francs à titre de dommages et intérêts, de 99.570,81 francs correspondant au remboursement de factures et à la reprise de stocks et de pièces détachées avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 1993 pour 52.978,80 francs HT et du 27 mai 1994 pour 30.976,35 francs HT,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a condamné la société VAG France à payer à la société Garage du Centre la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société VAG France a interjeté appel de cette décision devant la Cour d'appel de Versailles qui, par arrêt du 18 juin 1998, a dit que le Tribunal de Grande Instance de Paris était compétent pour connaître de l'affaire et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris.
Sur ce,
Vu les conclusions du 14 septembre 1999 par lesquelles la société Groupe Volkswagen France (anciennement dénommée VAG France) venant aux droits de la société Seat France demande à la Cour de :
- dire que la résiliation du contrat de concession n'est nullement abusive,
- condamner en conséquence la société Garage du Centre à lui restituer la somme de 330.000 francs TTC avec intérêts au taux légal à compter du paiement de cette somme,
- dire que la demande en paiement dirigée contre elle par la société Garage du Centre est dénuée de tout fondement et condamner en conséquence cette société à lui restituer les sommes de 87.544,36 francs TTC (soit 99.570,81 francs - 12.026,45 francs coût de l'appareil de diagnostic qu'elle a consenti à reprendre) et de 29.754,03 francs (correspondant aux intérêts arrêtés par le jugement) avec intérêts au taux légal à compter du paiement,
- condamner la société Garage du Centre à lui payer la somme de 25.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Vu les conclusions du 21 octobre 1999 par lesquelles la société Garage du Centre prie la Cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société défenderesse au paiement à son profit de diverses sommes,
- y ajoutant, de condamner le Groupe Volkswagen France à lui payer une somme complémentaire de 2.170.000 francs à titre de dommages et intérêts, portant au total l'indemnité allouée pour rupture abusive du contrat de concession à la somme de 2.500.000 francs ainsi que la somme complémentaire de 50.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
LA COUR
1- Sur la résiliation du contrat de concession
Considérant que la société Garage du Centre soutient que la société Seat a résilié abusivement ledit contrat essentiellement, en premier lieu, au motif qu'elle a manqué à son obligation de loyauté, d'une part, en l'encourageant à procéder à des investissements coûteux afin d'acquérir un local situé 121, avenue Victor Hugo mieux implanté dans Boulogne pour surmonter des problèmes concurrentiels locaux et faire redémarrer une marque mal placée sur le marché automobile national alors qu'elle avait l'intention de résilier le contrat de concession, d'autre part, en ne respectant pas son engagement ferme du 27 mars 1992 de procéder à l'identification des nouveaux locaux et de lui verser une participation, en second lieu, au motif qu'elle a usé de prétextes fallacieux pour justifier sa décision ;
Mais considérant que dans un courrier du 19 septembre 1990 la Société Générale a informé Messieurs Philippe et Alain Marquet dirigeants de la société Garage du Centre qu'elle acceptait de leur accorder un prêt de 2.000.000 francs destiné à financer l'acquisition pour la somme de 2.400.000 francs de la totalité des parts sociales d'une SARL titulaire d'un droit au bail sur des locaux situés avenue Victor Hugo à Boulogne, qu'avant cette date la société Garage du Centre n'avait pas entretenu la société Seat de ce projet; que le courrier du 21 février 1990 dans lequel la société Seat insiste sur les résultats médiocres de son concessionnaire tout en notant une amélioration par rapport à l'année précédente ne pouvant que l'encourager " à persévérer dans (ses) efforts de redressement qui passeront par une analyse détaillée de (son) organisation, de (ses) locaux, et de (ses) équipes de vente ", ne pouvait être interprété sauf à le dénaturer, comme une demande de changement de locaux pas plus au demeurant que du personnel;
Que par ailleurs le 15 octobre 1991 la SARL Garage Victor Hugo, représentée par Monsieur Marquet père, a confié à la société Garage du Centre, représentée par Philippe Marquet, la gérance libre de son fonds de commerce pour une durée d'un mois renouvelable tandis qu'elle devait ce même jour signer avec elle une promesse de vente (pièce n° 9) alors qu'au préalable la société Seat s'était seulement engagée à participer à l'identification des locaux, dont elle avait apprécié la localisation ainsi qu'au plan média de lancement " dans l'hypothèse " où l'achat se ferait (courrier du 25 septembre 1991) et que la société Garage du Centre avait souligné dans un courrier du 7 octobre 1991 qu'elle avait évoqué il y a un an l'opportunité d'acquisition du fonds sans avoir reçu de réponse de la société Seat, qu'elle prenait acte de l'intention de cette société de participer " à l'éventuel lancement de la marque Seat dans (le) local (de l'avenue Victor Hugo) " tout en demandant une participation aux frais d'aménagement, demande qu'elle a renouvelée à hauteur de 400.000 francs (courrier du 13 novembre 1991) et qui a été rejetée ;
Qu'il s'ensuit que l'acquisition du fonds de commerce a été décidée par la société Garage du Centre sans concertation préalable avec la société Seat et sans l'intention ferme d'y exploiter la concession Seat (le fonds de commerce cédé avait pour activité celle de garage - réparations - tôlerie - entretien - peinture - pièces détachées ainsi que le négoce de véhicules neufs et d'occasion), était indépendante de la poursuite ou non des relations contractuelles entre les partieset que les autres moyens sont inopérants ;
Que la société Garage du Centre qui ne démontre donc pas le caractère abusif de la résiliation sera déboutée de ses demandes de dommages et intérêtset condamnée à restituer à la société Seat la somme de 330.000 francs dont le paiement n'est pas contesté avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la' présente décision ;
II. - Sur la demande de remboursement de factures et la reprise du stock formée par la société
Considérant, s'agissant des factures, que l'une concerne une carte électronique dont la société Seat ne démontre pas qu'elle ait fait l'objet d'une commande, que d'autres correspondent à des prestations notamment de " sponsoring " et de publicité intervenues en cours de préavis dont la société Seat affirme sans le démontrer qu'elle correspondait à des prestations facturées à chacun de ses concessionnaires ;
Considérant, s'agissant du stock que le concessionnaire a remis au concédant après la résiliation des pièces dont la liste a été établie et chiffrée le 27 mai 1994 et envoyée en recommandé à la société Seat qui n'a formé aucune protestation, que de plus cette société soutient que ce matériel (qui figure dans cette liste sous forme de référence) est exclu de la reprise en application de l'article XVII du contrat alors que cet article n'énonce pas la liste des pièces insusceptibles d'être reprises et stipule seulement que le concédant sera tenu de racheter les pièces de rechange et accessoires figurant au catalogue " pièces de rechange et accessoires " et que ne sont pas considérés comme faisant partie du stock de pièces, les outils spéciaux Seat figurant à la nomenclature pour lesquels toute reprise est exclue ;
Considérant, eu égard à l'ensemble de ces éléments, que le jugement sera confirmé et la société Seat déboutée de sa demande en remboursement des sommes et intérêts versés à ce titre en vertu de l'exécution provisoire ;
III. - Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Considérant qu'il est équitable d'allouer à la société Seat la somme de 15.000 francs ;
Que la société Garage du Centre qui succombe en l'essentiel de ses prétentions sera déboutée de sa demande formée à ce titre ;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société VAG France à payer au Garage du Centre la somme de 99.570,81 francs TTC avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 1993 pour 52.978,80 francs HT et du 27 mai 1994 pour 30.976,35 francs HT ; Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant : Déboute la société Garage du Centre de sa demande en paiement d'indemnité et de celle fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; La condamne à restituer à la société Groupe Volkswagen France la somme de 330.000 francs avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt et à lui payer la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel ; Admet l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.