CA Paris, 5e ch. B, 3 mars 2000, n° 1997-23092
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
New Style Cosmetics Diffusion (SARL)
Défendeur :
Europ Cosmetics (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Conseillers :
M. Faucher, Mme Riffault
Avoués :
Me Bodin-Casalis, SCP Hardouin- Herscovici
Avocats :
Mes Malka, Tabet.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société New Style Cosmetics Diffusion (société NSCD) contre le jugement rendu le 20 juin 1997 par le Tribunal de commerce de Bobigny , qui :
- l'a déboutée de ses demandes en résolution du contrat de distribution exclusive et dommages-intérêts,
- l'a condamnée à payer à la société Europ Cosmetics 1 F à titre de dommages intérêts et 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
- a débouté les parties de toutes prétentions contraires,
- a mis les dépens à la charge de la société demanderesse NSCD.
Le litige porte sur l'exécution d'un contrat de distribution conclu entre la société Europ Cosmetics, fabricant de produits cosmétiques et de beauté, et la société NSCD, distributeur de ces produits auprès des salons de coiffure.
La société appelante expose qu'après avoir acheté à la société Europ Cosmetics en 1993 pour 360.000 F de produits de la marque Nouveau Style, elle a, le 6 avril 1994, conclu avec la même société un contrat de commercialisation des produits de la gamme Amarella, destinés à être diffusés dans les salons de coiffure,
- que la société Europ Cosmetics, bénéficiaire de garanties sous la forme d'une caution bancaire et de 6 chèques remis par les dirigeants de la société NSCD, s'était engagée à lui réserver l'exclusivité de la fourniture des produits Amarella,
- que la société Europ Cosmetics a cependant manqué de manière répétée à ses obligations en effectuant avec retard des livraisons incomplètes, en fournissant parfois des produits "Nouveau Style" en remplacement, en refusant de reprendre des produits défectueux, la plaçant dans une position très difficile auprès de ses propres clients, alors que la société NSCD a toujours exécuté ses propres obligations et que les montants cumulés de la caution bancaire et des chèques de garantie ont été constamment supérieurs à l'encours de la société NSCD.
Aussi la société NSCD demande t-elle à la Cour de :
- constater la violation répétée des clauses et conditions du contrat par la société Europ Cosmetics,
- prononcer la résolution judiciaire, par application de l'article 1184 du Code Civil, dudit contrat aux torts exclusifs de la société Europ Cosmetics,
- condamner cette société à lui payer 500.000 F à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice commercial et 30.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
La société Europ Cosmetics, intimée et incidemment appelante, conclut à la confirmation du jugement critiqué, sauf en ce qu'il a limité à 1 F l'indemnité mise à la charge de la société NSCD, et réclame de ce chef 250.000 F à titre de dommages-intérêts, sollicitant en outre 30.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société intimée soutient pour l'essentiel que la société NSCD n'a jamais établi les programmes prévisionnels exigés par le contrat rendant impossible la constitution de stocks suffisants, n'a procédé qu'à des paiements partiels et irréguliers, ce qui n'a pas empêché la société Europ Cosmetics d'honorer les commandes ponctuelles qui lui étaient adressées et de respecter les délais de livraison contractuellement prévus et a causé par sa défaillance un préjudice important lié à l'impossibilité d'écouler les produits Amarella auprès d'autres commerçants.
Cela étant exposé,
Considérant que le contrat de commercialisation de la gamme de produits cosmétiques "Amarella", dont les parties s'accordent à considérer qu'il a été conclu le 6 avril 1994, prévoit que :
- la société Europ Cosmetics s'engage à fournir les produits concernés à la société NSCD en exclusivité dans une aire géographique comprenant neuf régions, à des prix fixés pour une année, ainsi qu'à garantir la qualité des produits et à remplacer ceux qui se révéleraient défectueux et à livrer dans un délai de 60 jours à réception de commande, ramené à 4 jours ouvrables dans le cas où la commande entre dans les quantités prévues par le programme indicatif que l'acheteur s'engage à communiquer chaque mois,
- la société NSCD s'engage à fournir tous les mois un programme de livraison indicatif valant pour une période de 3 mois, à acheter pour 600.000 F de produits Amarella sur une année pleine, à ne pas diffuser de produits concurrents dans les salons de coiffure de la zone d'exclusivité, à fournir en garantie une caution de 500.000 F émise par la Banque continentale du Luxembourg, complétée par la remise de 6 chèques de 25.000 F chacun, sauf à augmenter la garantie si elle venait à être inférieure au montant de l'encours, à payer par "traite à 60 jours fin de mois le 10", sauf escompte de 3 % pour règlement dans les 8 jours de la réception de la facture.
Considérant que l'exécution de l'ensemble de ces obligations réciproques était nécessaire à l'équilibre du contrat, ainsi que l'ont justement souligné les premiers Juges.
Que la société NSCD s'est abstenue, sauf en deux occurrences, en avril 1994 et mai 1995, de communiquer à son co-contractant le programme de livraison qu'elle devait fournir chaque mois et qui avait pour objet de permettre à la société Europ Cosmetics de prévoir en temps utile la fabrication des quantités de produits nécessaires; que, même dans les deux cas précités, les programmes communiqués n'étaient pas conformes aux dispositions contractuelles, puisque celui d'avril 1994 ne portait que sur le mois suivant et celui de mai 1995 sur les 2 mois suivants.
Que, dès lors, il n'apparaît pas que les griefs de la société NSCD relatifs à des retards prétendus de livraison ou à des livraisons incomplètes, ce qui revient au même, une livraison incomplète pouvant être complétée à l'intérieur du délai contractuel soient fondés, alors que, par sa propre carence, elle s'est interdit d'exiger les livraisons à moins de 60 jours et a sciemment pris le risque de se heurter à des ruptures de stocks momentanées.
Considérant qu'il ressort des pièces produites, en particulier des propres courriers de la société NSCD, que cette société a été à plusieurs reprises dans l'incapacité de régler à leur échéance les sommes dues à la société Europ Cosmetics, qui a consenti des délais de paiement, notamment le 6 septembre 1994; que le cumul des sommes dues par la société NSCD s'élevait au 17 février 1995 à 349.887,10 F, y compris 27.679 F d'intérêts de retard ultérieurement abandonnés.
Considérant que la garantie bancaire de 500.000 F fournie par la Banque Continentale du Luxembourg, venue à expiration en février 1995, n'a pas été renouvelée en dépit des demandes de la société Europ Cosmetics; que la société NSCD a seulement fourni une garantie de la COBAC pour un montant de 150.000 F, ramené à 75.000 F en juillet 1995 avant d'être supprimé en août 1995; que, sur ce point encore, essentiel à la poursuite normale des relations contractuelles, la société NSCD n'a pas respecté les engagements pris.
Considérant qu'hormis le cas de réclamations formulées en août 1995, plus de 18 mois après la livraison, pour des marchandises offertes à la vente dans des conditions non vérifiables par la société Europ Cosmetics, il n'est pas établi que cette société aurait refusé de reprendre des marchandises s'étant avérées incontestablement défectueuses et de les remplacer ou d'émettre un avoir correspondant au profit de la société NSCD.
Considérant qu'il suit de là que c'est à juste raison que le Tribunal a estimé que la rupture des relations contractuelles était imputable à faute, de manière exclusive, à la société NSCD.
Considérant que la société Europ Cosmetics ne prouve par aucune pièce avoir, du fait de cette rupture, été dans l'impossibilité de commercialiser une quantité quelconque de produits "Amarella" ; que son préjudice commercial, lié à la nécessité de réorganiser la distribution de cette gamme de cosmétiques dans la zone d'exclusivité définie par le contrat, est seul établi ; qu'il sera intégralement réparé par l'allocation d'une indemnité de 15.000 F.
Considérant que la société NSCD, qui succombe, devra supporter les dépens d'appel comme ceux de première instance et ne peut qu'être déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Qu'il est équitable de la condamner, en application de ce texte, à payer à la société Europ Cosmetics, pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, la somme de 20.000 F.
Par ces motifs : Réforme le jugement attaqué en ce qu'il a alloué à la société Europ Cosmetics 1 F à titre de dommages intérêts et, statuant à nouveau de ce chef, Condamne la société NSCD à payer à la société Europ Cosmetics 15.000 F à titre de dommages intérêts, Confirme pour le surplus le jugement déféré, Déboute la société NSCD de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne, en application du texte susvisé, à payer à la société Europ Cosmetics 20.000 F pour le frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, La condamne aux dépens d'appel et admet la SCP Hardouin Herscovici, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.