CA Paris, 5e ch. C, 29 septembre 2000, n° 1998-26396
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Esseiesse (Sté)
Défendeur :
Naf-Naf (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Desgrange
Conseillers :
MM. Bouche, Savatier
Avoués :
SCP Bourdais-Virenque, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Monestier, Dezeuze.
Selon contrat en date du 27 octobre 1989, la société Naf-Naf a confié à la société de droit italien Robazza, la distribution exclusive de ses articles de confection sur le territoire italien, sous forme d'une concession de vente et d'une licence d'utilisation de la marque Naf-Naf à titre d'enseigne.
Par convention du 27 mars 1991, les sociétés Naf-Naf et Robazza ont convenu du transfert du contrat signé le 27 octobre 1989 à la société de droit italien Esseiesse appartenant au même groupe que la société Robazza et dirigée également par Monsieur Robazza.
Le contrat en date du 27 octobre 1989 conclu pour une durée de trois années à compter du 10 janvier 1990 devant expirer le 31 décembre 1992, les parties se sont rapprochées au cours de l'année 1992 pour organiser les modalités de la poursuite de leur collaboration. Dans ce contexte elles ont signé le 12 juin 1992 un protocole d'accord retenant deux solutions à savoir : la création au premier trimestre 1994 d'une filiale commune chargée de la distribution des produits Naf-Naf en Italie dont les parts seraient détenues à 51 % par Naf-Naf et 49 % par Esseiesse ou la conclusion en janvier 1993 d'un accord de distribution d'une durée de cinq années.
Par la suite pour exprimer leurs relations dans le long terme, les sociétés Naf-Naf et Esseiesse ont signé deux documents datés l'un et l'autre du 13 novembre 1992.
Le premier dénommé "Protocole d'accord", a concédé à la société Esseiesse à l'exclusion de la vente par correspondance et des produits données en licence par la société Naf-Naf, la distribution exclusive des produits commercialisés par la société Naf-Naf sur le territoire italien pendant trois saisons, soit les saisons Printemps-Eté 1993, Automne-Hiver 1993-94 et Printemps-Eté 1994 ; la remise initiale de 15 % a été portée à 25 % pour les deux premières saisons et à 30 % pour la troisième ; cet accord a précisé qu'il était subordonné au paiement immédiat par la société Esseiesse de la somme de 3.988.194,07 F que celle-ci restait devoir à la société Naf-Naf.
Dans le second document dénommé "Projet des futures collaborations pour les années 95-96-97" les parties ont envisagé diverses possibilités alternatives pour leurs futures relations.
Durant l'année 1993 et sur la base du protocole d'accord du 13 novembre 1992, la société Esseiesse a poursuivi la distribution des produits Naf-Naf. En revanche malgré l'échange d'un abondant courrier les deux sociétés ne sont pas parvenues à établir un accord sur les termes de leurs futures collaborations pour les années 1995-1996 et 1997.
Reprochant à la société Naf-Naf d'avoir abusivement et brutalement rompu le 19 janvier 1994 toute relation avec elle tant en ce qui concerne son contrat de concessionnaire exclusif d'importateur des produits Naf-Naf en Italie que les pourparlers engagés en vue de leurs futures collaborations, la société Esseiesse a par acte du 5 avril 1994, assigné la société Naf-Naf devant le tribunal de Commerce de Paris aux fins de la voir condamner :
- au paiement d'une indemnité de clientèle de 888.863 F,
- au paiement de la contre-valeur en francs de la somme de 240.000.000 lires à titre de dommages-intérêts pour la réparation d'un préjudice subi pour la saison Automne-Hiver 1993-1994,
- au paiement de la contre-valeur en francs de la somme de 240.000.000 lires au titre du préjudice subi pour la saison Printemps-Eté 1994,
- au paiement d'une somme de 2.271.964 F en réparation du gain manqué pour la saison Automne-Hiver 1994-1995,
- au paiement d'une somme de 2.142.857 F en réparation du gain manqué pour les années 1995-1996 et 1997,
- au paiement d'une somme de 2.000.000 F pour réparation du préjudice moral allégué de la société,
- au paiement d'une provision de 1.159.763.000 lires sur les dommages-intérêts qui lui seraient dus en réparation du préjudice allégué résultant du défaut d'amortissement de prétendus investissements qui auraient été réalisés par la société Esseiesse.
La société Esseiesse a également sollicité une expertise en vue d'évaluer le surplus de son préjudice, résultant du chiffre d'affaires qu'aurait réalisé directement la société Naf-Naf en Italie après la rupture et demandé la condamnation de la société Naf-Naf à payer les frais d'expertise ainsi qu'au paiement de la somme de 50.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement en date du 3 novembre 1998, le tribunal de Commerce de Paris a partiellement accueilli la demande de la société Esseiesse en condamnant la société Naf-Naf à payer à la société Esseiesse la somme de 200.000 F à titre de dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice constitué par la rupture fautive des négociations portant sur le projet des collaborations futures et la perte de la chance qu'elle aurait pu avoir de poursuivre lesdites collaborations.
Les premiers juges ont en revanche débouté la société Esseiesse de ses autres demandes tendant à la réparation des préjudices qu'elle prétendait découler de la rupture du contrat de concession qui liait les parties ; ils ont énoncé que la société Naf-Naf avait agi à l'intérieur des limites convenues au protocole d'accord, que celui-ci était conclu pour une durée déterminée et que la société Naf-Naf n'avait pas abusé de sa position de domination économique.
La société Esseiesse a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 12 mai 2000 auxquelles il est renvoyé, la société Esseiesse conclut à l'infirmation, en toutes ses dispositions, du jugement entrepris et reprend devant la Cour les demandes d'indemnisation de ses préjudices tels que chiffrés dans son acte introductif d'instance.
Elle reproche aux premiers juges de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnisation relative au non- renouvellement du contrat de concession, en affirmant que la société Naf-Naf a manqué à son devoir de loyauté envers elle dès lors que le principe d'une collaboration à long terme était acquis ; qu'elle s'est au surplus abstenue d'observer un préavis conforme aux usages et permettant au concessionnaire après la rupture de prendre les mesures nécessaires à sa reconversion.
Elle affirme que les propositions inacceptables que lui a faites la société Naf- Naf pour organiser leurs relations dont le principe était acquis dès le 13 novembre 1992 dans le "Projet des futures collaborations" auquel elle donne une portée contractuelle, caractérisent la volonté fautive de la société Naf-Naf d'échapper à ses obligations et engagent sa responsabilité dans l'échec des négociations.
Elle soutient que la société Naf-Naf a exploité de manière abusive l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait et qu'elle a commis une pratique abusive au sens de l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Elle réclame réparation de tous les préjudices que lui a causés l'attitude fautive de la société Naf-Naf et demande à être indemnisée pour des montants identiques à ceux réclamés aux premiers juges, de la rupture abusive de ses relations commerciales, de la fermeture de son entreprise, de l'atteinte à son image et de son préjudice moral et des investissements réalisés pour diffuser les produits Naf-Naf. Elle réclame également le paiement d'une indemnité de clientèle et l'indemnisation de son manque à gagner pour la saison automne Hiver 1993-94 et Printemps-Eté 1994 ainsi que les saisons antérieures à raison de retards de livraison et de qualité défectueuse des produits livrés.
Elle sollicite, aux frais avancés de la société Naf-Naf, une expertise en vue de déterminer le manque à gagner dont elle estime devoir être indemnisée à raison des ventes directes qu'aurait effectuées la société Naf-Naf en commercialisant directement ses produits sur le territoire italien pendant la période des relations contractuelles. Elle réclame que lui soit allouée la somme de 60.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 20 avril 2000 auxquelles il est renvoyé, la société Naf-Naf soutient n'avoir commis aucune faute, pas même à l'occasion de la cessation des pourparlers dont elle estime qu'à tort que le jugement frappé d'appel l'a déclarée abusive, et a prononcé contre elle, à ce titre, une condamnation à payer à la société Esseiesse la somme de 200.000 F à titre de dommages-intérêts.
Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Esseiesse de ses demandes d'indemnisation pour rupture fautive de l'accord de distribution mais à son infirmation en ce qu'il lui a imputé une faute dans la rupture des pourparlers avec la société Esseiesse.
Elle affirme que de toute façon la société Esseiesse ne démontre pas l'existence des dommages qu'elle invoque et s'oppose à la mesure d'expertise sollicitée.
Elle réclame la condamnation de la société Esseiesse à lui payer la somme de 100.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Sur ce, LA COUR
Considérant qu'il résulte des documents mis aux débats, et spécialement du contrat de concession commerciale et d'utilisation partielle de la marque Naf- Naf, conclu le 27 octobre 1989 entre la société Naf-Naf et la société Robazza, ainsi que de la convention du 27 mars 1991 par laquelle a été transférée à la société Esseiesse ledit contrat de concession commerciale conclu le 27 octobre 1989, que la société Naf-Naf a confié à la société de droit italien Robazza la distribution exclusive sur le territoire italien de ses articles de confection; que cette convention a été conclue pour une durée de trois années; qu'elle imposait au distributeur la réalisation de chiffres d'affaires minimaux, soit 7 millions de francs en 1990, 14 millions de francs en 1991 et 18 millions de francs en 1992; que le distributeur percevait une remise de 15 % et que l'exclusivité de distribution ne pesait que sur la société Naf-Naf, la société Esseiesse distribuant par ailleurs sur le territoire italien, outre les articles Naf-Naf, les articles de marques Escada et Coup de Coeur.
Considérant que les parties, souhaitant organiser une meilleure orientation de leur collaboration, ont conclu le 12 juin 1992 "un accord intermédiaire et provisoire" qui stipule que devront être définies à court terme les modalités de la distribution par la société Esseiesse des produits Naf-Naf pour une implantation durable de ceux-ci sur le territoire italien; qu'en effet selon cet accord du 12 juin 1992, devait être conclu soit un accord de distribution d'une durée de cinq années, au plus tard en janvier 1993, soit créée une filiale commune chargée de la distribution des produits Naf-Naf en Italie, au plus tard au premier trimestre 1994;
Considérant que les discussions menées au cours de l'année 1992 ont abouti à la conclusion, le 13 novembre 1992, de deux accords indépendants l'un de l'autre: le premier dénommé "protocole d'accord", le second "projet des futures collaborations pour les années 95, 96 et 97"; que le choix opéré par les deux parties, de développer leurs relations selon une stratégie à moyen terme dans le protocole d'accord avant d'organiser leurs relations à long terme dans le projet des futures collaborations pour les années 95, 96 et 97, est clair et a engendré des obligations spécifiques pour chacun des partenaires.
Considérant en effet que "le protocole d'accord" signé le 13 novembre 1992 a eu pour seul objet de concéder, à l'exclusion de la vente par correspondance et des produits donnés en licence par la société Naf-Naf, la distribution exclusive des produits commercialisés par Naf-Naf sur le territoire de l'Italie, et ce pendant trois saisons soit les saisons Printemps-Eté 1994, Automne-Hiver 1993-1994 et Printemps-Eté 1994, moyennant une remise de 25 % sur la base des tarifs Naf-Naf pour les deux premières saisons et de 30 % pour la troisième saison;
Considérant que la société Esseiesse n'est pas fondée à se plaindre de ce qu'il n'ait pas été procédé dans les quinze jours du protocole d'accord qui le stipulait, à la formalisation d'un nouveau contrat de distribution ; que contrairement à ses allégations, la société Esseiesse n'a jamais, dans les nombreuses correspondances qu'elle a adressées à cette époque à la société Naf-Naf, réclamé qu'un tel contrat soit établi; qu'il est patent que la collaboration entre les parties s'est poursuivie selon le même scénario juridique et commercial que depuis le contrat de 1989, ce que la société Naf-Naf a d'ailleurs rappelé à son partenaire dans un courrier du 9 novembre 1992 précédant la signature du protocole en des termes clairs ainsi rédigés : "Il va sans dire que durant des trois saisons, vous serez tenu vis-à-vis de notre société des mêmes obligations que celles qui découlaient de notre contrat en date du 27 octobre 1989"; que la société Naf-Naf fait cependant remarquer qu'aucun minimum d'achats de produits Naf-Naf ne figurait dans ledit protocole d'accord, contrairement aux dispositions de l'accord de distribution du 27 octobre 1989, ce qui était plus favorable au distributeur.
Considérant que s'agissant de la durée de ce contrat, il n'est pas contesté que par application du protocole d'accord du 13 novembre 1992 les relations commerciales entre les parties devaient avoir une durée déterminée pour se terminer après la commercialisation des produits Naf-Naf pour la saison Printemps-Eté 1994; que la société Esseiesse ne rapporte aucune preuve que la société Naf-Naf lui aurait laissé croire qu'après cette date leurs relations se prolongeraient au-delà de cette période par un nouveau contrat de distribution; qu'il est manifeste que le protocole d'accord signé le 13 novembre 1992 avait une durée déterminée, devant s'achever au terme de la saison Printemps-Eté 1994 puisque "le projet des futures collaborations pour les années 1995, 1996 et 1997" pose précisément le terme de la saison Printemps-Eté 1994 pour point de départ des possibilités envisagées par les deux parties pour leurs futures collaborations ; qu'ainsi la société Esseiesse ne rapporte pas la preuve que la société Naf-Naf aurait manqué à l'obligation de loyauté édictée par l'article 1134 alinéa 3 du Code Civil; qu'il est inexact, comme le prétend la société Esseiesse, que le principe d'une collaboration à long terme était acquis dans le protocole d'accord puisque précisément, à cette fin, le projet des futures collaborations pour les années à venir a été élaboré et signé par les parties.
Considérant qu'aucun préavis n'était prévu dans le protocole d'accord du 13 novembre 1992; que contrairement aux affirmations inexactes de la société Esseiesse il n'a pas été conclu en vue de régir une période transitoire, ce pourquoi avait été signé le protocole du 12 juin 1992, mais bien pour organiser les relations commerciales des parties durant la période déterminée de trois saisons s'achevant avec celle de Printemps-Eté 1994 ;
Que dans ces conditions, il ne peut être reproché aucune faute à la société Naf-Naf qui a respecté les usages en matière de rupture; qu'en effet la lettre en date du 19 janvier 1994 par laquelle la société Naf-Naf a mis fin au contrat de concession est intervenue six mois avant le terme déterminé par la commercialisation de la saison Printemps-Eté 1994, de sorte que cette rupture n'a pas été brutale et a laissé à la société Esseiesse la possibilité de trouver des alternatives à son activité et ce, d'autant plus aisément que le contrat ne lui imposait aucune exclusivité
Considérant que la société Esseiesse n'est pas fondée dans ces circonstances à prétendre que la société Naf-Naf aurait exploité de manière abusive l'état de dépendance économique dans laquelle elle se trouvait; qu'aux termes de l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 l'abus de dépendance économique n'est prohibé qu'à condition que l'agent qui en est victime n'ait pas de solution équivalente, que la société Esseiesse avait la possibilité de s'approvisionner en produits équivalents auprès d'autres fournisseurs de prêt à porter; qu'il résulte des documents d'information mis aux débats par la société Esseiesse, que la société Esseiesse a importé outre les articles Naf-Naf les produits de la marque Coup de Coeur et Escada; que si à la date de la rupture des relations commerciales, le chiffre d'affaires de la société Esseiesse était certes constitué par la distribution des produits Naf-Naf, force est de constater que cette situation découle de la seule volonté de son dirigeant Monsieur Robazza et non d'un abus de dépendance économique allégué par la société Esseiesse mais qu'elle ne le démontre pas.
Considérant que pour ces motifs, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges qui ont écarté toute faute dans la rupture du contrat de concession ayant selon le protocole d'accord du 13 novembre 1992, lié la société Naf-Naf et la société Esseiesse et ont débouté cette dernière de ses demandes d'indemnisation à ce titre.
Considérant que "le projet des collaborations futures pour les années 95, 96 et 97" que les société Naf-Naf et Esseiesse ont signé le 13 novembre 1992 dispose qu'au terme des relations qui se sont écoulées durant les trois saisons visées dans le protocole d'accord soit à la fin de la saison Printemps-Eté 1994, les parties envisagent diverses possibilités pour leurs futures relations.
Considérant que la dénomination de "Projet "donné d'un commun accord par les parties à ce document, démontre que les deux signataires se sont accordés dans le seul but de rechercher la possibilité d'organiser leurs relations futures et ont convenu de mener ensemble des négociations à partir des options décrites dans le projet ; qu'en revanche il est patent en l'état des termes précis de cet acte, qu'elles se sont engagées à rechercher des solutions dans la perspective d'une collaboration durable, étalée dans le temps, sur trois années devant permettre l'implantation durable en Italie de la société Naf-Naf dans le commerce de gros et de détail.
Considérant que les modalités envisagées par les parties pour organiser sur le long terme leurs futures collaborations sont les suivantes :
- soit conclusion d'un nouvel accord commercial accompagné d'une remise de 30 % sur la base des tarifs Naf- Naf, départ dépôts, en vigueur étant entendu qu'un minimum d'achat devra être déterminé entre les parties,
- soit un accord par lequel la société Esseiesse importerait directement les produits Naf-Naf au prix de revient. En contre partie de quoi, la société Esseiesse verserait à la société Naf-Naf des redevances s'élevant à 9 % sur le chiffre d'affaires final réalisé. Un minimum garanti de versement de redevance devra être déterminé entre les parties.
Que cet acte imposait en outre d'une part à la société Naf-Naf de proposer pour les années 1995, 1996 et 1997 pour le commerce de gros un projet de partenariat à la société Esseiesse et d'autre part d'ouvrir elle- même des points de vente de commerce de détail sur le territoire italien.
Considérant que les courriers échangés en décembre 1993 et janvier 1994 entre les parties démontrent que la société Naf-Naf a fait à la société Esseiesse des propositions de modalités de commercialisation en gros des produits Naf-Naf; qu'en revanche la société Esseiesse n'a pas manifesté une volonté sérieuse d'organiser avec la société Naf-Naf des relations commerciales pour les années à venir, ainsi que le prévoyait le projet des futures collaborations ;
Qu'en effet que dans son courrier en date du 5 août 1993 la société Esseiesse se borne à des considérations générales sur l'évolution souhaitable d'implantation des boutiques Naf-Naf en Italie, soit par l'intermédiaire de franchises, soit en exploitation directe ; qu'en revanche elle ne formule aucune proposition précise et étayée permettant à la société Naf-Naf de déterminer les modalités effectives de la collaboration des parties pour les trois prochaines années; que de façon explicite dans son courrier du 13 décembre 1993, la société Esseiesse a seulement fait une offre pour la saison Automne-Hiver 1994/95 en proposant une redevance de 450.000 F pour 35.000 pièces vendues, ce qui constitue une prévision en baisse de 65 % par rapport aux achats de la société Esseiesse à la société Naf-Naf pour les saisons Printemps-Eté ou Automne-Hiver 1993; que pour les années 1996 et 1997 elle a invité la société Naf-Naf à "revoir la situation".
Considérant qu'en recourant à des termes vagues et imprécis sur l'avenir de sa collaboration avec la société Naf-Naf, et loin de formuler un projet pour les trois années à venir comme envisagé dans le projet des futures collaborations qu'elle a signé le 13 novembre 1992, la société Esseiesse n'a pas entendu aller au-delà de la saison Automne-Hiver 1994 et n'a proposé qu'une convention temporaire, valable pour une saison, et a laissé la société Naf-Naf dans l'incertitude quant à la poursuite et aux modalités de leurs futures relations commerciales; qu'à l'évidence cette attitude est contraire aux termes du projet selon lequel les parties devaient négocier sur des propositions pluriannuelles;
Que c'est donc à juste titre que la société Naf-Naf a souligné dans son courrier adressé le 29 décembre 1993 à la société Esseiesse que cette proposition n'était pas conforme à ce qui avait été établi le 13 novembre 1992, et a fait valoir avec raison que la proposition devait couvrir l'ensemble des années commerciales 1995, 1996, 1997 et qu'elle ne pouvait envisager une future collaboration se négociant au coup par coup d'une année sur l'autre; qu'ayant souligné que les minima garantis proposés par la société Esseiesse étaient dérisoires; la société Naf-Naf a invité la société Esseiesse à faire connaître sa position au plus tard le 10 janvier 1994 afin de définir ensemble les termes contractuels de leur future collaboration.
Considérant que la société Esseiesse a attendu le 13 janvier 1994 pour répondre à cette lettre; que loin de formuler dans la logique du projet des futures collaborations et de son engagement une proposition sur les objectifs des trois années à venir, elle a persisté à n'avancer de proposition que pour la saison Automne-Hiver 1994, en différant toute définition de son attitude pour les années à venir; que se bornant "à proposer de faire la campagne de vente de l'Automne-Hiver 1994 déjà totalement programmée aux conditions anciennes et de définir d'ici avril s'il existe ou non la possibilité de trouver un point d'accord pour les années 95, 96, 97", la société Esseiesse a de toute évidence entendu agir de manière dilatoire, se gardant de toute proposition pour le futur et ne prenant aucun engagement vis-à-vis de la société Naf-Naf pour les années à venir, tout en maintenant les conditions de ristourne de 25 % sans être tenue pour la saison à venir à des minima d'achats et ce au moment où la présentation et la distribution de la collection Automne-Hiver 1994/95 auraient dû commencer.
Considérant qu'en ne proposant qu'une convention temporaire valable pour une seule saison et en laissant la société Naf-Naf dans l'incertitude de la poursuite de leurs futures collaborations la société Esseiesse a fait preuve de mauvaise foi dans les négociations auxquelles selon le projet qu'elle a signé le 13 novembre 1992, elle avait souscrit.
Que dans ces circonstances il ne peut pas, contrairement aux énonciations des premiers juges, être reproché à la société Naf-Naf de s'être rendue coupable d'une rupture brutale et fautive des négociations avec la société Esseiesse ni de s'être abstenue de proposer des rencontres d'urgence pour aboutir à un accord.
Considérant que par l'attitude dilatoire que ses courriers démontrent, la société Esseiesse a délibérément souhaiter se placer en dehors du cadre défini par le projet qui tendait à organiser l'éventuelle collaboration des parties après la saison Printemps-Eté 1994 pour les années 1995, 1996, 1997 ; qu'en ne présentant aucune proposition au-delà de la saison Automne-Hiver 1994 malgré les sollicitations réitérées que lui a faites la société Naf-Naf, la société Esseiesse a manifesté sa volonté d'inscrire sa relation avec la société Naf-Naf dans la précarité alors que la société Naf-Naf était en droit d'attendre de sa partenaire des propositions sérieuses de définition d'une politique de distribution de ses produits sur le long terme en vue d'une implantation durable en Italie.
Considérant qu'il est évident que la société Naf-Naf avait besoin d'une réponse rapide afin que son activité en Italie ne soit pas altérée par le ralentissement du processus de négociation engagée avec la société Esseiesse; que celui-ci était manifeste puisque la société Esseiesse s'est gardée de faire quelque offre que ce soit pour les trois années commerciales convenues; que devant le peu d'empressement de la société Esseiesse qui n'a véritablement pas voulu entrer dans les négociations, la société Naf-Naf était fondée à ne pas prolonger des discussions que manifestement la société Esseiesse ne souhaitait pas voir aboutir; qu'ainsi aucune faute ne peut être reprochée à la société Naf-Naf pour avoir signifié à la société Esseiesse par lettre du 19 janvier 1994 qu'elle reprenait sa liberté sur le territoire italien à compter de la saison Automne-Hiver 1994/95.
Considérant que la société Esseiesse a tenté de jeter le discrédit sur la société Naf-Naf en lui reprochant de n'avoir pas voulu mener à terme les négociations en cours, en invoquant le fait que la société Naf-Naf a négocié, fin janvier 1994, le bail d'un local à Milan ; que cette initiative de la société Naf-Naf n'est nullement critiquable; qu'elle s'insère dans le cadre du projet des futures collaborations signé le 13 novembre 1992 qui prévoit que "pour l'exploitation des commerces de détail, Monsieur Robazza souhaite que la société Naf-Naf ouvre elle-même des points de vente sur le territoire italien" ; que d'ailleurs dès le 5 août 1993, la société Esseiesse écrivait à la société Naf-Naf: "Pour vous, il est maintenant nécessaire de commencer à ouvrir quelques magasins directement gérés qui serviraient également de publicité pour le reste du marché"; qu'en cherchant à s'implanter en Italie, la société Naf-Naf a donc fait que respecter les termes de l'acte liant les parties.
Considérant que sont ainsi démontrées l'attitude dilatoire et la volonté délibérée de la société Esseiesse de ne pas se placer, pour les pourparlers engagés avec la société Naf-Naf, dans le cadre du projet des futures collaborations pour les années 95, 96 et 97; qu'ayant constaté l'impossibilité de mener à bien ces négociations dans le schéma convenu, la société Naf-Naf était fondée à ne pas prolonger des discussions rendues vaines par le comportement fautif de la société Esseiesse;
Que la société Esseiesse doit seule supporter les conséquences de son attitude; qu'en conséquence, aucune faute ne pouvant être imputée à la société Naf-Naf dans la rupture des négociations avec la société Esseiesse, il y a lieu d'infirmer le jugement et de débouter la société Esseiesse de toutes ses demandes d'indemnisation des préjudices qu'elle invoque, la demande d'expertise devenant sans objet.
Considérant que l'équité ne commande pas l'application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par ces motifs : LA COUR : Déclare recevable l'appel formé par la société Esseiesse ; Infirme le jugement déféré ; Statuant à nouveau ; Déboute la société Esseiesse de toutes ses demandes ; Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs ; Condamne la société Esseiesse au paiement des dépens de première instance et d'appel, avec admission pour ces derniers de l'avoué concerné, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.