Cass. com., 17 octobre 2000, n° 97-15.089
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Groupe Volkswagen France (SA)
Défendeur :
LS Auto (SA), Leray (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
M. Tricot
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Peignot, Garreau, SCP Lesourd.
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 21 mars 1997), que le 23 mars 1993, la société Seat France (société SF), aux droits de laquelle se trouve la société Volkswagen France (la société VF), a notifié à la société LS Auto la résiliation de plein droit, avec effet immédiat et sans préavis, du contrat de concession de marques automobiles conclu entre elles le 1er juillet 1988 pour une durée indéterminée ; que la cour d'appel, accueillant la demande présentée par la société LS Auto, dont le redressement judiciaire a été ouvert le 26 mars 1993, ainsi que par M. Leray, représentant de ses créanciers et commissaire à l'exécution du plan de redressement de l'entreprise, a condamné la société VF à payer à la société concessionnaire la somme de 3 400 000 francs à titre de dommages-intérêts du fait de cette résiliation ;
Attendu que la société VF reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit et ne peut substituer des considérations particulières d'opportunité à la force obligatoire de la convention des parties, si bien qu'en reconnaissant expressément les retards de paiements de la société LS Auto au détriment de la société SF pour un montant de 1 077 231, 44 francs tout en refusant de faire application de la clause résolutoire prévue à 'article XV-3 du contrat de concession prévoyant expressément la résiliation immédiate du contrat en raison d'impayés ou de non-respect d'une échéance, dont elle reconnaissait la validité, la cour d'appel a, statuant par des motifs inopérants, violé les articles 12 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil par refus d'application ; alors, d'autre part, qu'un contrat de concession à durée indéterminée peut être librement résilié sauf abus de droit, caractérisé par la mauvaise foi, l'intention de nuire à son cocontractant ou encore lorsque le concédant a laissé espérer au concessionnaire une certaine stabilité du rapport contractuel, de sorte qu'en jugeant abusive la résiliation du contrat de concession intervenue, faute pour la société concédante d'avoir consenti des facilités de paiements à son concessionnaire en difficulté à la suite des investissements, sans caractériser en quoi cette circonstance était constitutive d'un abus de droit, surtout au regard de l'importance des impayés atteignant la somme de 1 077 231,44 francs, et au regard du fait que la société SF avait proposé de mettre en œuvre la clause de réserve de propriété, ce qui aurait eu pour conséquence d'annuler la dette, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, en outre, qu'en jugeant encore abusive la résiliation du contrat de concession aux motifs que le concédant ne niait pas les efforts d'amélioration et la dégradation financière que ces investissements avaient engendrés, et qu'il avait lui-même imposés, tandis que la simple dénégation d'un fait ne peut établir la véracité du fait allégué qu'il appartenait à la société concessionnaire de démontrer, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé ainsi l'article 1315 du Code civil ; alors, encore, que le procès-verbal de saisie-revendication du 19 mars 1993 dressé par huissier mentionnait de façon claire et précise que cet huissier avait procédé à la saisie- revendication du ou des biens ci-après décrits, soit 19 véhicules, dont le véhicule Ibiza 213 749, que le procès-verbal du 24 mars 1993, rappelait à titre liminaire, la saisie de ce véhicule, mais ne faisait en revanche pas mention de l'enlèvement de ce véhicule, ce dont il résultait que celui-ci avait été détourné entre temps, si bien qu'en considérant qu'il ne résultait pas des procès-verbaux d'huissier que le véhicule avait été détourné de la saisie, les juges d'appel ont dénaturé ces procès-verbaux en date des 19 et 24 mars 1993, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que tout jugement doit être motivé et contenir l'indication des éléments en fonction desquels les juges se sont déterminés, si bien qu'en évaluant le montant des dommages-intérêts à une somme de 3 400 000 francs sur la base d'une marge brute, sans énoncer sur quels éléments de référence elle se fondait, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que le procès-verbal de saisie revendication établi par l'huissier le 19 mars 1993 mentionnant que le véhicule Ibiza 213 747 avait été vendu le 17 mars 1993 à une dame Mouret, la cour d'appel n'a pas dénaturé ce document et le procès-verbal d'enlèvement établi par le même huissier le 25 mars 1993, en décidant, après avoir souverainement interprété ces actes empreints d'ambiguïté, que la société VF ne démontrait pas que le véhicule en cause avait été livré à son acquéreur après avoir été saisi ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que l'article XV.3 du contrat autorisait une résiliation à effet immédiat sans mise en demeure dans certaines hypothèses, par dérogation aux règles de la résiliation des contrats à durée indéterminée dont fait état la deuxième branche, la cour d'appel a constaté que la société SF avait contraint la société LS Auto, dont la "pénétration sur le marché automobile" était satisfaisante, à déclarer la cessation de ses paiements et avait procédé à des ventes désastreuses qui avaient eu pour résultat de faire apparaître une créance de 1 095 110,01 francs qui n'aurait pas existé si des avoirs correspondant aux reprises de véhicules avaient été établis; que, sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel, qui a déduit de ces constatations que la société concédante avait abusé de son droit de résiliation immédiate et avait engagé lourdement sa responsabilité, a légalement justifié sa décision;
Attendu, enfin, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, se référant au mode de calcul qui lui a paru le mieux approprié, a fixé l'indemnité devant réparer le dommage ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.