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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. A, 17 octobre 2000, n° 97-2452

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Impression Maquette Publicité (SARL)

Défendeur :

Commune de Cenon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bizot

Conseillers :

Mme Carbonnier, M. Cheminade

Avoués :

Me Fournier, SCP Touton-Pineau, Figerou

Avocats :

Mes Harmand, Garcia, Anziani.

TGI Bordeaux, du 6 mars 1997

6 mars 1997

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux du 06 mars 1997, qui a débouté la SARL Impression Maquette Publicité (IMP) de toutes ses demandes dirigées contre la commune de Cenon (33), qui a débouté celle-ci du surplus de ses demandes, qui a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et qui a laissé les dépens à la charge de la société IMP ;

Vu la déclaration d'appel de la SARL IMP du 06 mai 1997; Vu les conclusions de l'appelante signifiées le 21 août 1997 ;

Vu les conclusions de la commune de Cenon, contenant appel incident, signifiées le 10 février 1998 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 09 mai 2000 ;

Discussion

Attendu que la SARL IMP, qui avait conclu avec la commune de Cenon un contrat lui confiant l'édition d'une revue municipale, a fait assigner son cocontractant devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux en paiement des sommes de 20.000 F pour rupture abusive de cette convention et de 157.225 F à titre d'indemnité de clientèle ;

1) Sur la demande d'indemnisation pour rupture abusive du contrat

Attendu que pour caractériser une rupture abusive du contrat, la SARL IMP soutient en premier lieu que la commune de Cenon a résilié la convention sans respecter le délai de préavis de trois mois contractuellement prévu ; qu'elle fait valoir à cet égard que le contrat qui régissait les rapports entre les parties était un acte du 13 mai 1985, modifié selon avenant du 14 octobre 1985, et qu'en le dénonçant par lettre datée du 14 mai 1993, la ville de Cenon n'a pas respecté le préavis convenu ; que la commune conteste cette analyse, en soutenant que le contrat applicable était l'acte conclu le 14 octobre 1985 et qu'elle a parfaitement respecté le délai de préavis prévu, en le dénonçant " 7 mois avant l'échéance constituée par une parution en fin d'année " ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que les parties ont conclu quatre contrats successifs sous seing privé intitulés " Contrat d'engagement " et ayant pour objet l'édition d'une revue municipale : le premier le 25 août 1979, pour un durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, avec possibilité de dénonciation par lettre recommandée avec un préavis de trois mois avant chaque échéance annuelle, le deuxième le 1er juin 1981, pour une durée de quatre ans, renouvelable et dénonçable de la même manière que le précédent, le troisième le 13 mai 1985, pour la même durée et aux mêmes conditions que le précédent, le quatrième le 14 octobre 1985, pour une durée d'un an, renouvelable et dénonçable toujours selon les mêmes conditions que ces contrats, qui reproduisent chacun la totalité des clauses convenues et qui ne contiennent aucune référence aux engagements antérieurs, constituent quatre conventions distinctes, qui ont successivement régi les rapports entre les parties, en se substituant l'une à l'autre ; qu'il s'ensuit qu'à la date de la dénonciation par la commune de Cenon, c'était le contrat le plus récent, conclu le 14 octobre 1985, qui était applicable ; que cette convention venant à son terme la veille de sa date anniversaire, soit le 13 octobre 1993, il apparaît que la dénonciation, réalisée selon lettre recommandée du 14 mai 1993, a été donnée dans le respect du délai de préavis de trois mois contractuellement prévu ; que le moyen pris de la violation de ce délai n'est pas fondé ;

Attendu que la SARL IMP soutient en second lieu que la rupture est abusive en raison de motifs allégués par la commune, a savoir des reproches très généraux sur la qualité de ses prestations ; que toutefois, la commune de Cenon, qui ne cherchait pas à résilier un contrat en cours pour inexécution des obligations de son cocontractant, mais à éviter le renouvellement par tacite reconduction d'une convention à son terme, n'avait pas l'obligation de motiver sa décision à ce sujet, celle-ci présentant un caractère purement discrétionnaire, ainsi que l'appelante le reconnaît d'ailleurs elle-même à la page 4, paragraphe 5 de ses conclusions ; qu'il s'ensuit qu'à le supposer erroné, le motif énoncé dans la lettre du 14 mai 1993 et repris dans une lettre de confirmation ultérieure du 28 juillet 1993, ne saurait être constitutif d'un abus ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SARL IMP de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat ;

2) Sur la demande d'une indemnité de clientèle

Attendu que pour prétendre à une indemnité de clientèle, la SARL IMP reproche en premier lieu à la commune de Cenon d'avoir, en méconnaissance des clauses du contrat, utilisé dans la nouvelle revue municipale, parue après la rupture, la clientèle d'annonceurs démarchés par elle-même dès l'origine ;

Attendu cependant que la convention du 14 octobre 1985, de même que celle des 1er juin 1981 et 13 mai 1985 qui l'ont précédée, précise seulement que " l'IMP aura l'exclusivité de toute cette publicité qui restera sa propriété, et ne pourra reparaître sans son autorisation " ; qu'en revanche, la convention initiale du 25 août 1979, stipulait en outre " En cas de dénonciation du contrat par la municipalité, cette dernière s 'interdit, dans l'année qui suit cette dénonciation, de faire elle-même ou par quelque intermédiaire que ce soit, aucune publicité déjà parue dans les revues éditées par l'IMP " ; que la suppression de cette seconde clause à partir de la convention du 1er juin 1981 démontre que les parties ont entendu limiter les effets de la première à la durée du contrat ; que ladite clause doit donc s'interprêter comme interdisant à la commune, pendant la durée de la convention, d'utiliser la publicité des annonceurs démarchés par la SARL IMP dans d'autres supports n'impliquant pas cette société, mais non, après l'expiration du contrat, de démarcher ou de faire démarcher des annonceurs ayant déjà accepté de figurer dans la revue municipale ; qu'il s'ensuit que la preuve d'une violation par la commune de ses obligations contractuelle n'est pas rapportée ;

Attendu que la SARL IMP soutient en second lieu que le contrat litigieux est un contrat de régie qualifié de mandat d'intérêt commun, dont la rupture, même dans des conditions exclusives de tout abus, ouvre droit à une indemnité de clientèle au profit du régisseur ;

Attendu cependant que la convention conclue entre les parties n'était pas un contrat de régie publicitaire, dans la mesure où il était prévu que la totalité des ressources provenant des annonceurs serait conservée par la SARL IMP en contrepartie forfaitaire de l'édition de la revue municipale, et non pas reversée à la commune, sous déduction des commissions dues au régisseur ; que par ailleurs, elle ne constituait pas non plus un mandat d'intérêt commun, car le but poursuivi par les parties n'était pas la création ni le développement d'une clientèle, la commune cherchant seulement à faire publier une revue municipale gratuite, et la SARL IMP s'étant vue concéder l'édition de cette revue à ses risques et périls et à son seul bénéfice qu'il s'ensuit que la non reconduction d'un tel contrat à son échéance, dans le respect du préavis convenu, n'ouvre droit à aucune indemnité de clientèle ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SARL IMP de sa demande à ce sujet ;

3) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la SARL IMP succombant en toutes ses prétentions, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance, et de la condamner aux dépens de l'appel ;

Attendu que la commune de Cenon relève appel incident de la disposition du jugement ayant dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors qu'elle-même avait sollicité une somme de 10.000 F sur le fondement de ce texte ; que dans la mesure où il apparaît que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, il serait inéquitable que la commune conserve à sa charge la totalité des frais irrépétibles exposés par elle à l'occasion de cette affaire, il convient de faire partiellement droit à son recours, et de lui accorder une somme de 4.000 F au titre de ses frais irrépétibles de première instance ; qu'en outre, il lui sera alloué une somme de même montant au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR : Reçoit la SARL IMP en son appel et la commune de Cenon en son appel incident ; Confirme le jugement rendu le 06 mars 1997 par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Réforme sur ce seul point, et statuant à nouveau : Condamne la SARL IMP à payer à la commune de Cenon la somme de 4.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles de première instance ; Ajoutant au jugement : Condamne la SARL IMP à payer à la commune de Cenon la somme de 4.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d'appel ; Condamne la SARL IMP aux dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.