CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 22 février 1996, n° 5634-94
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Roca (SARL)
Défendeur :
Citre (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Magendie
Conseillers :
MM. Frank, Boilevin
Avoués :
SCP Lissarrague, Dupuis, Me Bommart
Avocats :
Mes Remy, Ride.
Rappel des faits et de la procédure
L'exposé des faits, de la procédure et des thèses a été fait dans l'arrêt avant dire droit rendu par cette Cour le 24 mai 1995 auquel il convient de se référer expressément.
Il suffit de rappeler que le litige porte sur la question de savoir si la Société Citre, de droit espagnol, peut ou non se prévaloir de la qualité d'argent commercial, avec les conséquences qui en résultent quant au bénéfice du statut organisé par le décret du 23 décembre 1958.
La Société Roca faisait valoir que la Société Citre ne justifiait pas de son inscription au registre spécial des agents commerciaux.
Pour revendiquer le statut d'agent commercial, la Société Citre a produit une attestation de la Société Roca Espagne ; les parties ne s'accordant pas sur la tradition de cette pièce rédigée en langue espagnole, la Cour par un précédent arrêt du 24 mai 1995 en a ordonné la traduction et a renvoyé l'affaire à la mise en état.
Exposé des thèses en présence et des demandes des parties
A la suite de la traduction de cette pièce, la Société Roca fait valoir qu'elle ne fait qu'établir l'immatriculation de la Société Citre au registre du commerce et des sociétés des Baléares mais qu'elle n'établit aucunement l'effectivité d'une inscription au registre spécial des agents commerciaux. Une telle inscription n'est toujours pas établie.
Elle soutient que la Société Citre devra, en conséquence, être déboutée.
La clôture a été prononcée le 14 novembre 1995.
Sur ce, LA COUR
Sur l'application du statut des agents commerciaux
Considérant qu'il convient de souligner, préalablement qu'aucune des parties, la Société Citre en particulier, n'a allégué le caractère international du contrat litigieux et les conséquences spécifiques qui pourraient découler d'une telle qualification ;
Considérant que le litige soumis à la Cour porte seulement, comme rappelé ci-dessus, sur la question de savoir si la Société Citre peut, en se fondant sur le contrat litigieux passé le 20 octobre 1990 et sur l'exécution qui en a été faite, se prévaloir de la qualité d'agent commercial statutaire ;
Considérant que le contrat litigieux passé le 2 octobre 1990 a pris fin le 31 décembre 1992 ; que la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 ne s'appliquant en toutes ses dispositions qu'aux nouveaux contrats d'agence commerciale conclu à compter de son entrée en vigueur, tandis que les contrats en cours à cette date ne sont soumis à la loi nouvelle qu'à compter du 1er janvier 1994, c'est donc au regard des dispositions antérieures, résultant du décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958 que le litige doit être résolu ;
Considérant que l'article 4 alinéa 2 du décret précité impose à l'agent commercial établi et exerçant en France, avant de commencer l'exercice de ses activités, de se faire immatriculer sur un registre spécial tenu au greffe du Tribunal de Commerce dans le ressort duquel il est domicilié ; que si cette formalité n'a plus qu'une valeur administrative depuis la loi 91-593, il en allait autrement dans le système antérieur qui en faisait une condition d'existence du droit de l'agent commercial à se prévaloir du statut ;
Considérant que le document dont la traduction en langue française a été ordonnée par la Cour est seulement une attestation qui ne fait qu'établir l'immatriculation de la Société Citre au registre du commerce et des sociétés des Baléares, mais qui n'établit nullement l'effectivité d'une inscription au registre spécial des agents commerciaux ;
Considérant que la Société Citre, dès lors qu'elle devait exercer en France en exécution du contrat de " mandat commercial ", devait en application du texte précité nonobstant le fait que son siège soit à l'étranger, se faire immatriculer au registre spécial ; que ne l'ayant pas fait, elle ne saurait revendiquer le bénéfice du statut et doit être déboutée de sa demande sans qu'il soit nécessaire de rechercher si les conditions de fond requises par l'application dudit statut se trouvaient en outre réunies ;
Que le jugement entrepris doit être dès lors être réformé en ce qu'il a décidé le contraire ;
Sur le mandat d'intérêt commun
Considérant que la Société Citre se fonde, à titre subsidiaire, sur la notion du mandat d'intérêt commun ; selon elle, la révocation d'un tel mandat lui donne droit à indemnisation ;
Considérant que le contrat litigieux signé le 20 octobre 1990 comporte les précisions suivantes quant à sa durée :
" Le présent contrat est conclu pour une durée annuelle.
Il est reconductible tacitement pour une nouvelle période d'un an sauf dénonciation d'une ou l'autre des parties...
Exceptionnellement et pour rassurer Citre SA, son premier terme sera le 31 décembre 1992, date à laquelle il prendra fin sans formalité ni préavis.
Son non renouvellement ne pourra donner lieu à indemnité d'aucune sorte ".
Considérant que par le courrier du 16 septembre 1992, la Société Roca n'a fait que rappeler à la Société Citre le terme prévu en lui indiquant qu'elle n'entendait pas renouveler sa mission, en sorte qu'il n'y a eu ni révocation, ni résiliation du mandat ;
Considérantque le non renouvellement d'un mandat d'intérêt commun à durée déterminée, arrivé à l'expiration du terme fixé par la convention, ne peut être assimilé à une rupture unilatérale illégitime, le mandataire ne pouvant alors, en conséquence, réclamer d'indemnité;
Considérant qu'il convient, surabondamment, de souligner que la même solution aurait trouvé à s'appliquer si le contrat avait pu être qualifié d'agence commerciale, le non-renouvellement par le mandant d'un contrat d'agent commercial à durée déterminée venu à expiration ne pouvant être assimilé à la résiliation, soit d'un contrat à durée indéterminée, soit d'un contrat à durée déterminée, avant l'échéance du terme ;
Que la demande de la Société Citre sur ce fondement doit encore être rejetée ;
Que le jugement doit être, par suite, réformé en toutes ses dispositions.
Sur l'article 700 du NCPC
Considérant qu'aucune considération d'équité ne justifie en l'espèce l'octroi de sommes au titre de l'article 700 du NCPC
Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Dit la Société Roca recevable et fondée en son appel, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Déboute la Société Citre de l'ensemble de ses demandes ; Dit n'y avoir lieu à l'octroi de sommes au titre de l'article 700 du NCPC ; Condamne la Société Citre aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP Lissarrague et Dupuis, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.