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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 8 avril 1991, n° 89-016911

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Lederfabriek Schotte NV (Sté)

Défendeur :

Les Cuirs Fournier (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosnel

Conseillers :

Mme Mandel, M. Boval

Avoués :

SCP Parmentier Hardouin, Me Pamart

Avocats :

Mes Denis, Confino.

T. com. Paris, 3e ch., du 17 mai 1989

17 mai 1989

Statuant sur l'appel interjeté par la société NV Lederfabriek Schotte du jugement rendu le 17 mai 1989 par le Tribunal de Commerce de Paris (3ème Chambre) dans un litige l'opposant à la société Les Cuirs Fournier, ensemble sur l'appel incident de cette dernière et les demandes additionnelles des parties.

FAITS ET PROCÉDURE :

Les sociétés Schotte et Fournier sont en relation d'affaires depuis de très nombreuses années, la société Fournier étant chargée de la représentation en France de peausseries pour la maroquinerie et chaussures, de la société belge Schotte.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 23 juin 1987, la société Schotte met fin à cette collaboration et fait savoir à Fournier qu'elle lui accorde un délai de préavis de trois mois.

Le 8 juillet 1987 Fournier prend acte de cette rupture et précise à Schotte qu'elle procède au chiffrage précis de l'indemnité de clientèle qu'elle estime lui être due.

Le 8 décembre 1987 elle réclame à Schotte une indemnité de 780 000 F ;

Aucun accord n'ayant pu être trouvé entre les parties, la société Fournier Frères Import assigne par exploit en date du 6 septembre 1988 la société Schotte devant le Tribunal de commerce de Paris pour obtenir paiement de la somme susvisée sauf à parfaire après expertise outre 10 000 F au titre des frais irrépétibles.

La société Schotte conclut au débouté des demandes de Fournier et reconventionnellement réclame paiement de la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Le tribunal par le jugement entrepris a :

- déclaré partiellement fondée la demande formulée par Fournier à l'encontre de Schotte,

- condamné Schotte à payer à Fournier la somme de 450 000 F en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture des relations commerciales,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- ordonné l'exécution provisoire avec constitution de garantie à charge par Fournier de fournir une caution bancaire à hauteur de 450 000 F.

Appelante par déclaration du 12 juillet 1989, Schotte poursuit l'infirmation du jugement et demande à la Cour de :

- dire que la société Fournier Frères Import qui n'est pas immatriculée au registre du commerce de Paris, ville dans laquelle elle situe son siège social, est dépourvue de toute personnalité morale et n'a donc pas qualité pour ester en justice,

- en conséquence de dire irrecevable la demande de la société intimée,

- enjoindre à la société intimée de justifier de sa qualité pour diligenter la procédure,

Subsidiairement,

- de dire la société Fournier Frères Import mal fondée en toutes ses demandes,

- de la condamner à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Fournier sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu le principe d'une condamnation de Schotte au paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive des relations commerciales et condamné Schotte à 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Formant appel incident pour le surplus, elle sollicite la condamnation de Schotte à lui payer une somme de 780 000 F à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 1988 date de l'assignation, avec capitalisation outre 50 000 F pour résistance abusive et 10 000 F complémentaires en application de l'article 700 du NCPC.

Discussion :

I- Sur la recevabilité de la demande :

Considérant que la société Schotte soulève l'irrecevabilité de la demande formée par la société Fournier Frères Import pour laquelle aucune inscription au registre du commerce n'a pu être trouvée.

Qu'elle ajoute que la société Cuirs Fournier qui a constitué avoué devant la Cour, ne justifie pas être le successeur de la société Fournier Frères Import et qu'il appert d'un extrait K Bis versé aux débats que la société Cuirs Fournier est en réalité le successeur d'une société dénommée " Les successeurs de Gaston Fournier " dont elle a racheté partiellement les actifs et une partie du fonds de commerce.

Mais considérant qu'il résulte des différents documents mis aux débats que la société Fournier Frères Import a changé suite à une assemblée générale du 20 juillet 1988 sa dénomination sociale qui est devenue " Les Cuirs Fournier " au lieu de Fournier Frères Import.

Qu'il ne s'agit pas comme le soutient Schotte d'un problème de succession de sociétés mais uniquement de changement de dénomination sociale.

Que l'extrait K Bis délivré le 5 octobre 1990 mentionne comme date de création de la société le 6 décembre 1956 qui correspond bien à la date de création de la société Fournier Frères Import.

Qu'il indique comme numéro d'immatriculation de la société B 562 129 635 lequel est identique à celui de la société Fourniers Frères Import.

Considérant en outre qu'il apparaît que la société Cuirs Fournier compte deux associés, Mme Cabri Wiltzer et la société " Les successeurs de Gaston Fournier " laquelle détient 15 999 parts du 16 000.

Considérant enfin que la société Schotte ne peut faire grief à la société intimée d'avoir engagé la procédure de première instance sous la dénomination Fournier Frères Import dès lors que la modification de dénomination sociale n'a été inscrite au registre du commerce que le 7 octobre 1988 soit postérieurement à l'assignation.

Considérant dans ces conditions que la procédure engagée en première instance par la société Fournier Frères Import désormais dénommée Cuirs Fournier est parfaitement recevable, celle-ci justifiant de son existence juridique.

II- Sur l'existence d'un contrat entre les parties :

Considérant que la société Cuirs Fournier qui ne revendique pas plus devant la Cour que devant le Tribunal la qualité d'agent commercial, soutient qu'aucun contrat écrit, aucune convention particulière n'existe entre les parties et qu'en conséquence leurs relations doivent être fixées, comme l'ont retenu les premiers juges, selon les règles du mandat d'intérêt commun.

Mais considérant que la société Cuirs Fournier ne peut être suivie en son argumentation.

Considérant en effet qu'il apparaît que courant 1985 des pourparlers se sont engagés entre les parties en vue de régulariser leurs rapports.

Qu'après que Schotte ait remis à Fournier un premier projet de contrat, cette dernière a adressé le 30 avril 1985 à l'appelante un projet de contrat de représentation et de dépôt en lui demandant de lui faire part de ses remarques éventuelles.

Que le 23 mai 1985 Schotte a envoyé une contre-proposition à Fournier dont les termes ont été modifiés par lettre du 20 juin 1985.

Que par lettre du 5 juillet 1985 Fournier a fait part à Schotte de ce qu'elle trouvait son projet du 23 mai trop restrictif et qu'elle jugeait préférable de reprendre le projet joint à son courrier du 30 avril 1985 qui était le modèle de celui qui avait été signé par elle avec d'autres commettants.

Considérant que certes le contrat tel qu'adressé le 30 avril 1985 n'a pas été signé des parties.

Mais considérant que chacune des parties a fait expressément référence aux dispositions de ce contrat lors de la rupture des relations commerciales en juin 1987.

Que dans sa lettre du 23 juin 1987 Schotte vise l'article 7 dudit contrat accordant un préavis de trois mois et qu'en réponse Fournier vise également le même article.

Considérant, en conséquence, que même s'il n'existe aucun contrat formel signé entre les deux parties, il est établi par les correspondances échangées entre elles, qu'elle ont entendu soumettre la rupture de leurs relations à la stipulation de l'article 7 de la convention du 30 avril 1987.

Considérant dans ces conditions que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a dit que la rupture des relations ayant existé entre les parties n'était régie par aucune disposition contractuelle.

III - Sur la résiliation du contrat :

Considérant que le contrat du 30 avril 1985 dans lequel Fournier ne revendique pas expressément la qualité d'agent commercial, s'analyse comme un contrat de mandat commercial d'intérêt commun à durée indéterminée pouvant être révoqué à tout moment par l'une ou l'autre des parties.

Considérant qu'il est prévu à l'article 7 du contrat que la résiliation doit être notifiée par lettre recommandée avec avis de réception en respectant un préavis de trois mois ; qu'en revanche le versement d'aucune indemnité de résiliation n'est stipulé audit contrat.

Considérant dans ces conditions que Schotte ayant respecté les formes et délai prévu au contrat, Fournier ne peut prétendre au versement d'aucune indemnité suite à cette rupture unilatérale et ce sans qu'il soit nécessaire de rechercher si Schotte justifie d'une cause légitime .

Considérant en conséquence que le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu le principe d'une indemnisation au profit de Fournier et condamné Schotte à payer à l'intimée une somme de 450 000 F.

IV- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive :

Considérant que la société Cuirs Fournier qui succombe ne saurait faire grief à la société Schotte de s'être opposée à l'exécution provisoire du jugement et ce d'autant plus que le document fourni par l'intimée à titre de caution bancaire ne présentait aucune garantie quant à son authenticité et à sa régularité formelle.

V- Sur l'article 700 du NCPC :

Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à l'une quelconque des parties.

Par ces motifs : Dit la société Cuirs Fournier recevable à agir, Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Déboute la société Cuirs Fournier de l'intégralité de ses demandes, Déboute la société Schotte de sa demande du chef de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Cuirs Fournier aux dépens de première instance et d'appel, Admet Mes Parmentier et Hardouin avoués au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.