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Décisions

CA Chambéry, ch. civ., 9 novembre 1994, n° 9202141

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mézin

Défendeur :

Germain et Fils (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Alberca

Conseillers :

MM. Salati, Vencent

Avoués :

SCP Vasseur-Bollonjeon-Arnaud, Me Dantagnan

Avocats :

Mes Venet, Catoni.

TGI Annecy, du 10 juin 1992

10 juin 1992

Statuant sur l'appel interjeté le 4 novembre 1992 par Monsieur Bernard Mezin à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'Annecy du 10 juin 1992 qui constatant que le contrat qui le liait à la SA Germain n'était pas un contrat d'agent commercial :

1/ a rejeté la demande de dommages-intérêts qu'il avait formée à l'encontre de ladite société,

2/ a constaté que la SA Germain et Fils reconnaissait devoir son commissionnement à Monsieur Mezin sur une somme de 2 301 736,10 F HT et lui donne acte,

3/ " En tant que de besoin ", a condamné en conséquence la SA Germain et Fils à payer à Monsieur Mezin les commissions correspondantes, en quittances ou deniers, et ce avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation,

4/ a condamné la SA Germain et Fils à payer à Monsieur Mezin la somme de 3 500,00 F au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

5/ a ordonné l'exécution provisoire,

6/ a rejeté toutes les autres demandes.

Vu ledit jugement en son exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties.

Au soutien de son appel, Monsieur Mezin fait valoir :

1/ que le contrat le liant à la SA Germain est celui d'agent commercial malgré l'absence de précisions à cet égard dans les contrats des 31 janvier 1978 et 1er janvier 1980,

2/ que la clause d'exclusivité réciproque du contrat du 1er janvier 1980 démontre que les contrats successifs ont bien été conclu dans l'intérêts commun de la SA Germain et de lui-même,

3/ que l'article IX du contrat de janvier 1980 a annulé la lettre du 23 avril 1979 dans laquelle la SA Germain l'avait considéré comme un travailleur indépendant et non comme un agent commercial, qualité qui d'autre part découle de l'application du Décret du 23 décembre 1958 dont il bénéficie.

Dès lors, Monsieur Mezin, concluant à l'infirmation du jugement déféré demande à la Cour de :

- dire que le contrat le liant à la SA Germain et Fils était un contrat d'agent commercial ;

- constater qu'il a été rompu à l'initiative du mandant,

En conséquence :

- condamner la SA Germain et Fils à lui payer la somme de 478 000,00 F à titre de dommages et intérêts et en application de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958,

- condamner la Société Germain et Fils à payer à Monsieur Mezin, la somme de 191 178,10 F HT, soit 226 737,22 F TTC, au titre des commissions impayées,

- ordonner, au besoin, avant dire droit, une mesure d'expertise aux frais avancés de la Société Germain sur laquelle repose l'obligation d'établir un compte de commissions clair et précis,

Subsidiairement, sur le droit à indemnité de rupture :

- dire que lui-même et la Société Germain et Fils étaient liés par un contrat de mandat d'intérêt commun dont la rupture sans motif légitime ouvre droit pour le mandataire à une indemnité compensatrice du préjudice subi,

En conséquence :

- condamner la Société Germain et Fils à lui payer la somme de 478 000,00 F au titre du préjudice subi,

- condamner la SA Germain et Fils à payer les intérêts de droit sur le montant des condamnations à compter du jour de l'exploit introductif d'instance,

- condamner la SA Germain et Fils au paiement de la somme de 18 000,00 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SA Germain demande à la Cour de :

- dire que Monsieur Mezin ne peut revendiquer l'application, ni de la directive CEE du 18 décembre 1986, ni de la loi du 25 juin 1991, qui ne sont applicables aux contrats en cours qu'à compter du 1er janvier 1994,

- dire qu'il ne peut davantage prétendre au bénéfice du décret du 23 décembre 1958, alors qu'aucun des contrats successivement intervenus entre les parties ne lui donne la qualité d'agent commercial,

- dire que le contrat doit être analysé en un contrat de mandat d'intérêt commun, qui pouvait être rompu dans les conditions qu'il prévoit ou pour cause légitime,

- constater que le contrat donne aux deux parties la faculté d'y mettre fin à tout moment moyennant un préavis de six mois, que la Société Germain a respecté,

- constater surabondamment qu'en tout état de cause la Société Germain avait, du fait de l'inactivité de Monsieur Mezin un motif légitime de mettre fin au contrat,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur Mezin de sa demande de dommages-intérêts,

Et statuant sur la demande en paiement de commissions,

- constater que la Société Germain a d'ores et déjà payé les commissions dues sur la somme de 2 301 736,10 F HT, soit 68 246,47 F TTC payés par chèque du 13 novembre 1990 ; et également sur la somme de 308 626,10 F HT, soit 9 150,76 F TTC, payés par chèque du 23 avril 1991,

- débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur Mezin à lui payer, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme de 18 000,00 F.

Dans le dernier état de ses écritures Monsieur Mezin souligne que le décompte de ses commissions effectué par la Société intimée est erroné et qu'il y a lieu d'instaurer une expertise comptable pour les établir de façon précise.

D'autre part l'appelante sollicite 50 000,00 F de dommages intérêts pour procédure abusive de la part de la SA Germain.

Sur ce, LA COUR

A/ Sur le contrat liant les parties

Attendu que Monsieur Mezin n'ayant pas soutenu dans ses conclusions d'appel les moyens tirés des dispositions de la Directive CEE du 18 décembre 1986 et de la loi du 25 janvier [juin]1991, la Cour n'a pas l'obligation d'y répondre ;

Attendu que le contrat liant les parties, en date du 13 juin 1980, ne précise nullement que le mandat donné par la SA Germain à Monsieur Mezin est un mandat d'agent commercial, alors que Monsieur Mezin et la SA Germain étaient des professionnels avertis et n'auraient pas manqué de désigner le mandat dont s'agit sous la qualification juridique qu'ils entendaient lui donner ;

Attendu d'autre part, que tant l'immatriculation de Monsieur Mezin au Registre des Agents Commerciaux que sa désignation de " travailleur indépendant " dans le contrat du 13 juin 1980 ne sont pas suffisantes pour justifier l'application du statut du Décret du 23 décembre 1958 aux rapports existant entre les parties, alors de surcroît que s'il s'était agi d'un mandat d'agent commercial il aurait été prévu une clause de non concurrence en faveur de la Société intimée ;

Attendu d'autre part que tout mandat d'intérêt commun n'est pas nécessairement, comme le soutient Monsieur Mezin (cf ses conclusions page 5 paragr. 7) un contrat d'agent commercial alors au surplus que l'appelant se fonde sur des moyens tirés de l'application de mandats antérieurs à celui liant les parties qui est en date du 13 juin 1980, ce qui exclut l'application au présent litige des contrats du 31 janvier 1980, comme voudrait le faire Monsieur Mezin (cf ses conclusions page 3 et 4) ;

Attendu que le mandat en date du 16 juin 1980 qui régit les rapports entre les parties doit être analysé en un contrat d'intérêt commun, ce qu'admettent d'ailleurs Monsieur Mezin (cf ses conclusions page 5 paragr. 7) et la SA Germain (cf ses conclusions page 10 paragr. 3) ;

B/ Sur la demande indemnitaire de Monsieur Mezin

Attendu que l'exclusion de l'application du Décret du 23 décembre 1958 à ce mandat liant les parties n'écarte pas la possibilité pour Monsieur Mezin de se prévaloir des effets différents attachés par le droit commun au mandat conclu dans l'intérêt commun du mandant et du mandataire ;

Attendu que la SA Germain ne rapporte pas la preuve lui incombant que la rupture du mandat d'intérêt commun la liant à Monsieur Mezin serait due à une faute de ce dernier ;

Attendu cependant que la SA Germain peut se prévaloir, outre la faute éventuelle de son mandataire d'une cause légitime ou des clauses et conditions spéciales du contrat ;

Attendu que le contrat de mandat d'intérêt commun de durée indéterminée du 16 juin 1980 liant les parties a prévu en son article VIII qu'il " était résiliable à tout moment pour quelque cause que ce soit par l'une ou l'autre des parties avec préavis de six mois ";

Attendu qu'il n'est nullement contesté par Monsieur Mezin que la SA Germain a respecté les formes et délai prévus par le contrat du 16 juin 1980 lequel n'a prévu en cas de rupture aucune indemnité en faveur du mandataire;

Attendu qu'il y a donc lieu, confirmant la décision déférée, de rejeter la demande indemnitaire de Monsieur Mezin à la suite de la révocation unilatérale du mandat d'intérêt commun le liant à la SA Germain, sans avoir à rechercher si cette résiliation était justifiée par un motif sérieux alors par ailleurs que la preuve d'une fraude éventuelle ou d'un dol n'est pas rapportée à l'encontre de la Société appelante, Monsieur Mezin ayant accepté en connaissance de cause les termes et conséquences du mandat d'intérêt commun qu'il a souscrit le 13 juin 1980;

C/ Sur le montant des commissions dues par la SA Germain

Attendu qu'après vérification contradictoire de la comptabilité de la SA Germain, cette dernière a versé à Monsieur Mezin 68 246,47 F et 9 150,76 F représentant selon elle les commissions dues à son mandataire ;

Attendu cependant que l'appelant conteste les chiffres retenus par la SA Germain ;

Attendu que les parties étant contraires en fait il y a lieu d'instituer une expertise comptable ;

D/ Sur les autres demandes

Attendu qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur les demandes tendant à l'allocation de sommes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, de dommages-intérêts pour procédure abusive et à la condamnation aux dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare les appels réguliers en la forme, Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a statué sur les commissions dues à Monsieur Mezin ; La réformant sur ce point ; Institue une expertise comptable ; Désigne comme expert : Monsieur Jacques Montbarron, Expert Comptable, 22 Rue du Cordier, 01 Bourg-en-Bresse, (Tèl. 74.22.58.55) lequel aura pour mission de : 1/ prendre connaissance du dossier ; convoquer les parties et leur conseil, 2/ déterminer le montant des commissions dues par la SA Germain à Monsieur Mezin, étant précisé que cette dernière a versé à l'appelant à ce jour 68 246,47 F et 9 150,76 F, 3/ établir un pré-rapport qui sera communiqué aux parties qui auront un délai d'un mois pour faire valoir leurs observations, 4/ déposer à la Cour son rapport définitif dans lequel il sera répondu aux dues des parties ; Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 à 283 du nouveau Code de procédure civile, qu'en particulier, il pourra recueillir, de toutes personnes informées, des déclarations ; qu'il aura la faculté de s'adjoindre tous spécialistes de son choix, dans une spécialité distincte de la sienne à charge de joindre leur avis à son rapport ; Fixe l'avance des frais d'expertise à valoir sur le montant des honoraires de l'expert à la somme de 5 000,00 F qui sera consignée par Monsieur Mezin dans un délai de un mois ; Dit que l'expert dressera rapport de ses opérations pour être déposé au Greffe avant le 1er juin 1995 en un original et une copie après en avoir adressé une copie à chacune des parties en cause ; Dit qu'à défaut de consignation de la provision dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque ; Dit que lors de la première ou au plus tard lors de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible, le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ; Dit qu'à l' issue de cette réunion, l'expert fera connaître au Conseiller Section II chargé du contrôle de l'expertise et aux parties la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera le cas échéant le versement d'une consignation complémentaire ; Dit que l'expert tiendra le Conseiller Section II chargé du contrôle de l'expertise informé de l'avancement de ses opérations et le saisira de toute difficulté y afférent ; Dit qu'il sera pourvu au remplacement de l'expert dans les cas, conditions et formes des articles 234 et 235 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Dit que l'expert déposera son rapport dans l'hypothèse où les parties ne parviendraient pas entre elles à une conciliation ; Sursoit à statuer sur les autres demandes ; Réserve les dépens.