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Décisions

Cass. com., 21 janvier 1969, n° 66-14.202

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Société de Prospection et d'Inventions Techniques

Défendeur :

Bertrand et Cie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guillot

Rapporteur :

M. Mérimée

Avocat général :

M. Gegout

Avocats :

Mes Calon, Labbé.

Riom, du 1er juill. 1966

1 juillet 1966

LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu que, des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Riom, 1er juillet 1966), il résulte que, en 1951, la société de Prospection et d'Inventions Techniques (SPIT) qui venait de mettre au point un pistolet à scellements utilisable dans les entreprises du bâtiment, confia à la société les établissements André Bertrand et compagnie (la société Bertrand), laquelle exploitait à Thiers un négoce de fournitures industrielles diverses en gros, le soin exclusif de la représenter dans plusieurs départements, pour la vente de ce pistolet et de ses accessoires, la rémunération de la société Bertrand consistant en la perception d'une commission sur le montant des ventes réalisées par son intermédiaire ; que, courant 1963, la SPIT proposa à son agent d'adopter une autre méthode pour vendre dans la région le matériel de sa fabrication, consistant essentiellement dans la substitution, à l'agence, d'une succursale, qui serait installée à Clermont-Ferrand, dont la direction serait confiée, sous contrat de travail, à André Bertrand, en personne ; que la société Bertrand, après avoir installé à ses frais un établissement à Clermont-Ferrand, refusa en définitive l'offre ainsi faite à son president-directeur général ; que la SPIT courant 1964, révoqua le mandat d'agent dont s'agit pour le 31 décembre suivant ;

Attendu que la société Bertrand, ayant assigné la SPIT en payement de dommages et intérêts devant le tribunal de commerce de Thiers, la SPIT déclina la compétence de cette juridiction, en revendiquant celle de son siège social ; que, par jugement qui fut confirmé en ses deux chefs par l'arrêt attaqué, le tribunal de Thiers se déclara compétent et accorda à la société Bertrand une partie des dommages et intérêts sollicités par celle-ci ; qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué - quant à la question de compétence - au motif que le contrat litigieux avait été conclu verbalement à Thiers, lieu qui se trouvait donc celui où " la promesse avait été faite ", au sens de l'article 420 du code de procédure civile, alors que, selon le pourvoi, le contrat n'avait au contraire été définitivement conclu que par correspondance, et que la lettre d'acceptation avait été expédiée de Bourg-les-Valence, ce qui déterminait la compétence ratione loci du tribunal de commerce dans le ressort duquel se trouve cette dernière localité ;

Mais attendu, d'une part, que le contrat d'agent commercial étant purement consensuel, la cour d'appel a pu déclarer que celui intervenu entre les parties s'était trouvé conclu le jour où leurs volontés s'étaient accordées, sans tenir compte de la manière dont avait été ensuite rédigé et souscrit l'instrument écrit dressé pour constater cet accord ; qu'elle a souverainement relevé d'autre part, que cet accord était intervenu à l'issue de pourparlers tenus à Thiers ; qu'elle a donc, à bon droit, décidé que le tribunal de cette ville était compétent ; que le premier moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir condamné la SPIT à payer une indemnité à la société Bertrand pour révocation abusive, et d'avoir débouté ladite SPIT de sa demande reconventionnelle contre la société Bertrand en payement de dommages et intérêts, au motif que le mandant doit faire la preuve, pour justifier la révocation d'un mandat d'intérêt commun, de fautes suffisamment graves de la part du mandataire, et que, en l'espèce, des critiques mineures avaient seulement été formulées contre ce dernier alors que, selon le pourvoi, la nécessité de réorganiser une entreprise est un motif légitime de rupture, et qu'il avait été soutenu par la SPIT que sa décision de résilier le mandat d'intérêt commun n'avait eu pour cause que le souci d'une meilleure organisation de l'entreprise, l'offre faite bénévolement au mandataire de participer à cette réorganisation sur la base de nouveaux rapports, refusée par lui, ne pouvant être imputée à faute à la société mandante, quelles qu'aient pu être les raisons de ce refus ;

Mais attendu que, selon l'arrêt, " la réorganisation des services ", invoquée par la SPIT avait en réalité pour seul objet de " rendre ceux-ci plus rentables ", en supprimant notamment pour ladite société l'obligation, qu'elle avait souscrite à l'origine lorsqu'il s'agissait de se constituer localement une clientèle, d'allouer une commission de 28 % à la société Bertrand, et en substituant au contrat d'agent, rémunéré à la commission, passé avec cette société, un contrat de travail, faisant de Bertrand en personne, un salarié bénéficiant d'avantages bien moindres ; que la cour d'appel a pu, eu égard à de telles circonstances de fait, considérer que la révocation par la SPIT du contrat litigieux avait été décidée sans cause légitime ; que le deuxième moyen n'est pas davantage fondé que le premier ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que l'arrêt est enfin critiqué en ce qu'il a condamné la SPIT à payer une indemnité de 13 000 F à la société Bertrand pour rupture injustifiée du mandat liant les parties alors que, selon le pourvoi, aucune justification n'accompagne cette condamnation ; que, en particulier, il est impossible de vérifier quels éléments de préjudice ont été retenus ainsi que de contrôler dans quelle mesure ceux-ci sont en relation avec la prétendue faute commise par la SPIT ;

Mais attendu que, par motifs propres ou adoptés la cour d'appel a précisé l'importance du chiffre d'affaires SPIT réalisé par la société Bertrand, ainsi que la progression de ce chiffre d'affaires, depuis le début des relations commerciales entre les parties, et le taux de la commission perçue par ladite société Bertrand sur ce chiffre d'affaires, c'est-à-dire le bénéfice brut procuré à celle-ci par son activité d'agent SPIT ; qu'elle se réfère en outre aux diverses circonstances de la cause, énoncées par elle, pour fixer l'importance du préjudice causé ; qu'elle a ainsi précisé les chefs de préjudice qu'elle entendait réparer ; qu'elle a, d'autre part, apprécié souverainement le montant du dommage correspondant ; que le troisième moyen ne saurait lui non plus être accueilli ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.