Cass. 1re civ., 21 juin 1988, n° 86-15.818
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Balenciaga (Sté)
Défendeur :
de La Brière
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsard
Rapporteur :
M. Bernard
Avocat général :
M. Dotenwille
Avocats :
SCP Rouvière, Lepitre, Boutet, SCP Desaché, Gatineau.
LA COUR : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par un premier accord concrétisé par une lettre de la société Balenciaga en date du 12 décembre 1974, cette société a confié, pour une durée indéterminée à M. de La Brière, de nationalité française, résidant en Angleterre, sa représentation commerciale pour divers territoires des Antilles, des Caraïbes et d'Amérique centrale, en ce qui concerne les lunettes et foulards qu'elle vend sous sa griffe ; que, par une seconde convention résultant d'une lettre du 13 janvier 1977, la société Balenciaga a confié à M. de La Brière la représentation exclusive des " produits alcooliques " (parfums et dérivés) de sa marque pour une série de territoires et pays du même secteur ; que cette lettre comportait notamment les dispositions suivantes : " comme convenu, cet accord entrera en vigueur à partir du 1er janvier 1977 pour une durée de deux ans ; trois mois avant son échéance il sera reconduit par période d'un an chaque fois si la progression annuelle des ventes des produits de notre marque s'avérait satisfaisante, à volonté des parties ; le non-renouvellement du présent accord ne donnera lieu au versement d'aucune indemnité " ; qu'après que le second contrat ait été tacitement renouvelé pour une durée d'un an, la société Balenciaga a écrit le 13 août 1980 à M. de La Brière pour lui faire connaître qu'elle avait l'intention de réorganiser son propre réseau de vente et qu'elle ne serait pas en mesure de renouveler l'accord du 13 janvier 1977, qui prendrait fin le 31 décembre 1980 ; que les relations contractuelles ayant cessé pour l'ensemble des produits visés dans les deux conventions, M. de La Brière a, le 27 avril 1983, assigné la société Balenciaga en paiement de dommages-intérêts pour rupture de mandat d'intérêt commun et en règlement d'un complément de commissions ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 19 juin 1986) a dit que la société Balenciaga avait rompu abusivement les conventions qui la liaient à M. de La Brière et l' a condamnée à lui payer la somme de 45 000 F, ainsi que la contrevaleur au jour du jugement de celle de 40 000 dollars des Etats-Unis d'Amérique, avec les intérêts au taux légal ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Balenciaga fait grief à la cour d'appel d'avoir refusé d'appliquer au litige la loi anglaise, aux motifs qu'elle ne rapportait pas la preuve de cette loi, invoquée à titre principal, se bornant à soutenir que plusieurs lois étrangères, et notamment la loi anglaise, seraient applicables aux contrats litigieux, alors, selon le moyen, que la société Balenciaga faisait valoir que seule la loi anglaise, qui prévoit la résiliation d'un mandat d'intérêt commun sans indemnité, pouvait trouver application et qu'en omettant de préciser en quoi cette société ne rapportait pas la preuve de la teneur de cette loi étrangère, la juridiction du second degré a privé sa décision de motifs ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Balenciaga se bornait à affirmer qu'une disposition de la loi anglaise prévoyait la résiliation d'un mandat d'intérêt commun sans indemnité au profit du mandataire, et constaté qu'elle ne faisait pas la preuve qui lui incombait de la disposition ainsi invoquée, la cour d'appel a motivé sa décision rejetant cette prétention ; que le moyen doit donc être écarté ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Balenciaga reproche encore à la cour d'appel de l'avoir condamnée à verser à M. de La Brière des indemnités en raison de l'absence de renouvellement d'un mandat d'intérêt commun, alors, d'une part, qu'une clause du contrat du 13 janvier 1977 dispose expressément que " le non-renouvellement du présent accord ne donnera lieu au versement d'aucune indemnité ", de sorte qu'en statuant comme elle a fait, la juridiction du second degré aurait dénaturé la convention ; alors, d'autre part, que la clause précitée est licite et que le non-renouvellement pour cause de réorganisation commerciale du service des ventes constituait une cause légitime de rupture du mandat d'intérêt commun et qu'ainsi, en condamnant la société Balenciaga pour rupture abusive des conventions, l'arrêt attaqué aurait violé les articles 2004 et suivants du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que le rapprochement entre deux clauses de la convention, celle relative au renouvellement et au motif de nature à justifier l'absence de renouvellement du mandat, et celle prévoyant que le non-renouvellement ne donnera lieu au versement d'aucune indemnité, crée une ambiguïté qui appelait une interprétation dont la nécessité est exclusive de la dénaturation alléguée ;
Attendu ensuite, que la cour d'appel a justement retenu que la réorganisation du service des ventes, dans le seul but de se soustraire au paiement de commissions, ne peut être considéré comme un motif légitime de révocation du mandat d'intérêt commun; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.