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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 6 novembre 1996, n° 94-0002748

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Shindfessel, Résidence Vacances et Loisirs (SCI), Butz

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Guichard

Conseillers :

MM. Armingaud, Blanc-Sylvestre

Avoués :

Me Garrigue, SCP Estival-Divisa

Avocats :

SNC Herdt, Me Gervais.

TGI Carcassonne, du 10 févr. 1994

10 février 1994

Faits, procédure et prétentions des parties

Le présent arrêt se réfere expressément à l'arrêt rendu le 17.1.1996 par cette Cour, en ce qui concerne l'exposé des prétentions des parties et de la procédure antérieure à cet arrêt.

Postérieurement à l'arrêt rendu le 17.1.1996, Mme Y a appelé en intervention forcée, la SCI Vacances et Loisirs.

Martin Butz, Raymond Shindfessel et la SCI Résidence Vacances et Loisirs indiquent que le contrat d'agent commercial de Mme Y, a été repris par la SCI Vacances et Loisirs, comme cela résulte de la délibération des associés qu'ils produisent, en date du 10.6.1993.

Ils concluent au sursis à statuer en faisant valoir qu'ils ont déposé plainte, que la SCI Résidence Vacances et Loisirs a déposé plainte le 18.6.1996, notamment contre Mme Y, la SCI Matmilau et Georges MUR, pour "abus de confiance".

Ils font valoir que la plainte est liée aux débats devant la Cour et qu'il doit être, dans ces conditions, sursis à statuer dans l'attente de la suite donnée à cette plainte.

Mme Y fait valoir que l'incident de procédure lié à l'irrecevabilité de la demande, se trouve régularisé par l'intervention forcée de la SCI Résidence Vacances et Loisirs qui a reconnu avoir repris le contrat d'agent commercial.

Elle indique, dès lors, qu'elle peut poursuivre l'instance qu'elle avait diligentée à l'encontre de la SCI Résidence Vacances et Loisirs.

Elle s'oppose à ce qu'il soit sursis à statuer en indiquant que la plainte dont fait état la SCI, est dirigée contre Monsieur Mur et une SCI Matmilau qui n'existe pas, et contre elle-même ; que cette plainte visait la prévention de "Destruction de matériel" et "Vol de matériel de camping - restaurant" et "Abus de confiance".

Elle fait valoir que la SCI avait précédemment déposé une plainte avec constitution de partie civile sur les mêmes faits à son encontre, ainsi qu'à l'encontre de Monsieur Mur pour "Destruction de matériel" et "Vol de matériel de camping - restaurant" ; qu'ils ont été relaxés de tous les chefs de prévention et qu'à la suite de l'appel sur intérêts civils, la Cour d'Appel a débouté la SCI Résidence Vacances et Loisirs de toutes ses réclamations.

Elle indique qu'une nouvelle plainte est irrecevable selon le principe d'autorité de la chose jugée.

En ce qui concerne l'abus de confiance, elle indique qu'il lui est reproché de ne pas avoir reversé des sommes reçues dans le cadre des opérations d'agent commercial.

Elle précise qu'il a été mis fin à son contrat, le 31.12.1988 ; que, depuis cette date, au cours des différentes procédures sur la résolution du contrat d'agent commercial, la SCI n'a pas fait état de détournements de fonds ; qu'un délai de sept ans s'est écoulé depuis la fin du contrat d'agent commercial ; qu'ainsi, manifestement, il y a prescription de l'action publique ; qu'en outre, cette action publique n'a pu être mise en mouvement, à défaut de consignation déposée.

Elle indique qu'il n'y a pas identité de faits.

Elle demande qu'il lui soit alloué l'entier bénéfice de ses précédentes écritures.

Dans ces précédentes écritures, Mme Y sollicitait la condamnation solidaire de Butz, Shindfessel et la SCI Résidence Vacances et Loisirs au paiement de la somme de 600.000 Frs, en réparation du préjudice subi, à la suite de la rupture sans motif réel et sérieux, de son contrat d'agent commercial.

Mme Y explique que le fonds et les immeubles ont été cédés dans le cadre de la liquidation judiciaire de Monsieur Mur, déclaré en redressement judiciaire, le 14.5.1987, Monsieur MUR exploitant un camping.

Elle indique que le Tribunal de Commerce avait accepté l'offre de Madame Aurelle, antérieurement à la cession de l'ensemble immobilier et du fonds de commerce à la SCI Résidence Vacances et Loisirs.

Elle précise que Madame Aurelle lui avait demandée de créer un restaurant ; que, par la suite, Monsieur Butz était autorisé à se substituer à l'offre de Madame Aurelle, à son nom ou pour toute personne morale qu'il devait se substituer : SCI, SARL.

Elle précise qu'il avait été accepté par Messieurs Butz et Shindfessel, qu'elle participerait à la gestion commerciale du fonds qui devait s'effectuer sous forme d'une SARL.

Elle indique que la cession du fonds de commerce est intervenue pour le Franc Symbolique; que le matériel et la clientèle avaient disparu ; qu'elle a dû acquérir du matériel d'équipement et de restauration pour développer l'activité nouvelle de restauration.

Elle précise que Messieurs Butz et Shindfessel avaient indiqué, lors de l'ordonnance autorisant la cession, que l'ensemble immobilier serait acquis par une SCI et que l'exploitation commerciale du fonds se ferait par l'intermédiaire d'une SARL.

Elle précise qu'en attendant la mise en place de ces structures, Messieurs Butz et Shindfessel, qui avaient convenu de l'associer pour l'exploitation commerciale, lui ont proposée la conclusion d'un contrat de location en gérance, puis sans annuler ce contrat, un contrat d'agent commercial.

Elle indique que le contrat confirme l'intention de créer une société commerciale d'exploitation ; qu'il est conclu avec Mme Y, agissant en son nom propre et comme constituante d'une EURL appelée "La Prenante".

Elle indique que le contrat de location en gérance était nul, comme contrevenant à l'article 4 de la loi du 20.3.1956 ; que le fonds n'était plus exploité ; que, dès lors, un contrat d'agent commercial a été conclu le 23.6.1988, dans la mesure où la SARL n'avait pas été constituée, Messieurs Butz et Shindfessel voulant recourir à ses services pour bénéficier de sa connaissance du site et pour aider au développement de l'activité.

Elle indique qu'en vertu du contrat d'agent commercial, elle était chargée de la mise en activité du restaurant et de la piscine.

Elle précise qu'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée et qu'il est précisé sur le contrat, qu'à la constitution définitive de la SCI et de la SARL, Monsieur Butz ou ses sociétés pourront mettre fin au mandat en informant leurs co-contractants par lettre recommandée qui mettra fin au mandat dès sa réception.

Elle indique que ces mentions démontrent l'accord des parties de constituer une SARL pour exploiter le fonds et de l'y associer.

Elle indique que le contrat ne pouvait être rompu qu'à la constitution de la SARL en charge d'exploiter le fonds.

Elle précise que la SARL n'a jamais été constituée et que seule la SCI a été immatriculée, que Messieurs Butz et Shindfessel ont exploité le fonds sans s'être inscrits au Registre du Commerce et des Sociétés.

Elle précise que, dans sa lettre de rupture du 5.12.1988, le mandant ne donne pas les raisons qui le conduise à la rupture d'un contrat établi seulement huit mois avant ; qu'il a refusé de répondre au courrier du 21.12. 1988, l'interrogeant sur les motifs de la rupture.

Elle indique qu'elle n'a commis aucune faute et qu'elle est en droit de demander réparation du préjudice consécutif à cette rupture.

Elle indique qu'elle a travaillé huit mois sans percevoir la moindre rémunération.

Elle précise qu'elle avait investi pour le compte de son mandant et que celui-ci a refusé toute indemnisation.

Elle indique que devaient lui être remboursés les frais et avances qu'elle a effectués.

Elle indique qu'elle a entrepris son activité dès la signature du contrat d'agent commercial.

Elle précise qu'elle a remis les comptes au Cabinet Comptable Portes, notamment les documents relatifs à l'activité commerciale, pour établir les comptes de gestion au 31.12.1988.

Elle précise que ces comptes ne lui ont jamais été communiqués malgré ses demandes réitérées.

Elle indique qu'elle a réglé une facture d'électricité d'un montant de 14.232 Frs, le 9.8.1988.

Elle soutient qu'elle a dû souscrire personnellement auprès du Crédit Agricole, le 29.6.1988, un emprunt pour faire face aux besoins de trésorerie et en particulier pour financer le stock.

Elle précise que les fonds ont été employés à régler les fournisseurs, ce qui apparaît dans la comptabilité.

Elle indique qu'elle a également payé une facture de TVA de 3.542 F pour le compte de son mandant.

Elle sollicite donc que soit infirmé le jugement en ce qu'il avait affirmé que la rupture n'était pas abusive, de dire que le mandat d'intérêt commun a été rompu sans motif réel et sérieux et en conséquence, elle demande qu'il soit fait droit à sa demande, à hauteur de tous préjudices confondus, de la somme de 600.000 Frs.

Discussion et décision

Attendu que l'acte dont se prévaut Mme Y a été établi le 23.6.1988;

Qu'il est intitulé "Contrat d 'agent commercial", Monsieur Butz Martin déclarant agir en qualité de représentant de la SCI Résidence Vacances et Loisirs, en cours de formation, ladite SCI titulaire d'une promesse de vente de l'ensemble immobilier à usage d'habitation et commerciale sis à Campagne-Les-Bains et en tant que représentant d'une SARL en voie de formation bénéficiaire d'une promesse de vente du fonds de commerce, selon Ordonnance du Juge Commissaire de la liquidation judiciaire de Monsieur Georges Mur du 14.4.1988

Attendu que le mandat est conclu pour une durée indéterminée;

Qu'il est précisé qu'il prend effet à sa date et qu'il est toutefois convenu qu'à la constitution définitive de la SCI et de la SARL ci-dessus rappelée, Monsieur Butz ou ses sociétés pourront mettre fin au mandat en informant leurs co-contractants par lettre recommandée, qui mettra fin au mandat à sa date de réception;

Attendu que le 5.12.1988, Mme Y recevait un courrier recommandé avec accusé de réception émanant de Monsieur Ribery;

Qu'il indiquait qu'à la demande de la SCI Résidence Vacances et Loisirs, il portait à sa connaissance que celle-ci mettait fin, à compter du 31.12.1988, au contrat de gestion commerciale du restaurant qui lui avait été consenti et lui demandait d'établir l'intégralité des comptes;

Attendu qu'aucun motif n'est donné à l'appui de cette rupture du contrat;

Que si, effectivement, le contrat prévoyait qu'il pourrait y être mis fin à la constitution définitive de la SCI et de la SARL, il apparaît de l'examen de ce contrat qu'il était necessaire, pour qu'il puisse être mis fin à celui-ci, que soient constituées et la SCI et la SARL, et non pas une seule des deux sociétés

Qu'en l'espèce, la SARL n'a jamais été constituée, seule la SCI l'ayant été ;

Attendu qu'il résulte des écritures de Messieurs Butz et Shindfessel, de la SCI Résidence Vacances et Loisirs, que celle-ci a repris les engagements pris par Monsieur Butz au nom de la société en formation, par une délibération en date du 10.6.1993

Attendu qu'est produit le procès-verbal de la réunion de l'Assemblée Générale Ordinaire du 10.6.1993 selon lequel, à la première résolution, il est indiqué que la collectivité des associés, après avoir pris connaissance des actes accomplis par les fondateurs au nom et pour le compte de la SCI Résidence Vacances et Loisirs pendant la période de formation, déclare approuver successivement chacun de ses actes, notamment le contrat d'agent commercial au profit de Mme Y par Monsieur Butz du 23.6.1988, étant précisé qu'il résulte de ce procès-verbal que les deux associés de cette SCI sont Messieurs Butz et Shindfessel;

Attendu qu'en raison de la reprise par la SCI des engagements souscrits par Monsieur Butz, pour le compte de la Société en formation, il convient de mettre hors de cause Monsieur Butz et Monsieur Shindfessel à titre personnel;

Que cette mise hors de cause est faite simplement dans la mesure où il incombe à Mme Y de poursuivre d'abord la SCI, les associés ne pouvant être poursuivis que si la SCI se révélait insolvable;

Que, dès lors, cette mise hors de cause dans la présente procédure n'interdit pas à Mme Y, dans le cas où la SCI s'avèrerait insolvable, de poursuivre les associés de la société, en exécution de toutes condamnations qui seraient prononcées par le présent arrêt;

Attendu, en ce qui concerne la demande de sursis à statuer, qu'aucune justification de consignation n'est produite à l'appui de la plainte avec constitution de partie civile;

Attendu d'autre part, qu'en ce qui concerne une partie de la plainte pour "Destruction et détournement de matériels du camping", que ces faits ont déjà été jugés, Mme Y relaxée et la SCI déboutée de ses demandes à ce titre;

Attendu d'autre part, que Mme Y a dû quitter les lieux en 1988;

Que la plainte avec constitution de partie civile, notamment pour "Abus de confiance", est en date du 18.6.1996

Attendu, dans ces conditions, qu'il n'y a pas lieu à surseoir à statuer;

Attendu que le contrat d'agent commercial était un contrat à durée indéterminée;

Qu'il ne pouvait y être mis fin en dehors des cas prévus par le contrat, immatriculation cumulative de la SCI et d'une SARL, à supposer toutefois que cette clause d'autorisation soit valable;

Qu'il pouvait y être mis fin en cas de faute grave de Mme Y;

Attendu qu'à l'appui de la rupture, la SCI n'a donné aucune explication

Qu'elle n'a pas répondu aux demandes de Mme Y relatives au motif de la rupture;

Qu'elle ne fournit, en dehors de ses affirmations, aucun élément démontrant que Mme Y ait commis une quelconque faute dans l'exercice de son mandat d'agent commercial

Attendu que,s'agissant d'un mandat d'intérêt commun, l'agent commercial a droit, en cas de rupture, à une indemnisation destinée à compenser le préjudice découlant de cette rupture;

Attendu que Mme Y indique qu'elle a transmis l'intégralité de la comptabilité, qui n'était pas sa comptabilité mais celle de la société, lorsque son mandat a été révoqué

Que, dès lors, l'indemnité ne peut être calculée sur les commissions auxquelles elle aurait eu droit;

Que Mme Y indique également, sans être contredite, qu'elle n'a perçu aucune commission pendant toute la durée de son contrat;

Que Mme Y justifie avoir réglé pour le compte de la SCI, une facture EDF selon attestation du 9.8.1988, pour un montant de 14.232 F;

Attendu qu'il n'est pas justifié pour Mme Y, de ce que l'emprunt qu'elle a contracté auprès du Crédit Agricole ait été destiné et consacré à l'exploitation du restaurant et du camping;

Attendu qu'il n'est pas démontré que Mme Y ait acquitté de la TVA pour le compte de la SCI ;

Attendu, dès lors, qu'il convient de condamner la SCI à rembourser le montant de la facture d'électricité et d'allouer à Mme Y, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi à la suite de la rupture du contrat, la somme de 50.000 Frs;

Que la SCI sera condamnée à verser cette somme;

Attendu que Monsieur Butz, qui n'a pas justifié jusqu'à une date récente, de la reprise des engagements par la SCI, conservera à sa charge les dépens de première instance et les dépens d'appel interjetés à son encontre;

Que la SCI sera condamnée aux dépens d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, vu l'arrêt en date du 17 janvier 1996; rejette la demande de sursis à statuer; vu l'assignation en intervention forcée de la SCI Résidence Vacances et Loisirs; vu la justification par la SCI Résidence Vacances et Loisirs, de la reprise des engagements de Monsieur Butz, pris au nom de la Société Civile Immobilière Résidence Vacances et Loisirs en formation; réformant le jugement déféré et statuant à nouveau, déclare abusive la rupture du contrat d'agent commercial liant la SCI Résidence Vacances et Loisirs et Mme Y; En conséquence, Condamne la SCI Vacances et Loisirs à payer à Mme Y la somme de cinquante mille francs (50 000F) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice; la condamne en outre à rembourser à Mme Y la somme de quatorze mille deux centre trente deux francs (14 232 F) exposée pour son compte; rejette le surplus des demandes de Mme Y; prononce la mise hors de cause de Monsieur Butz et de Monsieur Shindfessel; dit que la mise hors de cause, dans la présente procédure, ne peut faire obstacle à une action de Mme Y à l'encontre des associés de la SCI, dans le cas où celle-ci s 'avèrerait insolvable; condamne la SCI Résidence Vacances et Loisirs à payer à Mme Y la somme de huit mille francs (8 000 F) par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile condamne Monsieur Butz aux dépens de première instance et aux dépens de l'appel interjeté à son encontre condamne la SCI Résidence Vacances et Loisirs aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Estival-Divisia, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.