CA Paris, 15e ch. A, 25 janvier 1995, n° 93-017187
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Socadip (Sté), Crédit Lyonnais (SA)
Défendeur :
Santé Beauté (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyrat
Conseillers :
M. Duclaud, Mme Favre
Avoués :
SCP Parmentier-Harouin, SCP Teytaud, SCP Fanet
Avocats :
Mes Sagot, Vogel, Reinhart.
Le 22 décembre 1989, la société Socadip s'est par un contrat intitulé " de garantie de paiement 1990 " portée caution au bénéfice de la société Santé Beauté " du paiement au fournisseur de ses factures de marchandises dues par les actionnaires de Socadip et par les adhérents dont la liste devait être jointe ; la liste indiquait uniquement " Codec actionnaire ".
Le cautionnement était lui-même contre-garanti par la caution du Crédit Lyonnais, concrétisé par un acte signé par la banque et par Socadip ; la garantie était financée par une commission versée par le fournisseur à hauteur de 0,40 % HT du chiffre d'affaires réalisé avec les actionnaires ou adhérents mentionnés sur la liste.
La société Codec ayant fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 9 août 1990, la société Santé Beauté a produit sa créance pour 743 857,13 F ; elle a adressé à Socadip le relevé de ses impayés, puis n'obtenant pas le règlement, elle a mis la société Socadip en demeure de la régler le 1er octobre 1991 de la somme de 270 544,37 F (45/360e du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en 1990 avec Codec) ; cette mise en demeure étant restée sans effet, elle l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Paris le 15 janvier 1992 ; la société Socadip a sous toute réserve assigné le Crédit Lyonnais en garantie le 30 janvier 1992.
Par jugement du 26 mai 1993 auquel la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions antérieures des parties, cette juridiction a, en ordonnant l'exécution provisoire, condamné la société Socadip à payer à la société Santé Beauté la somme de 270 544,37 F avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 1992, et celle de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et a ordonné au Crédit Lyonnais de relever la société Socadip de la condamnation à titre principal prononcé par le jugement.
La société Socadip a relevé appel de cette décision le 12 juillet 1993.
Le Crédit Lyonnais conclut le 27 octobre 1993 :
- que la demande de la société Santé Beauté n'entre pas dans le champ d'application du contrat :
1) que la créance sur les sociétaires Codec ne constitue pas une dette garantie au titre du contrat du 22 décembre 1989 ; qu'en effet, l'article 1-1 du contrat précise que Socadip se porte caution du paiement au fournisseur de ses factures dues par les actionnaires de Socadip et par les adhérents dont la liste est jointe " à l'exclusion de tous autres " ; que le préambule du contrat précise que seuls sont couverts par la garantie les actionnaires et les adhérents nommément désignés ; que seul Codec figure sur la liste annexée ; qu'aucun de ses propres sociétaires n'y est mentionné ; que les sociétaires Codec en sont donc exclus ; que dans la mesure où elle concerne les adhérents Codec, la créance de Santé Beauté n'est pas garantie ; que ce sont les adhérents qui passaient directement les commandes ; qu'ils étaient livrés et facturés directement ; qu'il en ressort bien que l'opération de vente se réalisait directement entre Santé Beauté et les magasins adhérents de Codec ; que le tribunal de commerce reconnaît que la distinction entre Codec et ses adhérents est mentionnée dans l'addendum du contrat de garantie ; qu'il suffit de constater que la distinction entre Codec et ses adhérents est mentionnée dans l'addendum du contrat de garantie ; qu'il suffit de constater que la distinction résulte du contrat pour qu'il convienne d'en faire application ; que le tribunal a dénaturé le contrat ; que la caution est subordonnée à la conformité des factures aux conditions convenues avec Socadip et l'actionnaire ou l'adhérent considéré ; que l'actionnaire est uniquement Codec ; que les factures étaient libellées au nom des détaillants ; qu'elles sont donc exclues de la garantie ;
- que le fait que préalablement à la signature du contrat de garantie, Socadip et la société Santé Beauté aient signé un contrat de coopération commerciale faisant allusion à la garantie de paiement sans autre précision, indiquant simplement que cette garantie ferait l'objet d'un contrat distinct, ne peut être retenu ; que l'interprétation donnée à la lettre du 31 mai 1990 adressée par Socadip aux fournisseurs est arbitraire ;
2) que Santé Beauté prétend à tort que la facturation à Codec permettait de faire jouer la garantie Socadip ; que cela ne résulte nullement du contrat qui précise que la garantie est applicable sur un encours moyen par fournisseur et par actionnaire calculé en particulier en tenant compte du chiffre d'affaires HT de la dernière année civile ; que pour déterminer la couverture applicable, il convient d'examiner si les créances invoquées correspondent à des achats garantis, ce qui implique de tenir compte des bons de commande et des bons de livraison ; que Santé Beauté soutient également à tort que seule importe la personne au nom de qui la facture est faite ; que ceci est contraire au courrier de Socadip du 1er février 1991 ;
3) qu'il ne peut être soutenu que la caution devait s'appliquer pour les créances de Santé Beauté sur les sociétaires au seul motif que Codec centralisait les paiements ; que la seule question est de savoir si la créance invoquée par l'intimée remplit les conditions de la garantie ; que le fait que Codec ait servi d'intermédiaire ne change rien dans la mesure où les dettes ne sont pas couvertes par la caution ;
4) que le fait que Socadip n'ait pas remboursé immédiatement une commission qui aurait été versée à tort ne permet pas d'en déduire la preuve d'un engagement de Socadip pour les factures correspondant à des achats des adhérents non couverts par le contrat de garantie ;
5) que l'admission de la créance au passif de Codec ne constitue pas la preuve que les conditions de la garantie sont remplies ;
- que la caution ne peut être tenue que dans les limites de son engagement ; que les sommes réclamées ne correspondent pas à des achats de Codec actionnaire, seules créances couvertes par la garantie.
Le Crédit Lyonnais demande l'infirmation du jugement et précisant qu'il a été exécuté, la restitution des sommes avec intérêts au taux légal à compter du paiement et 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Socadip conclut pour sa part le 12 novembre 1993 :
- qu'au terme du contrat conclu le 8 janvier 1990, " Socadip se porte caution du paiement au fournisseur de ses factures de marchandises marque distributeur et produits premiers prix exclus, dues par les actionnaires de Socadip et par les adhérents de ceux-ci dont la liste est ci-jointe, à l'exclusion de tous autres " et également que " Socadip est elle-même garantie, en cas de mise en jeu de la caution ... par une caution du Crédit Lyonnais " ;
- qu'il est prévu que la caution s'exerçait à concurrence d'un plafond de 45/360ème du chiffre d'achats HT de l'année civile précédente, le fournisseur versant en contrepartie à un fonds de garantie ouvert au Crédit Lyonnais une contribution de 0,40 % HT de son chiffre d'affaire HT réalisé avec l'ensemble des actionnaires et adhérents figurant sur la liste ci-jointe ; qu'enfin, " la liste des actionnaires et adhérents d'actionnaires cautionnés par Socadip pour les factures établies à leur nom " était jointe au contrat ;
- que seule la société Codec figurait à la liste annexée ;
- que la garantie n'était pas due pour les filiales de Codec qui ne figuraient pas dans la liste des entreprises cautionnées ;
- que dans sa lettre du 15 mars 1991, Socadip avait bien indiqué qu'il convenait de distinguer les hypothèses où Codec était le véritable débiteur, de celles où il n'était qu'un intermédiaire aux fins de paiement, le véritable débiteur étant le sociétaire adhérent de Codec, les garanties Socadip et Crédit Lyonnais ne jouant que dans la première hypothèse ;
- que le tribunal, constatant la différenciation du contrat, n'en a pas tiré les conséquences logiques ;
- que l'activité d'achat pour revendre de la société Codec était dénommée " activité d'entrepôt ", caractérisant le fait que les marchandises acquises par Codec transitaient par ses entrepôts, au contraire des marchandises acquises par les magasins sociétaires Codec qui étaient livrées directement ; que seule " l'activité d'entrepôt " entre dans le champ de la garantie ;
- que le " circuit direct " comprenait une commande passée par le sociétaire Codec au fournisseur, une livraison directe à ce fournisseur, une facturation à ce fournisseur, une centralisation par Codec qui réglait selon bordereau récapitulatif mensuel ; qu'il a été mis fin à ce système dès août 1990 par Maître Lafont, administrateur provisoire de Codec qui en a informé les fournisseurs par courrier du 24 août 1990 ;
- que le tribunal a avancé l'hypothèse que Codec se portait ducroire de ses adhérents ; qu'en le supposant, cela ne pouvait jouer qu'entre le fournisseur, le sociétaire Codec et Codec, mais sûrement pas dans les relations avec Socadip qui n'est pas partie et à qui cette convention est inopposable, Socadip ne l'ayant appris qu'après résiliation de la caution ;
- qu'en fait, il existait un système de centralisation des paiements par Codec, ce qui fait apparaître que Codec intervenait en mandataire au paiement de ses sociétaires, au sens de l'article 1236 du code civil ; qu'en tout cas, toute superposition à la relation d'achats fournisseur-sociétaire Codec est inopposable à Socadip, les relations fournisseurs-Socadip étant réglées exclusivement par le seul contrat Socadip ;
- que le tribunal a à tort retenu que l'ensemble de la dette du groupe Codec admise par les mandataires liquidateurs devait être considéré comme celle de Codec actionnaire dans le cadre du contrat de garantie de paiement; qu'il a fait une confusion entre l'admission de la créance et le champ d'application du contrat ;
- qu'il n'y avait pas lieu de se référer à la commune intention des parties, le contrat était clair et précis ; qu'en tout cas, il faudrait pour le faire se référer à des éléments antérieurs au contrat et non postérieurs, éléments dont Socadip n'avait pas connaissance ;
- qu'il y a lieu, si le jugement était confirmé " de faire droit à l'appel en garantie du Crédit Lyonnais ".
Il demande l'infirmation du jugement et le remboursement des sommes avec intérêts au taux légal à compter du paiement.
La société Santé Beauté réplique le 17 janvier 1994 :
- que le contrat de garantie de paiement couvre expressément Codec Longjumeau actionnaire ; que les factures étaient libellées au nom de Codec Longjumeau et réglées par elle ; que la lettre du 31 mai 1990 conforte cette analyse, conforme au contrat de coopération commerciale signé le même jour ;
- que la facturation transitant pour paiement par Codec Longjumeau est une condition suffisante de la mise en œuvre de la garantie Socadip ;
- que rien n'indique au contrat que la livraison directe entraîne exclusion de la garantie ;
- que Codec est bien le débiteur de Santé Beauté ; que la garantie doit jouer ;
- qu'il ressort du contrat que son but est une protection renforcée du fournisseur visant à prévenir la défaillance d'un actionnaire ou d'un adhérent.
Elle demande la confirmation du jugement et 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le Crédit Lyonnais répond le 20 juin 1994 :
- que Santé Beauté opère une confusion entre la garantie souscrite par Socadip dans le cadre du contrat de garantie de paiement et la garantie de solvabilité souscrite par Codec dans le cadre du système du circuit direct mis en place hors la connaissance de Socadip ; que seules les créances correspondant à des achats de marchandises effectuées par Codec dans le cadre de son activité entrepôt entrent dans le champ d'application de la caution ; qu'elles ont d'ailleurs été réglées ;
- qu'un système avait été mis en place directement entre Codec et certains fournisseurs comme Santé Beauté dont Socadip n'a eu connaissance qu'après la résiliation de la caution, système matérialisé par une fiche d'accord direct qui mentionnait que l'opération de vente proprement dite se réalise entre le fournisseur et le magasin à enseigne Codec ;
- que Santé Beauté opère une confusion entre la garantie souscrite et le système selon lequel Codec réglait sous certaines conditions dans le cadre du système du circuit direct les factures dues par les magasins à enseigne Codec, modalités de paiement qui sont inopposables à Socadip et au Crédit Lyonnais qui n'y était pas partie ;
- que le fait que Santé Beauté ait accepté que ses ventes lui soient réglées non par l'acquéreur des marchandises mais par un tiers n'apporte aucun changement au fait que l'opération de vente avait lieu avec le magasin Codec et ne relevait donc pas de la caution ;
- que l'étendue d'un cautionnement ne peut être modifié sans que la caution donne son accord ; qu'en l'espèce, Codec décidait discrétionnairement d'accorder ou de supprimer sa garantie, sans que la société Socadip en soit informée ; qu'il est évident que dans l'hypothèse du circuit direct, Codec n'est que mandataire au paiement des magasins à enseigne Codec ; que cela a d'ailleurs été affirmé par de nombreuses décisions ; que Codec l'a d'ailleurs indiqué dans certaines de ses circulaires ;
- que l'acceptation par Codec de certains effets de commerce ne modifie par cette solution ; qu'elle concerne Codec sur le plan cambiaire et non sur le plan fondamental qui seul intéresse Socadip ;
- que le courrier du 31 mai 1990 indique clairement que la couverture s'applique à l'activité entrepôt de Codec et à l'égard de ses filiales limitativement énumérées.
Il maintient ses précédentes demandes et sollicite en outre qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'engage à rembourser les commissions de garantie versées éventuellement à tort en 1990 et 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Socadip conclut à nouveau de son côté le 20 juin 1994, après avoir fait de longues citations du contrat et des fiches d'accord circuit direct, que ce circuit est hors garantie de Socadip ;
- que le fait que Codec se serait portée ducroire ne peut changer la lecture du contrat de garantie de paiement ;
- que d'ailleurs, la notion de ducroire est inapplicable en l'espèce, le contrat de vente préexistant au système de centralisation des paiements et le contrat prévoyant que le fournisseur, en cas de litige sur la marchandise, faisait son affaire personnelle du paiement de la facture par Codec ;
- que Codec qui le rappelait dans ses circulaires n'intervenait qu'en qualité de mandataire ;
- que cela ressort encore de ce que Maître Lafont a demandé le 24 août 1990 aux fournisseurs de s'adresser directement aux magasins Codec pour le paiement de leurs factures et que les fournisseurs dont Santé Beauté ont été réglés par les magasins Codec ;
- que la fiche d'accord circuit direct montre que Codec a d'ailleurs cloisonné son rôle, le fournisseur ignorant le délai dans lequel le magasin Codec paie Codec et le délai de paiement de Codec au fournisseur ;
- que le magasin Codec payait Codec avant qu'il ne règle le fournisseur ; qu'il ne pouvait être que mandataire ;
- que la centralisation des paiements par Codec résulte d'un accord entre le fournisseur, directement avec Codec, et hors Socadip ;
- que les magasins Codec ne sont pas mentionnés dans la lettre du 31 mai 1990 ;
- que la commission de 0,40 % était calculée par le fournisseur sous sa seule responsabilité ;
Il maintient ses demandes précédentes et sollicite en outre 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Santé Beauté répond le 2 août 1994 qu'elle maintient ses écritures ; que le Crédit Lyonnais lui reproche de ne pas avoir prévu une clause de réserve de propriété ; que rien n'y oblige le fournisseur.
Socadip maintient le 2 septembre 1994 ses demandes en reprenant ses arguments.
Le Crédit Lyonnais précise pour sa part le 3 octobre 1994 que l'existence d'un engagement de ducroire ne se présume pas ; il reprend par ailleurs ses précédents arguments.
La société Santé Beauté maintient que Socadip connaissait l'existence du circuit direct ; que la société Codec, mandataire, devenait débiteur du créancier, car elle traitait en son nom propre ; que dès lors, les factures étant conformes, la caution doit jouer.
Le Crédit Lyonnais reprend ses moyens, en insistant sur le fait qu'il faut bien distinguer d'une part les relations Codec-fournisseur et les relations Codec-Socadip.
Ceci étant exposé,
Considérant que le texte du contrat de garantie de paiement du 22 décembre 1989 est pour l'essentiel, ainsi rédigé, la personne désignée par le mot " fournisseur " étant en l'espèce la société Santé Beauté :
" Socadip garantit aux fournisseurs dans les conditions ci-après, le paiement des factures dues par ses actionnaires et les adhérents de ceux-ci nommément désignés pour les livraisons effectuées pendant l'exercice 1990 à concurrence d'une somme globale d'un milliard de francs.
Article 1. Caution :
1-1 : Socadip se porte caution du paiement au fournisseur de ses factures de marchandises dues par les actionnaires de Socadip et par les adhérents de ceux-ci dont la liste est ci-jointe, à l'exclusion de tous autres.
1-2 : Cette caution est subordonnée :
- à la conformité des factures aux conditions convenues avec Socadip et avec l'actionnaire ou l'adhérent considéré,
- au respect des conventions passées avec eux,
- au paiement à bonnes dates des commissions ci-après prévues " ;
Considérant que le présent litige trouve sa source d'une part dans le fait que sur la liste jointe intitulée " Liste des actionnaires et adhérents d'actionnaires cautionnés par Socadip pour les factures établies à leur nom " figure uniquement : " Codec (actionnaire) : rue du Chemin Blanc - 91200 Longjumeau " et d'autre part dans la constatation que la société Codec exerçait en fait différents types d'activité qu'il convient de qualifier pour déterminer l'étendue de la convention de garantie du 26 janvier 1990 ;
Sur les activités de la société Codec :
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier, en particulier, d'un long article intitulé " Structure de la distribution ", que la société Codec exerçait en fait trois types d'activité, celle " d'achat-vente " dont il n'est pas contesté qu'elle est couverte par l'engagement de caution, qui correspondait à 50 % de l'approvisionnement des membres et pour lequel elle disposait " d'entrepôts énormes " (selon M. Cammas - chef du service juridique et contentieux de l'organisation Codec-Una), la représentation, enfin celle de centrale de référencement ;
Considérant que dans le cadre de cette dernière activité, il était passé un accord dit " circuit direct " entre Codec et le " fournisseur " ; qu'il convient de relever dans cet accord, auquel ni Socadip ni le Crédit Lyonnais n'étaient partie, les passages suivants :
1- Objet :
Le présent accord a pour objet les relations du fournisseur avec Codec, celle-ci agissant en tant que centrale de référencement, cependant que l'opération de vente proprement dite se réalise entre le fournisseur et le client de Codec (article 1-10),
- déterminer les intérêts réciproques et les conditions de la coopération commerciale entre Codec et le fournisseur qui se présume de la manière suivante : permettre au fournisseur d'accéder à un marché constitué par les clients de Codec, fournir au fournisseur les services ci-dessus moyennant des rémunérations sans remettre en cause la politique commerciale définie par Codec et en lui permettant d'offrir à ses clients, dans le cadre d'une gamme de produits définis par la société, ceux complémentaires des gammes ou assortiments existants sur les entrepôts appartenant directement ou indirectement à Codec ou liée à Codec par un contrat particulier " ;
Considérant qu'il précise encore :
- que Codec " négocie pour le compte de ses clients des avantages immédiats ou différés. "
- que Codec procède au " recollement des factures émises par le fournisseur au nom des clients de Codec " et " globalise les factures parvenues dans le délai prévu par un relevé périodique, base du paiement de Codec " ;
- que Codec " négocie ses délais de paiement qui sont précisés dans la fiche d'accord circuit direct. Ces délais de paiements sont indépendants de ceux appliqués par Codec au paiement " ;
Considérant enfin que les conditions générales de l'accord précisent que " toute commande est passée par le client ", que " le fournisseur doit livrer le client aux conditions de la commande ", enfin que " le fournisseur doit facturer le client livré " ;
Considérant que les parties s'opposent sur la qualification à donner aux relations entre la société Codec et ses adhérents, les uns soutenant que la société Codec était ducroire, les autres qu'elle n'était que mandataire;
Considérant que l'existence d'un engagement ducroire ne se présume pas ; qu'en l'espèce d'ailleurs, il ressort en particulier de l'accord de circuit direct que les fournisseurs étaient toujours en relation directe avec les membres de la coopérative Codec ; qu'ils recevaient les commandes des divers magasins, les livraient et les facturaient ; que ces éléments excluent la qualification de l'article 94 du code de commerce ; que le contrat passé entre un fournisseur et un groupement d'achat qui se charge de négocier aux meilleures conditions des offres avec les fournisseurs au profit de ses adhérents ou affiliés qui conservent la maîtrise de leur achat s'analyse en un contrat de référencement ; que l'organisation du " circuit direct " exclut que Codec ait eu la qualité de commissionnaire;
Considérant qu'il apparaît bien que dans le système de " circuit direct ", la société Codec était un mandataire au paiement; que cela ressort des propres déclarations des responsables de cette société qui revendiquait pour elle la qualité de mandataire, précisant que ses adhérents n'étaient que des clients, indépendants d'elle, et pour lesquels elle négociait les prix avec les fournisseurs, se chargeant du règlement des commandes au vu de factures adressées aux divers magasins et qu'elle centralisait ; que cela ressort également des instructions données en particulier aux fournisseurs ; qu'ainsi, la Cour relève dans le document " structure de la distribution " déjà cité, les passages suivants : (page 12) : M. Cammas : " Nous recevons la facture libellée au nom du sociétaire. Nous payons puisque nous rendons le service du paiement centralisé. Nous sommes mandataires au paiement des sociétaires. " ; qu'encore interrogé sur le point de savoir s'il admettait que le sociétaire ait une créance directe contre le fournisseur, il répondait " absolument, c'est la règle du mandat " ;
Considérant qu'outre ces déclarations, le 18 mars 1990, la société Codec a adressé aux fournisseurs un " rappel de procédure " concernant les facturations pour les livraisons effectuées directement à nos sociétaires " ; qu'elle précisait à la deuxième page au point " b " que dans ce circuit, " la société Codec n'est que mandataire au paiement ", rappelant, avec exemple, que les factures devaient être au nom et à l'adresse du magasin qui avait passé la commande ; que l'ensemble des documents versés aux débats ne fait que confirmer dans les faits l'exactitude de ces déclarations ; qu'en ce sens, le 16 août 1990, après le jugement de redressement judiciaire, la société Codec a indiqué à ses adhérents qu'elle allait leur faire connaître les sommes non payées par elle et qu'ils auraient à régler pour leur propre compte aux fournisseurs ;
Considérant que les divers magasins Codec disposaient chacun d'une personnalité distincte de celle de la société Codec ; que le fait qu'ils soient associés dans la coopérative ne leur faisait évidemment pas perdre la personnalité juridique; qu'en tout cas, aucun document n'a été versé au débat tendant à établir que le sociétaire de Codec ne devenait plus qu'un simple point de vente et que le dirigeant de ce point, personne physique ou personne morale, perdait la qualité de commerçant ; que seule la démonstration de ce point aurait permis de soutenir que les actionnaires se confondaient avec la société Codec ; que tout, au contraire, démontre que la société Codec distinguait nettement ses activités de commerçant (achat pour revendre) de ses activités de mandataire ; que dès lors il apparaît bien que, compte tenu des termes de la convention du 26 janvier 1990, l'activité du mandataire au paiement n'y était pas incluse ;
Sur les autres moyens :
- Sur le moyen tiré de la facturation :
Considérant que Socadip se portait caution du paiement au fournisseur des factures de marchandises dues par les actionnaires de Socadip " et par les adhérents de ceux-ci dont la liste est ci-jointe "; que dans le document déjà cité du 18 mars 1990 adressé par Codec à ses fournisseurs, il est indiqué que les factures, avis ou relevés de factures doivent être libellées au nom du sociétaire avec l'adresse de livraison complète précisant " nom du sociétaire - nom propre ou raison sociale suivant les cas, voir la liste de nos sociétaires qui vous a été remise " puis " paiement par société Codec BP 122-92.167. Longjumeau "; qu'il en ressort bien qu'il ne s'agit pas d'achat de marchandises réalisé par Codec pour revente à ses adhérents mais d'achat fait directement par ses adhérents dont Codec n'a jamais communiqué la liste; que ces factures n'entrent pas dans le champ de la garantie;
Sur le moyen pris de la livraison dans les entrepôts :
Considérant que la société Socadip précise dans une lettre du 31 mai 1990, donc antérieure au redressement judiciaire de la société Codec, prononcé le 9 août 1990 que " Codec est actionnaire de Socadip à part entière et à ce titre bénéficie de la garantie de paiement " ajoutant :
" Cette couverture s'applique également :
1- Sur les entrepôts directement exploités par Codec, soit : Pont de Veyce, Thuit-Hebert, Peynier-Rousset, Agen.
2- Mais également sur les entrepôts exploités par un tiers pour le compte de Codec, sous condition que la facturation transite pour paiement par Codec Longjumeau : Entrepôt des transports TCO à Betton, Entrepôts Pomona à Carquefour,
3- Sur les filiales suivantes : Covam, Scapa, CGC Frais-Thiais, CGL Entrepôts de produits secs à Melun Senart " ;
qu'il ressort bien du document dont il n'est pas soutenu qu'il aurait entraîné des protestations que la garantie concernait les marchandises devant transiter par les entrepôts Codec ou acceptées par la société Socadip ; qu'en revanche, en étaient exclues les marchandises livrées directement aux magasins ;
Que peu importe, comme il a été soutenu, qu'une telle constatation puisse vider de sa substance le contrat passé ; que tout d'abord, l'engagement de caution a bien joué en ce qui concerne les livraisons commandées par Codec, qui lui ont été livrées et facturées ; qu'ensuite, les appelants font observer qu'ils ont réglé à d'autres fournisseurs des sommes très importantes au titre de leurs engagements, ces fournisseurs ayant respecté leurs obligations de livraisons aux entrepôts et de facturation à la société Codec ;
- Sur le moyen tiré de l'impossibilité de communiquer la liste exacte des adhérents :
Considérant qu'est tout aussi inopérant l'argument purement de fait, tiré de ce qu'en raison de l'évolution continuelle de ses adhérents, la société Codec n'aurait jamais pu fournir des indications fiables sur les magasins à garantir ; qu'outre le fait qu'un tel argument, pour le moins discutable, Codec sachant bien évidemment en permanence quels sont ses associés, d'autres entreprises du même type, tel " système U ", ont bien régulièrement indiqué les noms de leurs propres adhérents pour se conformer aux dispositions du contrat ;
- Sur l'admission des créances et l'acceptation d'effets :
Considérant que les arguments tirés tant du montant des créances admises que du fait que la société Codec avait accepté des traites ne peuvent être retenus ; que d'une part, l'engagement de caution doit s'apprécier, non pas eu égard au montant de la créance dont le paiement est réclamé, mais eu égard à l'étendue de l'obligation contractée ; qu'en l'espèce, l'engagement à l'égard de Codec ne portait que sur son activité d'achat pour revendre ; que d'autre part, le fait que le fournisseur, en raison des règles du droit cambiaire puisse poursuivre la société Codec pour la totalité de l'effet accepté, n'est pas non plus de nature à obliger la caution au-delà de son engagement ;
- Sur la connaissance par la caution du circuit direct et sur le montant des cotisations qui lui ont été versées :
Considérant que doit être également écarté l'engagement tiré de ce que la société Socadip aurait méconnu l'existence du " circuit direct ", une telle connaissance, à la supposer établie, ne pouvant, à défaut d'accord expresse, étendre la garantie au-delà des limites du contrat ; qu'est tout aussi important le moyen tiré de ce que le montant des cotisations correspondait à la totalité du chiffre d'affaires, tant d'achats que pour le circuit direct, rien n'établissant qu'il ne s'agissait pas d'une erreur de la part de la société Socadip en les acceptant, ni même que la société Socadip était en mesure de distinguer les seules opérations sur lesquelles elle devait percevoir un pourcentage de celles qui étaient étrangères à la convention ;
Considérant qu'il apparaît que les demandes en paiement formées n'entrent pas dans le champ de la garantie ; que le jugement entrepris sera infirmé dans toutes ses dispositions ; que le moyen soulevé en ce qui concerne la clause de réserve de propriété est dès lors sans objet ;
Considérant que la société Socadip demande la restitution de la somme qu'elle a versée en exécution du jugement avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 1992 ; qu'il sera fait droit à cette demande non contestée par l'intimée ;
Considérant que le Crédit Lyonnais forme la même demande, sollicitant les intérêts au taux légal à compter du paiement qu'il a fait à la société Socadip ; que là encore, cette demande n'étant pas contestée par la société Socadip, il y sera fait droit ;
Considérant que ni l'équité ni la situation économique des parties ne justifient qu'il leur soit accordé de sommes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais non taxables engagés tant devant le tribunal que devant la Cour ;
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau ; Déboute la société Santé Beauté de toutes ses demandes à l'encontre de la société Socadip ; Ordonne la restitution par la société Santé Beauté à la société Socadip des sommes réglées en exécution du jugement avec intérêts au taux légal à compter du paiement ; Ordonne la restitution par la société Socadip au Crédit Lyonnais des sommes versées par la banque au titre des sous-cautionnements avec intérêts au taux légal à compter de leur paiement ; Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ; Condamne la société Santé Beauté aux dépens de première instance et d'appel, autorise la SCP Parmentier Hardouin et la SCP Teytaud, avoués, à recouvrer ces derniers conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.