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Décisions

CA Paris, 1re ch. D, 10 octobre 2001, n° 2001-07820

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Berger, Petit Berger

Défendeur :

Willy Hermann Wirkwarenerzeugung (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulon

Conseillers :

M. Lachacinski, Mme Percheron

Avoué :

Me Bodin-Casalis

Avocats :

Me Duhalde, Planty.

TGI Paris, 4e ch., 2e sect., du 15 mars …

15 mars 2001

Faits constants

Suivant conventions verbales de septembre 1994, la société Willy Hermann Wirkwarenerzeugung (ci-après société Willy) entreprise de tricotage de tissus jersey, soumise au droit autrichien, engageait M. Yves Berger et ses deux enfants M. Alexandre Berger et Mme Delphine Petit Berger en qualité d'agents commerciaux pour la vente en France de ses produits.

Par lettre du 8 juin 1999 (en anglais, communiquée non traduite) la société Willy mettait fin à cette collaboration pour les raisons exposées dans une lettre du 8 mars précédente (baisse du chiffre d'affaires due à la négligence).

En avril 2000 les consorts Berger assignaient la société Willy devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de condamnation à leur payer diverses sommes notamment à titre d'indemnité de préavis et d'indemnité de rupture de conventions d'agent commercial.

Par jugement du 15 mars 2001 le tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement des articles 2 et 5-1 de la Convention dite de Bruxelles, se déclarait incompétent, estimant que l'affaire relevait d'une juridiction étrangère (autrichienne).

Le contredit motivé a été remis au greffe le 26 mars 2001.

Prétentions et moyens de Yves Berger, Alexandre Berger et Delphine Petit Berger

Par observations écrites visées le 7 août 2001, auxquelles il convient de se reporter, ces parties soutiennent :

- que la jurisprudence de la cour de justice européenne et l'article 5-1 de la Convention ne concerne pas que les contrats de travail, mais aussi ceux dont l'obligation d'accomplir un travail dans un cadre de dépendances vis à vis de l'entreprise,

- que la loi française du 25 juin 1991 ne crée pas une obligation autonome de paiement d'indemnité mais se borne à faire application du principe d' indemnisation posé depuis l'origine,

- que le lieu d'exécution du contrat était Paris ainsi d'ailleurs que le lieu de paiement,

Elles estiment en conséquence que le tribunal de grande instance de Paris est bien compétent et demandent à la cour d'évoquer le litige, réclamant la condamnation de la société Willy à leur payer les sommes suivantes :

- à M. Yves Berger

- indemnité de préavis : 24.062 F

- indemnité de rupture de conventions d'agent commercial : 192.498 F

- indemnité de l'article 700 du NCPC : 15.000 F

-- à Mme Delphine Berger Petit

- indemnité de préavis : 24.062 F

- indemnité de rupture de conventions d'agent commercial : 192.498 F

- indemnité de l'article 700 du NCPC : 15.000 F

- à M. Alexandre Berger

- indemnité de préavis : 16.692 F

- indemnité de rupture de conventions d'agent commercial : 133.796 F

- indemnité de l'article 700 du NCPC : 15.000 F

Prétentions et moyens de la société Willy

Par observations écrites visées le 3 septembre 2001 auxquelles il convient de se reporter la société Willy se fonde sur l'article 2 de la Convention dite de Bruxelles pour conclure à la compétence des juridictions autrichiennes ;

Sur l'application de l'article 5-1 de la même Convention, elle fait observer

- que le litige ne concerne pas un contrat de travail,

- que l'obligation qui sert de base à la créance est une obligation de paiement d'indemnité de rupture qui doivent s'exécuter conformément à l'article 1247 du Code civil au domicile du débiteur (l'Autriche)

- que l'obligation principale, d'indemnité de rupture, est bien autonome.

Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris et réclame à chacun des demandeurs une somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi, LA COUR

Considérant que selon l'article 2 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 "les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant sont attraites quelle que soit leur nationalité devant les juridictions de cet Etat" ;

Que selon l'article 5-1 de ladite Convention, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant, en matière contractuelle devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; en matière de contrat individuel de travail, ce lieu est celui où le travailleur accomplit habituellement son travail ;

Que ce lieu est déterminé conformément à la loi qui gouverne le contrat;

Considérant que les parties reconnaissent l'application de la loi française ;

Considérant que l'obligation qui sert de base à la demande concerne l'indemnité de rupture de conventions d'agent commercial, demande principale des contredisants qui n'ont jamais revendiqué un contrat de travail;

Considérant qu'il résulte de l'article 12 de la loi 91-593 du 25 juin 1991, que l'indemnité réclamée, acquise du seul fait de la rupture est une obligation autonome qui sera éventuellement payable au domicile du débiteur, comme le prévoit l'article 1247 du Code civil; que le lieu d'exécution de l'obligation servant de base à la demande, n'étant pas en France, la juridiction française est incompétente;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Willy les frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de lui accorder 15.000 F à ce titre, que chaque contredisant devra lui payer à hauteur de 5.000 F chacun ;

Considérant que conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile "la distraction des dépens" ne peut être accordée lorsque la représentation par avocat et avoué n'est pas obligatoire.

Par ces motifs, rejette le contredit formé par Yves Berger, Alexandre Berger et Delphine Petit Berger ; renvoie les parties à mieux se pourvoir ; les condamne chacun à payer à la société Willy Hermann Wirkwarenerzeugung une somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; laisse les frais à la charge de Yves Berger, Alexandre Berger et Delphine Petit Berger, déboute la société Willy Hermann Wirkwarenerzeugung de sa demande au titre de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.