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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 19 septembre 2001, n° 1999-19214

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Securlite (SA)

Défendeur :

Agence de Représentation et d'Etudes Lanneau (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Avoués :

SCP Hardouin- Herscovici, SCP Jobin

Avocats :

Mes Alterman, Arnaud

T. com. Créteil, 2e ch., du 22 juin 1999

22 juin 1999

Vu l'appel interjeté par la société Securlite à l'encontre du jugement rendu le 22 juin 1999 par le Tribunal de commerce de Créteil qui l'a condamnée à payer à la société AREL la somme de 289.625 F à titre d'indemnité compensatrice de rupture du contrat, a débouté les parties du surplus de leurs demandes, a ordonné l'exécution provisoire et a condamné la société Securlite au paiement de la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens ;

Vu les écritures par lesquelles la société Sécurlite poursuivant l'infirmation de ce jugement, demande à la cour de débouter la société AREL de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 150 000 F à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ainsi que celle de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les écritures de la société AREL tendant à la confirmation du jugement déféré et à l'allocation de la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant qu'il convient de rappeler que le 1er avril 1989, la société Long-Lite, aujourd'hui dénommée Securlite, a confié pour une durée indéterminée avec possibilité de résiliation à tout moment moyennant un préavis de trois mois, à la société AREL, agent commercial, la représentation des lampes Lite Tronics et des luminaires Ensto et Elektrolume sur un secteur composé des départements 01, 07, 26, 38, 42, 69, 73, 74 et 43 auquel s'est ajouté ultérieurement le département 71 ;

Que par courrier recommandé en date du 27 janvier 1998, la société Securlite a notifié à son agent la résiliation du contrat, que la société AREL a contesté cette décision et lui a réclamé une indemnité compensatrice de rupture, puis la société Securlite est revenue sur sa décision par courrier adressé en télécopie le 24 février suivant, mais le 10 mars 1998, reprochant à sa cocontractante de vendre, sans son accord, des produits concurrents, elle a pris acte de la rupture unilatérale du contrat imputable à sa cocontractante ; que le 12 juin 1998, la société AREL a saisi le tribunal afin de voir condamner la société Securlite à lui payer, sur le fondement de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991, la somme de 309 702 F à titre d'indemnité compensatrice, action à laquelle la défenderesse s'est opposée en invoquant la faute grave de son agent de nature à exclure toute indemnité à son profit, sollicitant en outre l'allocation de la somme de 150 000 F à titre de dommages et intérêts ; que c'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement dont appel ;

Considérant que l'appelante soutient que la société AREL a commis plusieurs fautes graves de nature à exclure toute indemnité compensatrice à son profit ; qu'elle lui reproche une baisse du chiffre d'affaires, l'absence de visite des offices d'HLM et la violation de son obligation de non concurrence ; qu'elle prétend que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle expliquait la baisse de son chiffre d'affaires par l'absence de visite des offices d'HLM, alors qu'il s'agit de deux fautes distinctes ;

Mais considérant que l'appelante ne saurait reprocher au tribunal d'avoir lié la baisse du chiffre d'affaires à l'absence de visite des offices d'HLM, puisque dans la lettre de rupture du 27 janvier 1998, la société Securlite invoquait l'effondrement du chiffre d'affaires sur son secteur imputable, selon elle, à l'insuffisance voire à l'arrêt de la prescription depuis des années auprès des HLM, "alors qu'il s'agit du coeur même de notre clientèle", puis après être revenue sur sa décision, à la suite de la réclamation de la société AREL formulée dans un courrier du 3 février 1998 et sa proposition de transaction visant à se voir allouer une indemnité de 311 846 F, elle l'a informée, le 24 février, qu'elle faisait toujours partie des agents de son réseau, pour le 10 mars suivant prendre acte de la résiliation du contrat à ses torts pour fautes graves en invoquant de nouveaux griefs à son encontre, lui reprochant d'avoir violé son obligation de non concurrence ;

Considérant quoiqu'il en soit, que, sur la baisse du chiffre d'affaires en 1997, cette baisse n'a pas l'importance alléguée par la société Securlite; qu'en effet, entre les exercices 1996 et 1997, elle n'est pas, comme elle le prétend, de 28 %, mais de 7,6 %, soit 1 739 349 F HT pour 1996 et 1 607 000 F HT pour 1997 en intégrant les factures payées au début de l'année 1998 ; qu'il en résulte qu'il ne s'agit nullement d'un effondrement du chiffre d'affaires de la société AREL, ce, d'autant plus que si le chiffre d'affaires de l'agent avait baissé entre 1995 et 1996, cette baisse était la conséquence d'une dégradation du secteur concerné à savoir une baisse de -15 % pour l'industrie du luminaire en 1996, selon la note interne de Securlite ;

Considérant, sur l'absence de visite des offices d'HLM, que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal retenant les termes de l'article 5 du contrat qui définissait la clientèle à démarcher comme celle des revendeurs et prévoyait en son paragraphe 3, la possibilité de démarcher la clientèle des utilisateurs à savoir : HLM, syndics d'immeubles, administration etc..., a estimé que le fait d'avoir visité ou pas les Offices d'HLM ne pouvait constituer une faute de l'agent, d'autant plus qu'il n'était pas justifié qu'à un moment quelconque la société Securlite ait attiré l'attention de la société AREL sur la nécessité de les visiter, et encore moins l'ait contraint à ces visites, étant ici observé qu'il ne résulte que de son courrier de rupture du 27 janvier 1998 que les offices d'HLM constituaient " le coeur même de sa clientèle " ;

Considérant, concernant la concurrence, qu'il n'est pas démontré par la société Securlite que les sociétés Hoffmeister et Gabarini, respectivement fabricant de luminaires et fabricant d'équipements pour signalisation tricolore, pour lesquelles la société AREL a également travaillé, avaient une activité concurrente à la sienne alors que l'intimée rapporte la preuve que les produits Hoffmeister qu'elle a vendus ne répondent pas aux mêmes critères que les siens, tandis qu'il est constant que Securlite ne distribue pas d'équipements de signalisation tricolore ;

Considérant, enfin, que l'appelante n'établit pas que son agent aurait été en contact avec la société espagnole BJC durant l'exécution du contrat ; que ni le fax manuscrit sans destinataire du 9 mars 1998, ni le devis AREL du 14 avril 1998, s'agissant d'éléments d'éclairage public non distribués par Securlite, sont de nature à rapporter la preuve que l'intimée aurait vendu des produits concurrents de ceux de l'appelante pendant l'exécution de son mandat ;

Considérant que la société Securlite qui ne démontre pas que son agent aurait commis, pendant l'exécution de son mandat, des fautes graves de nature à exclure toute indemnité compensatrice à son profit, doit être déboutée de son appel et de l'ensemble de ses prétentions et le jugement entrepris confirmé en toutes ses dispositions;

Considérant qu'il serait contraire à l'équité de laisser à la charge de la société AREL les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer en appel, qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire précisée au dispositif ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré ; Condamne la société Securlite à payer à la société AREL la somme complémentaire de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a supporter les dépens d'appel ; Admet l'avoué concerné au bénéfice de dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.