Cass. com., 3 octobre 2000, n° 97-19.999
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Dispharm (SA)
Défendeur :
Solvay Pharma (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Tric
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
Mes Copper-Royer, Roger
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 29 avril 1997), que la société LTM, aux droits de laquelle se trouve la société Solvay Pharma, a conclu divers contrats de services avec la société de droit français Dispharm, puis, le 17 décembre 1991, deux nouveaux contrats d'une durée de deux ans à compter du 1er janvier 1992 avec la société de droit suisse Dispharm ; que par courrier du 13 octobre 1993, la société LTM a notifié la cessation de la collaboration ; que la société Dispharm a réclamé une indemnisation qui lui a été refusée ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Dispharm reproche à l'arrêt de lui avoir refusé le statut d'agent commercial, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 1er de la loi du 25 juin 1991 qu'est agent commercial celui qui est chargé de façon permanente de négocier des contrats de vente pour le compte de l'entreprise mandante ; que les deux contrats du 17 décembre 1991 prévoyaient que "la promotion des produits de la société LTM assurée par la société Dispharm devra entraîner le développement des ventes des produits", que Dispharm s'engage à remettre à LTM tous les mois un rapport d'activité comportant l'évolution des ventes" et que "Dispharm aura droit à une commission fixée à 13 % du chiffre d'affaires réalisé par chacun des produits dans chacun des pays" ; qu'ainsi la société Dispharm était chargée de négocier le développement des ventes ce qui lui conférait le statut d'agent commercial ; qu'en énonçant au contraire que rien n'établissait que la société Dispharm aurait d'une manière habituelle négocié des ventes pour le compte de la société LTM ou recueilli la moindre offre d'achat, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des deux contrats du 17 décembre 1991 au regard de l'article 1er de la loi du 25 juin 1991 et a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les agents de la société Dispharm avaient pour mission essentielle de contacter dans les territoires concédés, les médecins, pharmaciens, infirmiers et autres auxiliaires médicaux pour leur faire connaître les qualités et propriétés substantielles des produits distribués par la société LTM, mission pour laquelle ils recevaient une formation appropriée de la société LTM ; qu'il retient que le fait qu'ils aient visité des auxiliaires médicaux non prescripteurs ne relève que de la situation spécifique de la distribution des médicaments dans les pays dont s'agit et traduit seulement l'apport d'une information technique auprès de ces intermédiaires; qu'il relève encore que le fait que la rémunération soit fonction du volume des ventes obéit à une simple logique économique consistant à faire dépendre la rémunération d'une société de la qualité de l'action promotionnelle menée sur le terrain et des résultats constatés au vu de cette action ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que la société Dispharm avait une mission d'information et non de négociation des conditions de contrats de vente, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs du pourvoi ; que le moyen est sans fondement ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Dispharm reproche encore à l'arrêt d'avoir dit que la théorie du mandat d'intérêt commun n'était pas applicable en l'espèce, alors, selon le pourvoi, qu'il y a mandat d'intérêt commun lorsque le mandataire, comme le mandant, ont un intérêt personnel à mener à bonne fin la mission dont ils sont investis ; que les deux contrats du 17 décembre 1991 prévoyaient que la "promotion devra entraîner le développement des ventes des produits" et "qu'en rémunération de sa prestation, Dispharm aura droit à une commission fixée à 13 % du chiffre d'affaires réalisé par chacun des produits dans chacun des pays" ; qu'ainsi, ces contrats constituaient un mandat d'intérêt commun, la société LTM voyant ses ventes se développer du fait de l'action de la société Dispharm, cette dernière étant rémunérée pour cette action ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des deux contrats du 17 décembre 1991 au regard de la notion de mandat d'intérêt commun et a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société Dispharm se contentait de faire assurer par de simples techniciens n'ayant pas vocation à prendre des commandes la visite de praticiens ou de structures spécifiques susceptibles de prescrire ou utiliser les produits proposés par la société LTM et que l'action de ces délégués, formés par la société LTM n'avait pas pour effet de développer une clientèle commune, mais simplement de développer une action de promotion; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Dispharm reproche enfin à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive des contrats, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la société Dispharm exposait dans ses conclusions d'appel que la société LTM avait commis un abus de droit dans la mesure où "concomitamment " à la rupture, cette dernière avait confié la promotion et la vente de ses produits à un concurrent sur les secteurs qu'elle avait en charge en sorte que la société LTM bénéficiait pour l'avenir de l'important travail effectué par la société Dispharm ; qu'en ne répondant pas à ce moyen de nature à démontrer l'abus commis par la société LTM lors de la rupture des contrats, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que la résiliation d'un contrat à durée déterminée peut, même si le préavis est respecté, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances qui accompagnent la rupture ; que la société Dispharm exposait que la société LTM n'avait pas hésité, concomitamment à la rupture, à confier la promotion et la vente de ses produits à un concurrent, et qu'elle avait continué à travailler pour le laboratoire, après la cessation du contrat, dans le seul but d'en obtenir le renouvellement, de sorte que la rupture avait été brutale ; qu'en se bornant à énoncer que la rupture des contrats n'était pas abusive, sans rechercher si, en raison des circonstances l'accompagnant, elle ne revêtait pas un caractère abusif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre au moyen inopérant tiré du remplacement de la société Dispharm par un concurrent concomitamment à la rupture ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir rappelé que les contrats, à durée déterminée, stipulaient qu'aucune indemnité de rupture ne serait due à l'échéance contractuelle, la cour d'appel, qui relève que la société LTM a informé la société Dispharm deux mois et demi avant l'échéance, dans des termes dépourvus de toute ambiguïté, que leur collaboration cesserait le 31 décembre 1993 et que rien ne démontrait que la société LTM lui aurait laissé espérer une poursuite des relations, a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.